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06/12/2009

MALI: Les craintes de spoliation de terres perdurent

Au Mali, le gouvernement a approuvé des baux à long terme permettant à des investisseurs extérieurs de mettre en valeur plus de 160 000 hectares de terre. Des responsables du gouvernement disent que le pays ne pourrait pas exploiter ses terres cultivables sans cette mesure, mais des agriculteurs locaux disent avoir peur d’être chassés.

Siaka Daou, producteur de riz à Niono, à 300 kilomètres au nord-est de la capitale, Bamako, a dit à IRIN qu’il craignait de devenir travailleur journalier pour des géants de l’industrie agricole.

« La façon dont le gouvernement distribue par parcelles la terre de l’Office [de la région] du Niger nous inquiète. Cela signera [la fin] des petits producteurs. Nous n’aurons plus de terres cultivables et nous serons obligés de travailler pour [des producteurs de] l’industrie agricole ».

Cette région du nord-est de Bamako abrite une partie des terres non irriguées les plus fertiles du Mali.

Abou Bakar Traoré, ancien ministre des Finances, qui a signé, en avril 2009, une convention visant à louer plus de 11 000 hectares à l'Union économique et monétaire ouest-africaine, a dit à IRIN : « il ne s'agit pas de déposséder des producteurs, mais d'aménager des terres cultivables au profit de ces producteurs ».

Des groupes de recherche internationaux ont estimé que ces accords constituaient un accaparement de terres commis par des investisseurs recherchant une production pour leur propre pays, mais Agatham Ag Alassane, ministre malien de l’Agriculture, a dit à IRIN que le pays n’avait pas le choix s’il voulait nourrir sa propre population.

« Aujourd’hui, notre souci est de moderniser l’agriculture, en particulier la riziculture. Pour y parvenir, il faut de grands moyens et de grands espaces. On ne peut pas donner un tracteur à un paysan qui ne dispose que de deux ou trois hectares, ce serait du gâchis ». Développer les terres irrigables permettra de faire en sorte qu’il y ait assez de travail pour les producteurs locaux et assez de nourriture pour les populations locales, a dit M. Ag Alassane.

Abou Sow, secrétaire d’Etat chargé du Développement intégré de la zone Office du Niger, a dit à IRIN qu’il faudrait un demi-million de dollars pour rendre exploitables suffisamment de terres pour répondre aux besoins alimentaires locaux.
« Nous avons un potentiel d'un million [d’hectares] de terres irrigables, sur lesquelles nous n'avons aménagé que 70 000 [hectares]. L’Etat seul ne peut pas tout aménager. Le besoin de terres cultivables augmente chaque année, mais le rythme d'aménagement ne suit pas. [Les contrats] permettent aux Libyens, aux Chinois et à d’autres de venir nous aider ».

Usage productif

Le code foncier du Mali protège les droits fonciers locaux, mais seulement dans la mesure où la terre est utilisée « pour un usage productif ». Cependant, la notion d’« usage productif » n’est pas clairement définie, et cela pourrait « ouvrir la voie à des abus et menacer la sécurité des droits fonciers locaux », d’après un rapport publié en 2009 par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) portant sur les accords fonciers en Afrique.

Pour les 162 850 hectares de terres dont l’allocation a été approuvée à ce jour – soit 0,6 pour cent des terres cultivables du Mali, d’après la FAO – le gouvernement sera payé 292 millions de dollars par des investisseurs de Libye, de l’Union économique et monétaire ouest-africaine et du Millennium Challenge Account, un programme financé par les Etats-Unis.

Au Mali, certains investisseurs fonciers doivent construire des systèmes d’irrigation et en assurer la maintenance, payer des frais de location allant jusqu’à 12 dollars par hectare et par an, ainsi que des frais annuels de consommation d’eau. Mais dans de nombreux contrats fonciers, le point qui reste flou est de savoir quelle proportion de la récolte restera dans le pays. « La plupart des contrats-types sont silencieux sur ce point », d’après le rapport de la FAO.

Au cours d’une visite, en juillet 2009, d’un projet d’irrigation financé par des fonds libyens, la Coordination nationale des organisations paysannes du Mali a publié un document demandant davantage d’informations sur le contrat signé entre la Libye et le Mali.

« La convention signée par les deux pays reste jusque là invisible… il n'est nullement garanti ... que la population [locale va] en bénéficier », a dit l’organisme. « Le bail de 50 ans renouvelable fait craindre l'accaparement définitif de ces terres par la Libye ».

http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=87299

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