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07/12/2009

Le discours d’Obama sur l’Afghanistan : un ramassis de mensonges

Alex Lantier - Mondialisation.ca, Le 7 decembre 2009

Dans le discours qu’il a prononcé le 1er décembre à West Point pour annoncer l’envoi de 30.000 soldats américains supplémentaires en Afghanistan, le président Barack Obama a tenté de justifier l'intensification d’une guerre profondément impopulaire sur la base de mensonges et de distorsions. Le fait qu’il ait été obligé de recourir à de telles falsifications reflète à la fois le caractère réactionnaire de sa politique et le fait qu’elle est imposée en violation de la volonté populaire.

Pour justifier l’escalade, Obama a fait ressortir le mythe instauré par le gouvernement Bush sur la « guerre contre le terrorisme ». Il a cyniquement présenté les Etats-Unis comme une puissance altruiste, contrainte à la suite des attentats terroristes du 11 septembre de se lancer dans une guerre, à échelle mondiale, pour la démocratie.

Toutefois, en tentant de fondre la politique impérialiste américaine dans le moule de la « guerre contre le terrorisme », son discours est tombé dans l’incohérence absolue.

Le compte-rendu par Obama des récentes guerres menées par les Etats-Unis contredit sa propre affirmation selon laquelle Washington est résolument engagé à pourchasser Al Qaïda. En 2001, a-t-il dit, les Etats-Unis avaient attaqué l’Afghanistan pour détruire Al Qaïda, bien que la plupart des preneurs d’otages étaient en fait originaires d’Arabie saoudite, le principal allié arabe des Etats-Unis au Moyen Orient.

Il a soutenu que l'invasion américaine était légitime parce que l’Afghanistan formait la base des opérations d’Al Qaïda et que le régime des Taliban abritait et protégeait le groupe terroriste.

Obama a passé sous silence l’échec de l’invasion américaine pour démembrer Al Qaïda en disant qu’« après avoir réussi à franchir la frontière du Pakistan en 2001 et en 2002, les dirigeants d’Al Qaïda y avait trouvé un abri sûr. »

Ainsi, de 2002 à 2009, les Etats-Unis ont mené des guerres en Irak et en Afghanistan soi-disant dirigées contre Al Qaïda alors même que cette organisation était basée dans un tout autre pays, le Pakistan, un allié de longue date des Etats-Unis.

Obama a même suggéré qu’Al Qaïda jouissait de la protection de sections de l’Etat pakistanais en déclarant, « [I]l y a ceux qui au Pakistan disent que la lutte contre l’extrémisme n’est pas leur combat, et qu’il vaut mieux pour le pays de ne pas trop en faire, ou d’essayer de s’arranger avec ceux qui recourent à la violence. »

Ce compte rendu montre qu'il existe, à l'évidence et sans explication, deux poids et deux mesures. Si la sécurité du peuple américain requiert l’invasion de l’Afghanistan par les Etats-Unis et le délogement d’un régime bienveillant à l'égard d'Al Qaïda, alors pourquoi la même chose ne s’appliquerait donc pas au gouvernement du Pakistan ?

Au lieu de cela, Obama loue le Pakistan comme un allié dans la lutte contre « l’extrémisme violent » en prônant un partenariat entre les Etats-Unis et le Pakistan fondé sur « une confiance mutuelle. »

Ceci ne fait que confirmer la nature frauduleuse de la justification de cette guerre qui, comme le savent bien Obama et le reste de l’establishment politique américain, n’est qu’un tissu de mensonges.

Et puis, il y a la question du gouvernement afghan pour la défense duquel les Etats-Unis sont soi-disant engagés dans la guerre contre les Taliban et Al Qaïda. Dans un premier temps Obama a loué le régime du président Hamid Karzai comme étant un « gouvernement légitime », puis il a reconnu par la suite qu’il était entravé par la « corruption, le trafic de drogue, le sous-développement économique et l’insuffisance des forces de sécurité. »

Faisant preuve d’un cynisme absolu, il a affirmé que la récente réélection de Karzai, universellement reconnue comme le résultat d’une élection truquée et de bourrage d’urnes avait néanmoins débouché sur un gouvernement légitime. « Bien qu’entachée de fraude, » a dit Obama, « cette élection a produit un gouvernement compatible avec les lois et la constitution de l’Afghanistan. »

Les efforts entrepris par Obama pour avancer des raisons d'apparence noble au déploiement de 30.000 troupes américaines supplémentaires étaient aussi sinistres que contradictoires. Dans un style orwellien, il a annoncé au peuple afghan qui endure depuis huit ans déjà l’occupation américaine, « Nous n’avons aucun intérêt à occuper votre pays. »

Il a comparé l’attitude soi-disant bienveillante des Etats-Unis à l’égard de l’Afghanistan à l’invasion soviétique du pays en 1979-1989. En fait, cela fait 30 ans que les Etats-Unis manipulent la politique afghane.

Dès 1979, les Etats-Unis avaient financé et soutenu la résistance islamique fondamentaliste contre le régime prosoviétique de Kaboul dans le but de provoquer une invasion soviétique. Donc, les Etats-Unis sont politiquement complices de la mort de millions d’Afghans durant l’occupation soviétique et de la guerre civile qui s’ensuivit. Les forces islamistes que Washington combat aujourd’hui en Afghanistan proviennent en grande partie des groupes qu’ils avaient soutenus contre les Soviétiques dans les années 1980.

Alors même que se déroulent des guerres qui coûtent la vie à de millions de gens et où l’usage de la torture est largement répandu dans les prisons se trouvant sous régie américaine, Obama a affirmé que la politique américaine « s’inspirera de la flamme de la liberté, de la justice, du progrès et du respect de la dignité de tous les peuples. »

Obama s’est vanté d’avoir mis fin à la torture, une affirmation creuse et fausse et qui est contredite par des rapports sur la torture continuelle dans les prisons américaines en Afghanistan et ailleurs, tout comme par la poursuite de la pratique de la « rendition » (transfert dans des pays qui pratiquent la torture de prisonniers) et contredite aussi par son opposition à toute inculpation de responsables gouvernementaux ordonnant et supervisant l’usage de la torture.

Il a réitéré sa promesse de fermer Guantanamo mais n'a pas dit un mot sur son insistance pour que restent ouvertes les prisons américaines en Afghanistan, telle la base militaire de Bagram, où la torture est pratiquée.

Le mensonge central du discours d’Obama a toutefois été, l’affirmation que ses projets d’escalade permettront aux soldats américains en Afganistan de rentrer rapidement à la maison et ce dès 2011.

En fait, comme l'a indiqué Obama un peu plus loin dans son discours, cette escalade n'est qu'une étape dans la préparation de guerres de plus grande envergure. « La lutte contre l’extrémisme violent ne sera pas rapidement terminée, » a-t-il dit, « et elle va bien au-delà de l’Afghanistan et du Pakistan. » En mentionnant la Somalie et le Yémen comme des cibles potentielles, il a ajouté, « nos efforts impliqueront des régions agitées et des ennemis diffus. »

La présence de ce passage montre clairement qu’Obama fonde sa politique afghane sur un rapport publié le mois dernier par Anthony Cordesman, un analyste de l’influent groupe de réflexion, le Centre d’Etudes stratégiques et internationales (CSIS).

Cordesman avait écrit : « Le président doit dire franchement que toute forme de victoire en Afghanistan et au Pakistan fera partie d’une lutte bien plus vaste et plus longue. Il doit dire clairement que les pressions idéologiques, démographiques, de gouvernance, économiques et autres qui divisent le monde islamique signifient que le monde sera confronté à des menaces dans bien d’autres pays et qui s’étendront en longueur indéfiniment. Il devrait mentionner les risques au Yémen et en Somalie, et montrer clairement que la guerre en Irak n’est pas terminée, en mettant en garde que nous devrons encore faire face à la fois à une menace intérieure ainsi qu’à une combinaison d’insurrection et de terrorisme qui continuera de s’étendre du Maroc aux Philippines et de l’Asie centrale jusqu’en Afrique, indépendamment de ce que pourraient être nos succès en Afghanistan et au Pakistan. »

Il avait ajouté : « …le nombre actuel de victimes des Etats-Unis, des alliés, de l’Afghanistan et du Pakistan va très certainement doubler et probablement tripler avant qu’un semblant de victoire soit remporté. »

Bref, les Etats-Unis mèneront des guerres extrêmement coûteuses sur une partie considérable de la planète, dans des régions s’étendant sur des milliers de kilomètres dans toutes les directions.

Réduite à l’essentiel, la perspective d’Obama et de ses conseillers est un avenir de guerre sans fin dans le but de sauvegarder la position hégémonique mondiale des Etats-Unis. Ce qui est en jeu, outre la question du contrôle des recettes pétrolières et des routes commerciales, c’est la position des Etats-Unis en tant que puissance mondiale. Tout comme le retrait des Britanniques de Suez en 1956-1957, un retrait forcé de l’Afghanistan serait un coup dévastateur contre le prestige de Washington.

La politique afghane d’Obama émane de cette dynamique de l’impérialisme américain. Etant donné que se retirer, à quelque moment que ce soit, serait un désastre, il a choisi l’escalade sans cesse grandissante.

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