Claire Rodier
Le projet européen a pu apparaître comme un rempart aux excès sécuritaires et xénophobes des politiques nationales. Pourtant, en matière d’immigration, le processus d’élaboration de règles communes se caractérise par un nivellement par le bas : fermeture des frontières, criminalisation de l’immigration, application restrictive du droit d’asile. Depuis 2004, l’Union s’est d’ailleurs dotée d’un bras armé pour exécuter ses basses œuvres en matière de répression des migrants aux frontières : l’agence Frontex.
De l’agence Frontex (agence européenne pour la gestion de la coopération aux frontières extérieures), on connaît surtout les interceptions maritimes qu’elle pratique aux frontières sud et sud-est de l’Europe pour empêcher les barques de migrants d’arriver sur les côtes espagnoles, italiennes ou grecques [1]. On sait aussi qu’elle fournit aux États membres de l’Union européenne (UE) l’appui nécessaire pour organiser des « opérations de retour conjointes » de migrants, autrement dit des charters d’expulsés. Depuis la fin de l’année 2010, on a vu qu’elle pouvait mobiliser en quelques jours plusieurs centaines de garde-frontières pour sécuriser une zone : sous le contrôle de Frontex, des équipes d’intervention rapide aux frontières (RApid Border Intervention Teams, RABITS) sont venues, à la demande de la Grèce qui se jugeait débordée par l’« afflux massif » de migrants, apporter une « assistance technique et opérationnelle renforcée » à la frontière gréco-turque.
On a beaucoup moins d’informations sur deux autres missions de Frontex : d’une part le travail de renseignement, en vue de la production d’« analyses de risques » (il faut comprendre : de risques migratoires), elles-mêmes destinées à orienter le choix de ses interventions pour la protection des frontières européennes ; d’autre part la collaboration avec les forces d’intervention de pays non européens via la négociation d’accords techniques. L’une et l’autre jouent pourtant un rôle déterminant dans la « guerre aux migrants » dans laquelle l’UE est engagée depuis une dizaine d’années. La métaphore belliqueuse n’est pas exagérée, non seulement parce que cette guerre a déjà fait de nombreuses victimes [2], mais aussi au regard des moyens logistiques dont dispose Frontex, de ses modes d’intervention et de son organisation.
Devenue la cible des activistes européens (un blog a pris le nom de Frontexplode [3], et le réseau Indymedia diffuse un powerpoint qui présente les activités de Frontex comme un état-major de guerre présenterait son programme d’interventions [4]), l’agence n’est sans doute pas l’« organisation militaire quasi-clandestine », dont parle Jean Ziegler [5], mais il faut reconnaître que sa capacité à mobiliser des troupes et ses méthodes de déploiement sur les frontières sensibles évoque celles d’une armée légère. Son commandement est d’ailleurs placé, depuis sa création en 2004, entre les mains d’un général de brigade finlandais qui a commencé sa carrière dans le corps des garde-frontières.
Pour conduire ses missions, Frontex n’a pas d’équipement propre, mais s’appuie sur les ressources humaines et matérielles qui sont fournies par les États membres, sur la base du volontariat. En février 2010, Frontex disposait de vingt-six hélicoptères, vingt-deux avions légers et cent treize navires, ainsi que de quatre cent soixante-seize appareils techniques utilisés pour lutter contre l’immigration « clandestine » : radars mobiles, caméras thermiques, sondes mesurant le taux de gaz carbonique émis, détecteurs de battements de cœur, radar PMMW (Passive Millimetric Wave Imager), etc. Ces équipements, qui sont basés dans différents pays de l’UE, sont mis à la disposition de l’État membre qui en fait la demande. Ils permettent à l’agence de conduire des interventions de grande ampleur : l’opération Poséidon, à laquelle vingt-et-un États membres ont participé en 2009 a mobilisé vingt-trois navires pour, au total, plus de onze mille heures de patrouille, ainsi que six avions et quatre hélicoptères pour huit cent deux heures de patrouille [6].
De la même façon, Frontex se félicite, dans son rapport 2006, que ses experts aient pu identifier « 100 % des migrants clandestins » arrivés aux îles Canaries depuis la côte ouest-africaine, et placés dans des centres de détention. Elle ajoute : « grâce aux informations recueillies lors des entretiens, il a été possible d’interpeller plusieurs passeurs, essentiellement au Sénégal, et d’éviter le départ de plus d’un millier de personnes ». Mais aucune donnée complémentaire ne vient étayer son raisonnement. Sur quelles bases est calculé ce chiffre d’un millier de personnes dont le départ aurait ainsi été évité ? Pourquoi des boat people ayant accompli avec succès la traversée jusqu’à l’Europe auraient-ils fourni les moyens d’identifier ceux qui les avaient aidés à partir, et pourraient encore permettre à leurs frères ou leurs cousins de les rejoindre ? Combien, parmi ce « millier de personnes » supposées avoir été empêchées de quitter le Sénégal, auraient pu prétendre à une protection internationale si elles avaient pu rejoindre l’Espagne ? Accessoirement, on peut également se demander quelles techniques d’interrogatoire ont été utilisées pour obtenir ce résultat performant de « 100 % » de réussite…
On ne sait quasiment rien des accords conclus par Frontex, sinon qu’ils ne respectent pas les règles applicables pour la conclusion de traités internationaux, pas plus que celles de l’UE dont la procédure de négociation prévoit l’intervention de la Commission, du Conseil, du Parlement et éventuellement de la Cour de Justice. Aucune de ces instances n’est impliquée lorsque Frontex négocie des accords extérieurs, ceci s’expliquant, selon son directeur, par le fait que l’agence n’établirait pas de partenariat avec un pays tiers ou un gouvernement, mais avec les autorités de contrôle aux frontières de ce pays tiers [8]. Raisonnement spécieux, qui laisse beaucoup de questions dans l’ombre, relatives notamment au cadre légal applicable. Par exemple, qui répond des engagements Frontex ? Sont-ils opposables aux États membres, à l’Union européenne, aux pays tiers ? Qui peut les invoquer ? Des questions que le Parlement européen s’est posées en demandant, dans une résolution du 18 décembre 2008, « un renforcement du contrôle démocratique de Frontex par le Parlement [et en invitant] Frontex à informer le Parlement des négociations visant à conclure des accords avec les pays tiers » [9]. À ce jour, et alors qu’une réforme de Frontex a été proposée par la Commission européenne en 2010, il n’a pas été entendu.
On a beaucoup moins d’informations sur deux autres missions de Frontex : d’une part le travail de renseignement, en vue de la production d’« analyses de risques » (il faut comprendre : de risques migratoires), elles-mêmes destinées à orienter le choix de ses interventions pour la protection des frontières européennes ; d’autre part la collaboration avec les forces d’intervention de pays non européens via la négociation d’accords techniques. L’une et l’autre jouent pourtant un rôle déterminant dans la « guerre aux migrants » dans laquelle l’UE est engagée depuis une dizaine d’années. La métaphore belliqueuse n’est pas exagérée, non seulement parce que cette guerre a déjà fait de nombreuses victimes [2], mais aussi au regard des moyens logistiques dont dispose Frontex, de ses modes d’intervention et de son organisation.
Devenue la cible des activistes européens (un blog a pris le nom de Frontexplode [3], et le réseau Indymedia diffuse un powerpoint qui présente les activités de Frontex comme un état-major de guerre présenterait son programme d’interventions [4]), l’agence n’est sans doute pas l’« organisation militaire quasi-clandestine », dont parle Jean Ziegler [5], mais il faut reconnaître que sa capacité à mobiliser des troupes et ses méthodes de déploiement sur les frontières sensibles évoque celles d’une armée légère. Son commandement est d’ailleurs placé, depuis sa création en 2004, entre les mains d’un général de brigade finlandais qui a commencé sa carrière dans le corps des garde-frontières.
Pour conduire ses missions, Frontex n’a pas d’équipement propre, mais s’appuie sur les ressources humaines et matérielles qui sont fournies par les États membres, sur la base du volontariat. En février 2010, Frontex disposait de vingt-six hélicoptères, vingt-deux avions légers et cent treize navires, ainsi que de quatre cent soixante-seize appareils techniques utilisés pour lutter contre l’immigration « clandestine » : radars mobiles, caméras thermiques, sondes mesurant le taux de gaz carbonique émis, détecteurs de battements de cœur, radar PMMW (Passive Millimetric Wave Imager), etc. Ces équipements, qui sont basés dans différents pays de l’UE, sont mis à la disposition de l’État membre qui en fait la demande. Ils permettent à l’agence de conduire des interventions de grande ampleur : l’opération Poséidon, à laquelle vingt-et-un États membres ont participé en 2009 a mobilisé vingt-trois navires pour, au total, plus de onze mille heures de patrouille, ainsi que six avions et quatre hélicoptères pour huit cent deux heures de patrouille [6].
silences
Des caractéristiques d’une armée, Frontex a retenu la culture du silence. Certes, son rapport d’activités est publié chaque année avec force photos, chiffres, tableaux et graphiques destinés à démontrer son efficacité. Mais on ne tire guère d’informations précises de cette avalanche. Par exemple, quand Frontex informe qu’en 2009, elle a « rassemblé et analysé 165 700 détections de franchissements illégaux de frontières, 251 000 détections de situations de séjour irrégulier, 9 500 porteurs de faux documents et 6 600 passeurs », on ne sait rien de la localisation de ces « détections », de la nationalité ni du statut des personnes qui en ont été l’objet — y avait-il des demandeurs d’asile parmi elles ? — ni du sort qui leur a été réservé (arrêtées ? détenues ? refoulées ?). On n’a aucune idée non plus des critères utilisés par Frontex pour désigner quelqu’un comme « passeur » (est-ce sur information policière ? après condamnation pénale ?). Et si, comme c’est probable, les données sur lesquelles Frontex travaille lui sont fournies par les États membres de l’UE, aucun guide commun, aucun « mode d’emploi » n’indique qu’elles ont été collectées de la même façon. Enfin, Frontex ne dit rien sur les résultats des analyses qu’elle a pu réaliser à partir de ces données. Sans doute parce qu’elle veut prendre l’ennemi par surprise ?De la même façon, Frontex se félicite, dans son rapport 2006, que ses experts aient pu identifier « 100 % des migrants clandestins » arrivés aux îles Canaries depuis la côte ouest-africaine, et placés dans des centres de détention. Elle ajoute : « grâce aux informations recueillies lors des entretiens, il a été possible d’interpeller plusieurs passeurs, essentiellement au Sénégal, et d’éviter le départ de plus d’un millier de personnes ». Mais aucune donnée complémentaire ne vient étayer son raisonnement. Sur quelles bases est calculé ce chiffre d’un millier de personnes dont le départ aurait ainsi été évité ? Pourquoi des boat people ayant accompli avec succès la traversée jusqu’à l’Europe auraient-ils fourni les moyens d’identifier ceux qui les avaient aidés à partir, et pourraient encore permettre à leurs frères ou leurs cousins de les rejoindre ? Combien, parmi ce « millier de personnes » supposées avoir été empêchées de quitter le Sénégal, auraient pu prétendre à une protection internationale si elles avaient pu rejoindre l’Espagne ? Accessoirement, on peut également se demander quelles techniques d’interrogatoire ont été utilisées pour obtenir ce résultat performant de « 100 % » de réussite…
une diplomatie opaque
Silencieuse, Frontex l’est aussi sur ses relations extérieures. Elle développe pourtant, depuis sa création, une collaboration suivie avec des pays non membres de l’UE. Sont concernés, en Europe, les pays des Balkans, ainsi que la Biélorussie, la Moldavie, l’Ukraine, la Russie et la Géorgie. Hors Europe, des accords ont été passés avec les États-Unis et plusieurs sont en cours de négociation au sud, avec notamment le Cap Vert, la Mauritanie, la Libye, l’Égypte, le Sénégal. L’énumération est parlante : hormis les États-Unis, elle dessine le cordon sanitaire dont l’UE cherche à s’entourer pour protéger ses frontières. Sur la base de ces accords de travail, se met en place une coopération étroite avec des pays tiers d’où viennent ou par où transitent des migrants. Sous couvert d’assistance technique, cette coopération s’inscrit dans le cadre de l’externalisation des contrôles migratoires, au détriment du respect des droits des migrants. Car en déléguant la compétence de ces contrôles aux fonctionnaires d’États qui ne sont pas encadrés par les mêmes obligations que les pays européens en matière de droits fondamentaux, le dispositif prévu fait courir des risques de violations des droits délocalisées : outre le droit à circuler et le droit d’asile, on pense aux risques de traitements inhumains et dégradants notamment dans les opérations d’arrestations massives, de déportations et de détentions. L’expérience prouve que ces craintes sont loin d’être théoriques : à l’issue d’une enquête menée sur le traitement des migrants en Ukraine en 2010, l’organisation Human Rights Watch rapporte que « les migrants et les demandeurs d’asile, notamment les enfants, courent le risque de subir des traitements abusifs et la détention arbitraire aux mains de la police et des garde-frontières ukrainiens », en déplorant que « les États de l’UE renvoient les gens en Ukraine où ils subissent des exactions » [7].On ne sait quasiment rien des accords conclus par Frontex, sinon qu’ils ne respectent pas les règles applicables pour la conclusion de traités internationaux, pas plus que celles de l’UE dont la procédure de négociation prévoit l’intervention de la Commission, du Conseil, du Parlement et éventuellement de la Cour de Justice. Aucune de ces instances n’est impliquée lorsque Frontex négocie des accords extérieurs, ceci s’expliquant, selon son directeur, par le fait que l’agence n’établirait pas de partenariat avec un pays tiers ou un gouvernement, mais avec les autorités de contrôle aux frontières de ce pays tiers [8]. Raisonnement spécieux, qui laisse beaucoup de questions dans l’ombre, relatives notamment au cadre légal applicable. Par exemple, qui répond des engagements Frontex ? Sont-ils opposables aux États membres, à l’Union européenne, aux pays tiers ? Qui peut les invoquer ? Des questions que le Parlement européen s’est posées en demandant, dans une résolution du 18 décembre 2008, « un renforcement du contrôle démocratique de Frontex par le Parlement [et en invitant] Frontex à informer le Parlement des négociations visant à conclure des accords avec les pays tiers » [9]. À ce jour, et alors qu’une réforme de Frontex a été proposée par la Commission européenne en 2010, il n’a pas été entendu.
auto-contrôle pour des pouvoirs accrus
En principe, une armée est sous l’autorité d’un État, qui en contrôle et en commande les opérations. Avec Frontex, les choses ne sont pas si simples : dotée de la personnalité juridique, distincte de l’UE et des États membres, l’agence est dans le même temps institutionnellement reliée aux organes de l’UE comme des États. Alors qu’elle n’est censée être qu’un organe de coopération et de coordination, l’étendue de ses compétences à toutes les étapes de la chaîne des opérations lui en confie de fait la maîtrise. C’est ainsi qu’aujourd’hui Frontex peut d’elle-même prendre l’initiative d’opérations conjointes et de projets pilotes à mener en coopération avec les États membres, décider du déploiement de ressources humaines et d’équipements techniques et du financement des opérations conjointes, et procéder à ses propres recueils de données individuelles dans le cadre de ces opérations. Dans le projet de réforme de l’agence qui devrait être adoptée en 2011, elle se verra en outre confier le soin d’évaluer les résultats des opérations conjointes et de projets pilotes. Un mécanisme d’auto-contrôle qui ne rend Frontex comptable de ses actes que devant elle-même, dans une totale absence de transparence. Car ni les modalités de mise en place d’opérations conjointes (définition d’un plan opérationnel, aspects organisationnels tels que les notifications d’incidents et les exigences spécifiques aux opérations en mer), ni, comme on l’a vu, les rapports entre Frontex et les États tiers avec lesquels elle coopère, ne font l’objet d’information du Parlement européen.Le flou entretenu entre indépendance et contrôle conduit inévitablement à une dilution des responsabilités. Alors que l’agence jouit d’une quasi-totale autonomie pour décider de lancer ou d’interrompre des opérations de contrôle aux frontières, les agents qui y participent restent « soumis aux mesures disciplinaires de leur État membre d’origine », dit le règlement de Frontex. Un montage qui semble organisé pour conforter le déni de responsabilité en renvoyant sur les fonctionnaires nationaux et les États membres celle qui découlerait d’éventuels dysfonctionnements. Cette sorte de blanc-seing, qui permettait récemment au directeur de Frontex d’affirmer : « en ce qui concerne les droits fondamentaux, Frontex n’est pas responsable des décisions en la matière. Celles-ci relèvent de la responsabilité des États membres », est d’autant plus préoccupante que le projet de réforme de l’agence vise à augmenter ses prérogatives dans de nombreux domaines. Or Frontex n’est pas inoffensive (voir encadré sur les charters d’expulsion). Mais telle est sa fonction : jouer le rôle de parapluie pour les États membres, en privilégiant la fermeté de la lutte contre l’immigration dite « clandestine » sur l’obligation qui incombe pourtant aux membres des équipes coordonnées par l’agence, aux termes de son règlement, « de s’acquitter de leurs tâches dans le plein respect des droits fondamentaux et de la dignité humaine ».les charters d’expulsion de Frontex
En 2006, pour la première fois, Frontex a mis sur pied une « opération de retour commune », autrement dit un charter collectif. En 2007, elle organisait quinze opérations pour quatre cent ving-huit expulsés, et en 2009 trente-deux opérations pour mille six cent ving-deux expulsés (source Frontex, février 2011). Depuis 2010, l’agence a la capacité pour affréter ses propres avions charters. Ces opérations — visant à renvoyer dans leur pays d’origine des personnes contre leur gré — sont souvent sources de violences. Pour chacune d’entre elles, plusieurs États membres sont impliqués, en conséquence certains avions sont amenés à faire des arrêts dans plusieurs aéroports européens. Il est rare de pouvoir recouper des informations sur leur déroulement, puisque les personnes sont éloignées de force et qu’on ne connaît généralement pas le sort qui leur est réservé à l’arrivée. Il est donc difficile d’établir ou de maintenir avec elles un contact. Cependant, régulièrement, certains expulsés rapportent les humiliations, les insultes, l’agressivité, les coups jusqu’au tabassage qu’ils ont dû subir durant les tentatives d’embarquement. Ces sévices mènent les étrangers rencontrés à vivre dans une profonde angoisse : jambes sanglées et poignets menottés, la bouche parfois recouverte pour empêcher la personne de parler ou hurler, quand ce n’est pas l’usage de sprays paralysants qui empêche de crier [1].Des témoignages d’étrangers expulsés restés en contact avec des amis en Europe, qui font état de mauvais traitements subis lors de vols groupés coordonnées par Frontex, ont été mis en ligne sur des sites militants [2]. L’un d’eux relate les circonstances d’une expulsion dans un vol groupé le 3 février 2010, depuis la Grande-Bretagne vers le Nigéria. Le narrateur raconte qu’il a été transféré en bus, avec d’autres personnes, depuis le centre de rétention de Tinsley House pour gagner l’aéroport, il y est resté de 11 heures à 18 heures, sans pouvoir sortir du véhicule, avec interdiction de se lever, chaque détenu étant escorté par deux agents de sécurité, avant d’embarquer dans l’avion. Selon lui, « des enfants pleuraient (…) en voyant la façon dont leurs parents étaient traités. [Des] mineurs séparés de leurs parents portaient la tristesse sur leur visage. » Il ajoute qu’à l’escale de Madrid, « beaucoup de personnes ont été maltraitées, (…) les détenus étaient insultés, la police les agressait verbalement et les battait ». Lors d’une autre expulsion le 10 mars 2010, un témoin raconte qu’il a été embarqué à l’aéroport de Schiphol : les policiers lui ont mis des menottes aux mains et l’ont entravé avec un « bodycuff » à la taille. À l’aéroport, ils lui ont aussi attaché les pieds et l’ont ensuite expulsé dans un avion privé pour Paris avec une escorte de trois policiers et un médecin. Entre les escales et les temps d’attente, le voyage entre Amsterdam et Lagos a au total duré presque 24 heures. À Lagos, on l’a sorti de l’avion sans lui remettre de certificat médical ni lui donner de médicaments comme cela avait été promis à son avocat au départ.Claire Rodier est membre du Gisti gisti.org et du réseau Migreurop migreurop.org
[1] Claire Rodier, « Frontex, l’agence tout risque », Plein Droit, décembre 2010.
[2] Emmanuel Blanchard, Anne-Sophie Wender (coord.), Guerre aux migrants. Le livre noir de Ceuta et Melilla, Syllepse, 2007.
[3] Voir www.frontexplode.eu.
[5] Jean Ziegler, « Réfugiés de la faim », Le Monde diplomatique, mars 2008.
[6] Frontex, rapport 2009.
[7] Human Rights Watch, Buffeted in the Borderland : The Treatment of Asylum Seekers and Migrants in Ukraine, décembre 2010.
[8] C’est ce qui ressort des propos d’Ilkka Laitinen, directeur exécutif de l’agence, interrogé dans le cadre de l’enquête parlementaire menée par la House of Lords britannique pour le rapport « Frontex, the EU external borders agency », 5 mars 2008.
[9] Parlement européen, Résolution sur l’évaluation et le développement futur de l’agence Frontex et du système européen de surveillance des frontières Eurosur, 18 décembre 2008 (2008/2157(INI).
[1] L’Institute of Race Relations (IRR) a recensé trente-huit cas de décès de migrants ou demandeurs d’asile survenus entre janvier 2009 et juin 2010, dans l’Union européenne, en Suisse et en Norvège. Cf. IRR (2010), Accelerated removals : a study of the human cost of EU deportation policies, 2009-2010, 29 p. Cf. http://www.irr.org.uk/pdf2/ERA_BriefingPaper4.pdf.
1 comentário:
Bravo pour cet article. Il est très certainement au coeur de ce qui se trame aujourd'hui à la Villa Madama...
(Au secours ! Les fachos sont de retour !)
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