Les enfants âgés de 0 à 14 ans sont aujourd’hui 1,9 milliards et la moitié d’entre eux n’ont accès à aucun des services fondamentaux auxquels ils ont droit : l’alimentation, la santé, l’éducation, la protection contre les abus. La géographie mondiale des droits de l’enfant désigne sans erreur possible les lieux de l’enfance en péril. C’est la géographie de tout ce qu’il manque. Les tâches sombres qui, sur les cartes, représentent les situations les plus dramatiques se retrouvent toujours sur les mêmes régions : l’Afrique sub-saharienne et l’Asie du Sud où la plupart des Etats subissent encore avec violence les conséquences des politiques d’ajustement structurel des années 1980 et 1990. Comment des pays, priés de privatiser ses services publics, ou croulant sous une dette qu’ils peinent à rembourser, pourraient-il créer des systèmes de santé et d’éducation adaptés à leur population d’enfants ?
Les droits des enfants y sont simplement bafoués, à commencer par le premier d’entre tous, le droit à la vie. Au Burkina Faso, au Mali ou au Tchad, un enfant sur cinq meurt avant d’atteindre l’âge de 5 ans. Au Sierra Leone ou en Afghanistan, c’est un enfant sur quatre. Le droit d’exister aussi, d’acquérir une nationalité, une identité : de nombreux enfants ne sont toujours pas enregistrés à la naissance (plus de la moitié des enfants en Afrique sub-saharienne ou en Asie du Sud) malgré les efforts notables de quelques états pour remédier à cette situation, comme le Cambodge qui vient de terminer une vaste campagne au cours de laquelle plusieurs millions de personnes ont été finalement enregistrées. Le droit à l’alimentation enfin : environ un tiers des enfants en Afrique sahélienne ou en Inde absorbe largement moins de calories que le minimum quotidien nécessaire et souffrent de ce fait d’insuffisance pondérale plus ou moins grave.
Pour certains indicateurs, les courbes d’évolution montrent des situations qui, au mieux restent stable, au pire se détériorent, comme dans les régions occidentales ou orientales de l’Afrique. Retard de croissance et sous-nutrition touchent une part grandissante de la population enfantine, l’accès à l’eau et aux services d’assainissement ou aux centres de santé y est plus difficile que jamais.
Rappelons enfin que cette photographie de la situation des enfants dans le monde est anachronique. Comme souvent, les institutions internationales mandatées publient les statistiques socio-démographiques avec deux ou trois ans de retard, voir beaucoup plus dans certains cas. Soit les Etats eux mêmes ne produisent des enquêtes qu’une fois tous les cinq ou dix ans, soit les organisations internationales n’ont pas les budgets pour produire des statistiques plus à jour. Produire des chiffres coûte cher. L’Unesco, l’Unicef ou le PNUD publient en 2009 des statistiques de 2007 ou de 2006, de sorte que l’image cartographique présentée ici — bien que réalisée avec « les derniers chiffres disponibles » — montre une situation qui n’existe déjà plus en 2009. C’est paradoxal, surtout à l’heure ou n’importe quelle statistique économique ou financière est disponible le jour ou le mois même. Il faut dire que les budgets alloués pour la production de ces statistiques sont gigantesques (Banque mondiale, FMI et OCDE). Il est apparemment plus rentable de connaître l’état précis des PIB, du commerce international ou des transactions financières au jour le jour que de celui des enfants qui manquent de l’essentiel.
blog.mondediplo.net - 28.10.09
Sem comentários:
Enviar um comentário