À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.

29/05/2010

Coupe du monde de foot 2010 Ce qu’on attend dans la township d’Alexandra

Dans quelques mois, l’Afrique du Sud accueillera la Coupe du monde de football. À Johannesburg, d’immenses panneaux publicitaires annoncent partout l’événement, le secteur de la construction s’active autour des stades, des routes. Depuis la fin de l’apartheid il y a quinze ans, le pays est devenu un géant régional et une puissance émergente sur la scène mondiale. Mais si la croissance économique a permis de financer des politiques sociales et de faire reculer la pauvreté, plus d’un million de familles vivent toujours dans les townships. Leurs espoirs et leurs attentes se tournent vers Jacob Zuma, qu’elles ont élu à la présidence du pays en avril. ALEXANDRA (AFRIQUEDUSUD).

ENVOYÉE SPÉCIALE

Leur petite maison n’a rien d’un palace. Une pièce unique divisée par un rideau pour séparer le coin cuisine de la chambre. Un bout de jardin et l’eau courante. Cela fait six ans qu’IvyetsonmariGoodman vivent ici avec leur petit garçon de 5 ans. « Avant, on habitait chez mon frère, près de la rivière. Cette maison, c’est un début, une façon de nous donner une chance dans la vie », explique le jeune père de famille. Sans emploi stable, le couple ne paie pas de loyer, juste l’électricité. Comme eux, dans ce quartier d’Alexandra, l’une des plus grandes townships de Johannesburg, des centaines de familles ont pu s’installer dans des maisons construites par le gouvernement. Un logement en dur, l’accès à l’eau et à l’électricité, des rues goudronnées et le ramassage des ordures y sont assurés. Depuis la fin de l’apartheid, 3 millions de maisons ont été construites dans le pays par le gouvernement de l’ANC. Et ce sont aujourd’hui 13 des 48 millions de Sud-Africains qui bénéficient d’aides sociales. « Beaucoup a été fait ici depuis des années, confirme Ivy, même si beaucoup de gens attendent encore, et depuis très longtemps, un logement. »

Malgré les progrès réalisés, les problèmes – en premier lieu le logement et le chômage – demeurent aigus. Près de 43 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, le chômage est officiellement de 20 % (mais certaines estimations avancent le chiffre de 40 %) et 1,1 million de familles vivent encore dans des bidonvilles. À Alexandra, la majorité des habitants – entre 350 000 et 500 000 – vit dans des « shacks », ces baraques insalubres faites de bric et de broc. Assis à côté de son échoppe, Potter, le visage fatigué, soulève le tee-shirt de son petit-fils, découvrant des plaques de boutons. Pour toute explication, il désigne non l o i n d e l à quelques cabines alignées, seuls sanitaires du quartier, et le petit ruisseau qui charrie les d é t r i t u s e n l’absence de tout-à-l’égout. Arrivé à Alexandra en 1995, l’homme, aujourd’hui âgé de 62 ans, attend un logement social depuis douze ans, pour lui, sa femme, ses trois enfants et deux petits-enfants. Avec la retraite qu’il touche du gouvernement (1 200 rands par mois) et son petit commerce, il gagne de quoi nourrir sa famille, la soigner (il y a bien un centre de santé gratuit mais il ne fournit pas les traitements), mais pas de quoi économiser pour un logement. « Je n’ai pas voté au mois d’avril, expliquet- il, je ne vois pas pourquoi je le ferais. J’attends depuis si longtemps.

Le problème avec les politiques, c’est qu’ils font des promesses mais qu’on est toujours assis là. » Si Potter n’est pas allé voter lors des dernières élections, ils ont été nombreux à se déplacer dans les townships. Ce sont eux qui ont élu Jacob Zuma à la tête du pays. Après les années de politiques libérales qui ont aggravé les inégalités, le nouveau président a fait de la lutte contre la pauvreté son principal thème de campagne, reprenant le slogan de l’ANC « Une vie meilleure pour tous » (« A better life for all »). « Ce qu’il dit nous fait penser qu’il y a un espoir que les choses changent », confirme Jerry, la trentaine. Arrivé à Alexandra en 2003, ce jeune menuisier n’a pas travaillé depuis deux mois. Il reconnaît que, « depuis la fin de l’apartheid, il y a eu un grand changement. On peut le voir, le sentir, mais quand va-t-il arriver jusqu’à nous » ?

Les attentes des habitants des townships sont devenues une urgence sociale et politique. Il y a un an, c’est notamment à Alexandra qu’ont éclaté les violences contre les immigrés, venus du Zimbabwe, du Malawi… et rendus responsables des problèmes sociaux. Si la situation semble revenue à la normale, la frustration est toujours là, comme le confirment les paroles de cette jeune mère de famille, qui élève seule ses quatre enfants dans une sombre bicoque. « Cela fait huit ans que j’ai fait une demande pour avoir une maison, mais ceux qui les obtiennent, ce sont les étrangers, parce qu’ils paient cash », pense-t-elle savoir.

Plus récemment, de violentes manifestations ont eu lieu dans plusieurs townships du pays pour exiger des logements décents, un accès à l’eau potable et à l’électricité. La pression sur le nouveau président sud-africain est d’autant plus forte que la crise économique n’épargne pas le pays. L’économie est entrée en récession pour la première fois depuis dix-sept ans. Lors de son congrès annuel en septembre, la COSATU, principale confédération syndicale du pays qui a soutenu l’élection de Zuma, l’a appelé à réformer la politique économique, en favorisant l’emploi sur les seuls intérêts financiers. L’Afrique du Sud a déjà perdu 475 000 emplois et pourrait en perdre 1 million d’ici à la fin de l’année, a rappelé son président.

CHARLOTTE BOZONNET

LA GRANDE PAUVRETÉ RECULE, MAIS LES INÉGALITÉS RACIALES AUGMENTENT

Si de nombreux Sud-Africains sont sortis de l’extrême pauvreté depuis 1994, les inégalités, notamment raciales, ont beaucoup augmenté. C’est ce qu’indique le ministère du Plan, qui a publié fin septembre un long « rapport sur les indicateurs de développement 2009 ». En 1995, un an après l’élection de Nelson Mandela, 31 % de la population vivait avec moins de 283 rands par mois (environ 1 dollar par jour) contre 22 % aujourd’hui. De même, 53 % vivaient avec moins de 524 rands par mois (2 dollars par jour, le seuil de pauvreté) contre 49 % actuellement. « L’amélioration des conditions de vie peut être attribuée à la croissance économique (…) ainsi qu’aux initiatives du gouvernement contre la pauvreté, comme les aides sociales et le logement social », souligne le rapport. Jusqu’en 2007, l’Afrique du Sud a enregistré une croissance annuelle dépassant les 5 %. Si cela a permis de créer des emplois et de financer les politiques sociales, les politiques libérales qui ont accompagné ce décollage ont abouti à une forte augmentation des inégalités. Ainsi, le revenu des 10 % les plus pauvres a augmenté de 33 % en quinze ans alors que celui des 10 % les plus riches a crû de 37,8 %. Sur la même période, le revenu mensuel moyen des Noirs a augmenté de 37,3 %, celui des Blancs de 83,5% ! « Ce rapport est sans complaisance, mais il doit servir dans la planification de l’action du gouvernement », a commenté le ministre du Plan, Trevor Manuel, prévenant dans le même temps que la crise économique « va handicaper notre marge de manoeuvre ».

http://www.humanite.fr/2010-05-26_Sports_Coupe-du-monde-de-foot-2010-Ce-qu-on-attend-dans-la-township-d

Sem comentários:

Related Posts with Thumbnails