Maurice Ulrich
Quelques heures à peine après l’ouverture du sommet de Copenhague, des masques tombent. On pourrait sourire de voir revenir dans l’actualité la rivale de Barack Obama, Sarah Palin, mais c’est pour appeler le président des États-Unis à boycotter la conférence : « Les politiques qui sont mises en avant ne vont pas changer le temps qu’il fait mais elles vont changer notre économie, et pour le pire. » Elle exprime ce que pensent nombre d’entreprises américaines et la chambre de commerce des États-Unis elle-même, qui dénonce des initiatives à même « d’étouffer la croissance ». Sont-elles les seules ?
En Allemagne, en France même et d’une manière générale dans les pays les plus développés, des voix similaires s’élèvent, toute honte bue. Riches de tous les pays, unissez-vous. Vous n’avez qu’un monde à perdre mais des fortunes à gagner. Il est des informations qui semblent ne pas avoir d’importance car elles relèvent du quotidien. Mais qui sait par exemple que lundi, en raison d’une chute de neige somme toute modeste, toute circulation fut impossible pendant des heures et des heures à Moscou, totalement engorgée par des centaines de milliers d’automobiles, pare-chocs contre pare-chocs. Des circonstances exceptionnelles ? Pas vraiment. Il est relativement fréquent qu’un Moscovite partant de son travail à 19 heures n’arrive pas à son domicile avant minuit. Pourquoi parler de Moscou ? Sans doute parce qu’un certain mode développement, dans ces embouteillages géants, touche véritablement à l’absurde et que cela ne peut pas continuer comme ça.
Mais, au-delà de l’absurde, il y a l’inégalité et elle est planétaire. Un texte élaboré par le Danemark en tant que pays hôte a suscité la colère et l’indignation des pays pauvres en raison de ses dispositions, résumées ainsi par le délégué soudanais Lumumba Stanislas Di-Aping, qui préside le G77 (130 pays en développement : « Nous n’accepterons pas un accord qui condamne 80 % de la population mondiale à plus de souffrance et d’injustice. » Angelica Navarro, négociatrice de la Bolivie qui s’exprime ici même dans nos colonnes, parle d’une négociation parallèle et d’un texte qui semble « être rédigé dans l’intérêt des pays industrialisé ».
Que fait la France, qui en a tant dit ? Elle serait « généreuse » et s’engagerait dans les jours prochains à verser « plusieurs centaines de millions d’euros » pour financer la lutte contre le changement climatique. Que fait l’Europe ? L’Angleterre envisagerait de débloquer 800 millions de livres. L’Allemagne ne dit rien. La Pologne ne veut pas « payer pour Copenhague »… Au total, si l’Europe se mettait d’accord, ce serait sur 2 milliards d’euros pour quelques années. Un simple chiffre en comparaison : le total des aides des 27 pays de l’Union européenne aux banques pour conjurer la crise avoisine les mille milliards d’euros !
Mais il n’y a pas que la question des aides. C’est le fonctionnement même de l’économie mondialisée qui est en cause. La question n’est pas celle d’une hypothétique décroissance. Il s’agit de construire une autre croissance, tant en matière industrielle qu’agricole, en se libérant des chaînes de la croissance financière, de construire partout l’intervention des peuples et des citoyens dans les gestions et les finalités des économies. C’est ce qu’attendent et exigent tous les citoyens du monde présents à Copenhague. La planète est en jeu.
http://www.humanite.fr/L-editorial-Bete-immonde
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