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07/01/2011

Derrière le Mediator: la crise de l’expertise

Les propos de Jacques Servier, patron du laboratoire producteur du Médiator publiés en Une de Libération ce matin font évidemment frémir. A eux seuls, bien au delà de leur cynisme crasse, ils sont le symbole de l’atmosphère pourri qui règne ces derniers mois dans le monde de la santé.
Le lourd bilan du Médiator en terme de victime et en terme de coûts et l’émotion que cette affaire suscite ne doivent pas masquer les véritables enjeux.
En germe depuis le début des années 2000, c’est la question de la grippe A/H1N1 et sa très contestée campagne de vaccination qui a joué le rôle le rôle de révélateur de la rupture consommée entre la parole d’expert et l’opinion publique.
La suspicion généralisée envers les experts du monde de la santé est détestable. 99% des professionnels de santé concernés analysent les données et rendent des avis en conscience. Beaucoup prennent même à cœur les missions d’expertise qui leur sont confiées, considérant qu’ils participent ainsi à l’amélioration de la santé et de la sécurité sanitaire de la population.
Pour autant, le problème est réel. Et on peut le décomposer en trois questions distinctes que le législateur aura a régler : les conflits d’intérêts, le débat contradictoire et les liens entre l’industrie et les autres acteurs du monde de la santé.
La question la plus simple est celle du conflit d’intérêt. Elle même se décompose en deux parties : le conflit d’intérêt proprement dit et la transparence.
Concernant les conflits d’intérêts réels, on ne peut pas être juge et parti, c’est déjà la règle et elle doit s’appliquer fermement, y compris et surtout à la question de la pharmacovigilance.
L’histoire du rapport Servier de juillet 2009 révélée par le Figaro en est l’illustration parfaite. Il y a incompatibilité de nature à laisser un laboratoire producteur d’un médicament assurer tout ou partie de la pharmacovigilance sur ces produits. Le travail de l’AFSSAPS est ici essentiel et il faut lui donner les moyens de ses missions et renforcer ses pouvoirs d’investigation.
La transparence permet d’éviter le soupçon. Il faut la création d’une agence chargée de recueillir et de diffuser les déclarations de conflits d’intérêts qui doivent être obligatoires et multilatérales. La simple déclaration sur l’honneur ne suffit pas. Manque de temps, peu de gout pour la paperasse, celles-ci sont souvent mal remplies ou incomplètes lorsque remplies par les professionnels de santé. Il faut également contraindre les laboratoires pharmaceutiques à déclarer les financements et rémunérations octroyés en dehors du salariat à des professionnels de santé.
La seconde question est celle du débat contradictoire. La publication des avis minoritaires dans les rapports d’expertise est encore l’exception. Elle doit devenir la règle. Et les avis minoritaires ne doivent pas seulement être mentionnés, ils doivent également être justifiés dans leur intégralité afin de permettre au décideur publique d’avoir l’ensemble des éléments en main pour prendre sa décision. Il s’agit là de règles de bonne pratique. Il n’en demeure pas moins que dans le domaine de l’expertise publique, et particulièrement en Santé, un travail de réglementation et de normalisation de l’expertise doit être engagé afin de restaurer la confiance.
La troisième question est celle des rapports entre les industriels et les professionnels de santé. Dans un monde organisé en réseaux et en flux, la collaboration entre professionnels de santé et laboratoires pharmaceutiques est indispensable. Mais ces liens doivent se limiter à l’utile.
Est il vraiment utile, véritablement sain, que des associations de patients, de médecins ou de jeunes médecins soient financés en partie par le biais de partenariat avec l’industrie ? Est il souhaitable que la formation des professionnels de santé puisse être financée, même indirectement, par l’industrie ?
Evidemment non.
Il faut un meilleur encadrement, par la loi, de ce que les laboratoires peuvent ou non financer. Et les conséquences doivent être claires pour ceux qui font le choix d’un financement par l’industrie. Doit on continuer à accepter que des crédits de Formation Médicale Continue soient attribués pour l’abonnement à des revues dont le modèle économique est basé essentiellement sur la vente à des laboratoires pharmaceutiques d’espaces publicitaires ?
La crise que traverse aujourd’hui l’expertise en Santé Publique est profonde et ne se résume pas aux quelques crises spectaculaires auxquels nous assistons sporadiquement (H1N1, Médiator…) et qui ne sont que des symptômes. Elle trouve ses racines dans les années de libéralisme débridé qui ont permis aux laboratoires de s’établir dans le paysage des financeurs du monde de la santé et cette crise perdurera tant que des dispositions réglementaires et législatives n’encadreront pas mieux cet état de fait. 

http://www.asclepieia.fr/2011/01/06/mediator-expertise-sante-publique/

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