À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.

14/04/2010

Rapport Hirsch: 10 ans sont nécessaires pour s’adapter au pic pétrolier

En 2005, le Département de l’Energie américain publiait une étude sur le pic pétrolier réalisée sous la direction de Robert Hirsch, un spécialiste des questions de l’énergie. « Le pic pétrolier confronte les USA et le monde à un problème de gestion des risques sans précédent », avertissait-il, qui requiert le démarrage d’un « programme d’adaptation en urgence », nécessitant au moins une dizaine d’années d’efforts intensifs et des investissements considérables sur l’efficacité énergétique, la production des carburants de substitution et le renouvellement des parcs de véhicules avant que les résultats se fassent sentir, tant le défi posé est d’ampleur considérable. Dans l’un des trois scénarios étudié par Hirsch, où le pic survient avant qu’aient été entrepris les efforts de reconversion, il prévoit un « déficit important de carburant durant plus de deux décennies. » Dans ce cas, « les coûts économiques, sociaux et politiques seront sans précédents ». --- Le pic pétrolier n’est pas une hypothèse d’école, mais une certitude géologique. Les politiques, qui se sont laissé bercer par les messages autrefois rassurants de l’AIE, n’ont semble-t-il toujours pas pris la mesure de la tâche. Faut-il s’en étonner ? Ni les dirigeants ni les experts n’avaient non plus compris à quel point le « modèle » économique en vigueur ces dernières années était vicié. C’est pourtant un effort comparable à celui de la conversion à une économie de guerre qui attend nos sociétés. L’élément déterminant, en la matière, c’est le temps, l’anticipation. Faute d’une évaluation claire des enjeux et d’une planification volontariste à marche forcée, nous nous précipitons dans le mur. Contre Info.

Departement de l’Energie - Pic de la production pétrolière mondiale : impacts, adaptation et gestion du risque - résumé

Par Robert L. Hirsch, Roger Bezdek, Robert Wendling, février 2005

Le pic mondial de production de pétrole confronte les États-Unis et le monde à un problème de gestion des risques sans précédent. A l’approche du pic, le prix des carburants liquides et la volatilité des cours vont augmenter considérablement, et, en l’absence de mesures d’adaptation prises en temps opportun, les coûts économiques, sociaux et politiques seront sans précédents. Des options d’adaptation viables existent à la fois en ce qui concerne l’offre et la demande, mais pour qu’elles aient un impact significatif, elles doivent être mises en oeuvre plus d’une décennie avant le pic.

En 2003, le monde a consommé un peu moins de 80 millions de barils de pétrole par jour (Mb/j) La consommation des États-Unis avoisinait les 20 Mb/j, dont les deux-tiers dans le secteur des transports. Les États-Unis ont une flotte d’environ 210 millions d’automobiles et de véhicules légers (fourgonnettes, pick-up et SUV). L’âge moyen des automobiles des États-Unis est de neuf ans. Dans des conditions normales, le remplacement de seulement la moitié du parc automobile nécessiterait 10 à 15 ans. L’âge moyen des véhicules légers est de sept ans. Dans des conditions normales, le remplacement de la moitié de ce parc demanderait de 9 à 14 ans. Bien que des améliorations significatives dans l’efficacité de la consommation de carburant soient possibles dans ces gammes de véhicules, toute solution supportable en termes de coût pour la mise à niveau de ce parc prendra intrinsèquement beaucoup de temps, ce qui nécessitera plus d’une décennie pour réaliser d’importantes améliorations de l’efficacité globale de la consommation de carburant.

Outre la découverte de nouveaux gisements pétroliers, il existe des solutions dans le secteur privé permettant d’augmenter les approvisionnements pétroliers et la production de carburants liquides de substitution :

1) Une amélioration du taux de recouvrement (Improved Oil Recovery) peut légèrement augmenter la production des gisements existants : l’une des techniques les plus efficaces est celle de la récupération assistée des hydrocarbures (Enhanced Oil Recovery), qui peut contribuer à modérer le déclin de la production dans les gisements ayant dépassé leur pic de production

2) le pétrole lourd des sables bitumineux représente une grande ressource de pétrole de qualité moindre, aujourd’hui essentiellement extraite au Canada et au Venezuela : ces ressources sont capables d’importantes augmentations de production ;.

3) La liquéfaction du charbon est une technique bien connue de production de carburants de substitution propres à partir des abondantes réserves de charbon mondiales, et enfin,

4) des carburants de substitution propres peuvent être produits à partir du gaz naturel, mais l’exploitation de cette ressource est en concurrence avec la demande croissante de gaz naturel liquéfié dans le monde. Toutefois, une contribution d’envergure mondiale de ces options nécessitera de 10 à 20 ans d’efforts accélérés.

Faire face au pic mondial de production pétrolière sera une tâche extrêmement complexe, nécessitant littéralement des trillions de dollars et exigeant de nombreuses années d’efforts intenses. Pour explorer ces difficultés, trois scénarios d’adaptation ont été analysés :

• Scénario I : l’action n’est pas engagée avant l’apparition du pic.

• Scénario II : l’action est engagée 10 ans avant le pic.

• Scénario III : l’action est engagée 20 ans avant le pic.

Attendre l’apparition du pic pour débuter un programme d’action d’urgence se traduit par un déficit important de carburant durant plus de deux décennies.

Débuter un programme d’action d’urgence 10 ans avant le pic améliore considérablement la situation mais laisse encore un déficit de carburant durant environ une décennie après le pic

Débuter un programme d’action d’urgence 20 ans avant le pic semble donner la possibilité d’éviter un déficit de carburant durant pour la période étudiée. [1]

Dans le cadre de cette analyse les estimations des contributions possibles de chaque option d’adaptation ont été étudiées en se basant sur une mise en œuvre d’urgence des programmes d’adaptation.

Notre approche a été simplifiée afin de rester claire et de faciliter la compréhension. Nos estimations sont approximatives, mais l’enveloppe de l’adaptation requise qui en résulte est considérée comme fournissant une indication de la réalité de cette énorme entreprise. La conclusion inévitable est que plus d’une décennie sera nécessaire pour mettre en oeuvre les efforts collectifs à même de produire des résultats affectant de façon significative l’impact sur l’offre et la demande mondiale de carburants liquides.

Les observations et conclusions importantes de cette étude sont les suivantes :

1. Le moment où le pic de production mondial de pétrole aura lieu n’est pas connu avec certitude. Un problème fondamental pour la prévision du pic pétrolier est celui de la mauvaise qualité des données sur les réserves de pétrole et des préoccupations politiques qui en biaisent éventuellement la sincérité. Certains experts estiment que le pic pourrait se produire bientôt. Cette étude indique que « bientôt » se situe dans les 20 ans à venir.

(JPG)

Estimations (en 2005) de la date du pic : année et source

2. Les problèmes liés au pic de la production mondiale de pétrole ne seront pas temporaires, et l’expérience des « crises énergétiques » du passé ne fournira que relativement peu d’indications. Le défi posé par le pic pétrolier mérite une attention sérieuse et immédiate, afin que les risques soient bien compris et que les politiques d’atténuation soient entreprises à temps.

3. Le pic pétrolier va provoquer un grave problème pour le secteur du transport. Ce ne sera pas une « crise de l’énergie » au sens habituel où ce terme a été utilisé.

4. Le pic se traduira par des cours du pétrole nettement plus élevés, ce qui entraînera des difficultés économiques prolongées aux États-Unis et dans le monde. Toutefois, les problèmes ne sont pas insolubles. Des mesures d’atténuation agressives, prises en temps opportun, traitant à la fois du problème de l’offre et de la demande, seront requises.

5. Dans les pays développés, les problèmes seront particulièrement graves. Dans les pays en développement les problèmes du pic sont potentiellement bien pires.

6. L’adaptation nécessitera un minimum de dix ans d’intenses et coûteux efforts, car l’ampleur des mesures d’adaptation pour les carburants est en soi considérable.

7. Bien qu’il soit essentiel d’accroitre l’efficacité énergétique des consommations finales, cette mesure à elle seule ne sera ni suffisante, ni suffisamment rapide pour résoudre le problème. La production de grandes quantités de carburants de substitution sera nécessaire. Un certain nombre de technologies commercialisables ou quasi-commercialisables de production de carburants de substitution sont actuellement disponibles pour le déploiement, de sorte que la production de grandes quantités est réalisable avec la technologie existante.

8. L’intervention des gouvernements sera nécessaire, car faute de quoi les impacts économiques et sociaux du pic pétrolier provoqueraient le chaos. Les expériences des années 1970 et 1980 fournissent des exemples importants pour guider les actions du gouvernement et déterminer ce qui est souhaitable et ce qui ne l’est pas, mais le processus ne sera pas aisé.

L’adaptation au pic de production mondial de pétrole conventionnel relève d’un problème de gestion du risque classique :

• une adaptation débutée rapidement peut se révéler prématurée, si le pic intervient bien plus tard.

• Si le pic est imminent, l’absence de mesures d’adaptation en temps voulu pourrait être extrêmement préjudiciable.

Une gestion prudente des risques exige la planification et la mise en œuvre des mesures d’adaptation bien avant le pic. Des politiques précoces d’adaptation seront presque certainement moins coûteuse que si elles sont mises en oeuvre tardivement. Une caractéristique unique du problème du pic pétrolier mondial tient à l’incertitude du calendrier, en raison de l’insuffisance des données sur les réserves de par le monde et de leur biais potentiel En outre, le signal de l’arrivée du pic peut être obscurci par la nature volatile des cours du pétrole. En raison de l’immense impact économique potentiel du pic pétrolier et de l’ampleur des incertitudes relatives à toutes les facettes du problème, il est essentiel de disposer d’études quantitatives détaillées pour lever ces incertitudes et explorer les stratégies d’adaptation.

(JPG)

Solde entre la consommation pétrolière et les découvertes

Le but de cette analyse était d’identifier les problèmes critiques liés à la survenue du pic pétrolier mondial et aux mesures d’adaptation. Nous avons beaucoup simplifié la complexité dans le but de fournir une analyse claire. Néanmoins, notre étude n’est ni simpliste ni sommaire. Nous sommes conscients du fait que lorsque les prix du pétrole grimperont de façon spectaculaire, les conséquences sur la demande et l’économie qui apparaitront alors modifieront nos hypothèses simplificatrices. L’examen de ces rétroactions sera une tâche ardue, mais qui devra être entreprise.

Notre étude nécessitait que nous fassions un certain nombre d’hypothèses et d’estimations. Nous reconnaissons que des analyses approfondies peuvent donner des résultats différents.

Néanmoins, cette analyse démontre clairement que la clé de l’adaptation au pic de production mondial du pétrole sera la construction d’un grand nombre d’installations de production de carburants de substitution, couplée à des augmentations significatives de l’efficacité énergétique des transports. Le temps nécessaire pour s’adapter à un pic de production pétrolière mondial se mesure sur une échelle de temps en décennies. Les infrastructures de production concernées sont importantes et coûteuses en capital. Il reste à déterminer quand et comment les gouvernements décideront de s’attaquer à ces défis.

L’accent mis sur les technologies d’adaptations commercialisables ou quasi-commercialisables existantes montre qu’un certain nombre de technologies sont actuellement prêtes pour une mise en œuvre complète et rapide. Notre analyse ne visait pas à se limiter en la matière. Nous pensons que les recherches futures fourniront des options d’adaptation supplémentaires, certaines pouvant-être meilleures que celles que nous avons considérées. De fait, il conviendrait d’accélérer les recherches menées par le public et le privé sur les technologies d’adaptation. Toutefois, le lecteur doit comprendre que ces recherches permettant de commercialiser les nouvelles technologies prennent du temps, dans le meilleur des cas. De ce fait plus d’une décennie de déploiement intense serait nécessaire pour obtenir un impact à l’échelle mondiale, en raison de l’ampleur de la consommation de pétrole mondiale.

En résumé, le problème du pic de production mondial de pétrole conventionnel ne ressemble à aucun autre de ceux rencontrés par les sociétés industrielles modernes. Les défis et les incertitudes doivent être bien mieux compris. Il existe des technologies permettant de s’adapter à ce problème. Une gestion décisive du risque, en temps opportun, est fondamentale.


Publication originale Department of Energy, traduction Contre Info

Illustrations : rapport Hirsch



[1] Les trois paragraphes précédents, non inclus dans le résumé aux décideurs, se trouvent à la page 59 du rapport. Ils ont été insérés ici afin d’éclairer les conclusions de l’étude - ndlr.

http://contreinfo.info/article.php3?id_article=3031

Sem comentários:

Related Posts with Thumbnails