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Jean-Pierre Alliot
Une étude très scientifique a établi un prix pour l’écosystème national du Royaume-Uni. Jean-Pierre Alliot y voit une nouvelle marque de la marchandisation du monde et de l’emprise de la finance sur ses habitants.
Sept cents savants du Royaume-Uni, dans un rapport de deux mille pages, ont évalué le prix de tout ce qui compose la nature britannique, des abeilles et autres insectes pollinisants (430 millions de livres) aux espaces verts (2,3 milliards de livres par an), en passant par les lacs, les forêts, les pêches marines, la diversité des espèces, et même le plaisir éprouvé à marcher sur une plage de sable … Bref, de tous ces joyaux de la Couronne, jusqu’à présent considérés comme inestimables. Présentée au début du mois de juin, l’étude dirigée par le professeur Bob Watson présente toutes les garanties du sérieux qui sied à un pays où la valorisation du risque et de l’assurance s’affirme comme une des sources de la domination financière dans le monde. Ce long travail a été financé par un programme, l’ « Estimation de l’écosystème national » où sont impliqués de nombreuses institutions gouvernementales, universitaires, non gouvernementales et du secteur privé.
Le ministre de l'Environnement, Mme Caroline Spelman, a exposé les motivations d’une telle recherche en expliquant qu’il fallait démontrer que la nature est précieuse et que « si nous la détruisons, cela nous coûtera très cher ». Mais, dans un système économique et social où tout s’achète et tout se vend, de belles paroles ne suffisent pas, même si leur utilité idéologique n’est plus à démontrer. Pour aller jusqu’au bout, seule la contre-valeur monétaire peut parler aux financiers un langage qu’ils peuvent comprendre. Voilà pourquoi le ministre leur ouvre un champ de conquête en leur affirmant que « nous avons jusqu'à présent pris comme acquis ce que nous donnait la nature, sans comprendre que les services qu'elle nous rend ont un prix ». Et le marteau du commissaire priseur est tombé : la valeur cachée de la nature en Grande-Bretagne, représente « une manne de plusieurs milliards ».
Considération tragique, pour l’industrie financière qui s’aperçoit avec effroi que cette manne a échappé, jusqu’à présent, à la spéculation universelle. Mais la Providence veille et un gouvernement fait vraiment son travail et met la science au service de l’économie pour lui faire calculer, selon « la vraie valeur de la nature » (« the true worth of nature »). Le temps des gloires de la poésie britannique, comme cet aimable Wordsworth qui chantait la beauté des jonquilles au printemps, a pris fin. Pas trop tôt ! À la City, les traders vont pouvoir s’attaquer aux questions sérieuses et appliquer à de nouveaux objets d’adoration leurs éternelles litanies : « Combien ça coûte ? ». « J’achète ! – Je vends ! ».
Jean-Pierre Alliot
http://www.marianne2.fr/Les-traders-savent-desormais-combien-ils-peuvent-vendre-la-nature_a207983.html
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