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18/05/2010

De « réforme » en « réforme » (1995-2010) : (1) Le consensus des « pédagogues »

Yves Rebours

Alors que se prépare une nouvelle contre-réforme des retraites, d’ores et déjà saluée par les pontifiants des médias dominants comme une réforme « urgente, unique, inévitable », il n’est pas inutile de revenir sur la rhétorique et le rôle de ces conseillers des gouvernants.

A l’occasion de la réimpression de Médias et mobilisations sociales (2007), nous reprenons ici quelques extraits du premier chapitre, complétés par quelques références aux articles que nous avons publiés depuis sur les mobilisations sociales, du moins quand elles prennent pour cibles les réformes gouvernementales.

* Leurs problèmes sont-ils les nôtres ?

Parmi les « pouvoirs » qu’ils exercent, les médias disposent du pouvoir de tracer symboliquement le périmètre des problèmes et des solutions légitimes et de garder ainsi les frontières du politiquement acceptable. La construction médiatique des questions sociales repose sur des problématisations – des mises en mots et en forme – qui ne sont nullement innocentes [1].

Au gré des fluctuations de l’actualité, ces questions sont constituées comme autant de problèmes distincts et successifs (le « problème de l’immigration », le « problème de l’insécurité », le « problème des banlieues », « le problème de la précarité », « le problème de école », etc.) qui sont soumis sous cette forme à l’agenda des responsables politiques et des agents de l’état.

« Moderniser » et « réformer » sont les maîtres-mots de cette segmentation et de cette institutionnalisation des « problèmes », taillés à la mesure d’un réformisme médiatique de bon ton, aux nuances variables, mais à direction constante : celle de la modernité libérale. Un réformisme de bon ton, puisqu’il s’agit ici, non de la lutte indispensable pour des réformes souhaitables, mais du traitement des symptômes (au lieu du traitement des causes) par des réformes octroyées (et non par des victoires obtenues). Un réformisme médiatique qui, de droite à gauche, selon les sensibilités des journalistes ou les orientations éditoriales de chaque média, impose ses « évidences ».

Ainsi, descendant de l’Olympe où siègent et pérorent les présentateurs-chroniqueurs-éditorialistes, flanqués d’une cohorte d’experts attitrés, une même rhétorique soutient les discours politiques dominants et enserre la mise en mots et en images des mobilisations sociales qui affrontent les remises en cause de l’Etat social et du code du travail : l’invocation de « l’urgence » des « réformes » et de la « nécessité » du « dialogue ».

Un tel « cadrage », prêt à l’emploi en toutes occasions, exclut d’emblée que cette urgence soit dictée pas la contre-révolution libérale et que les « réformes » puissent n’être que des régressions. Comment oser, dès lors, sortir de ce cercle par des arguments et des actions sans commettre d’impensables contresens (qui exposent les fautifs à être mal notés par les dépositaires de la Raison) et sans se livrer d’intolérables transgressions (qui valent à leurs auteurs les rappels à l’ordre des conseillers des gouvernants). Ainsi l’épreuve de force qu’engagent les acteurs des mobilisations sociales pour faire reconnaître la légitimité de leurs aspirations, de leurs revendications et de leurs actions est aussi (et peut-être de plus en plus), une épreuve de force symbolique dans laquelle se trouvent impliqués directement les acteurs dominants des médias de masse.

Tandis que nul ne songe à contester leur droit d’informer et de commenter, c’est à peine si ces messagers hors du commun se soucient de celui des forces collectives qu’ils soumettent à leur verdict et dont ils contrôlent l’accès à l’espace médiatique. Ces défenseurs sourcilleux de leurs propres privilèges, se prévalent de la liberté d’expression et du pluralisme des opinions, pour agir de concert, sans avoir besoin de se concerter, en garants de la légitimité : en l’occurrence, de la légitimité de la domination.

I. Le consensus des « pédagogues »

En 1995, la quasi-totalité des grands médias ont soutenu « la réforme » de la Sécurité sociale. En 2001, ils ont salué « la réforme » du statut de la SNCF. En 2002, ils ont apprécié « la réforme » du statut des intermittents. En 2003, ils se sont félicités de « la réforme » des retraites (et du statut des agents de service dans l’Education nationale). En 2005, ils ont beaucoup aimé « le Contrat Nouvelle Embauche ». Et si, en 2006, ils ont moins apprécié le « Contrat Première Embauche », c’est surtout parce qu’il avait été mal négocié par le gouvernement. Pourquoi une telle constance ? Parce que, disent-ils, les « réformes » sont nécessaires. Quelles réformes ? C’est à peine si cela importe, quelle que soit la réforme et même s’il s’agit d’une réforme régressive. Au terme de « réforme », ce n’est plus l’idée d’amélioration qui est associée, mais n’importe quelle transformation, pour peu qu’elle épouse les contours de la « modernisation » capitaliste.

Cette rhétorique n’est pas neuve : de « Vive la crise » (1983) à « Juppé l’audace » (1995), le trajet de Libération synthétise en deux titres de « Une », le parcours semé d’embuches des rhéteurs officiels de la quasi-totalité des médias dominants.

1995 : le « Plan Juppé »

En 1995, l’annonce du « Plan Juppé » est accueillie par un concert d’éloges. Une liesse quasi-unanime que relève François Bayrou, alors ministre de l’Éducation nationale : « Tous les journalistes français disaient : A quand les réformes ? Et, permettez-moi de vous dire : ils ont tous applaudi. [2] » Tel fut notamment le cas du Monde, acquis depuis longtemps aux grandes lignes de la « réforme » [3] et qui la soutint de la version Juppé à la version Fillon.

Dès septembre 1995, l’éditorial du quotidien vespéral annonce : « Édouard Balladur avait eu le courage de lancer, en respectant sa méthode de concertation avec les partenaires sociaux, une réforme qui a eu le double avantage, en allongeant la durée des cotisations pour bénéficier d’une retraite à taux plein, […] de pérenniser le système de répartition. Son successeur sera obligé de prendre le relais. » (24/25 septembre 1995)

Au lendemain de l’annonce du plan Juppé, l’éditorialiste du Monde tombe en pâmoison : « La journée du 15 novembre a toutes chances de rester comme la première date utile du pouvoir issu de l’élection présidentielle de mai dernier. Utile au pays car celui-ci a désormais un gouvernement. C’est-à-dire une équipe capable de prendre des décisions qui ont non seulement le mérite de la cohérence, mais qui paraissent dictées par une certaine idée de l’intérêt général, quitte à mettre à mal les corporatismes ou les clientèles électorales. » (17 novembre 1995)

Huit ans plus tard, au lendemain de l’annonce du plan Fillon-Raffarin, Le Monde réécrit presque mot pour mot son éditorial de 1995 : « Pour une fois qu’un gouvernement a le courage de prendre le problème à bras-le-corps, il faut lui en donner crédit. Il faut d’autant plus lui en donner crédit que, précisément, il semble avoir tiré les enseignements de la méthode Juppé. Pas de réforme à la hussarde ! » (Éditorial du 20/21 avril 2003, titré : « Négocier les retraites »)

2003 : « la réforme des retraites »

En 2003, donc, autre « réforme », autre clameur. Cette réforme fut annoncée longtemps à l’avance. Depuis 1995, ils n’avaient cessé de le marteler : la réforme des retraites est nécessaire, même si elle pèse exclusivement sur les salariés. Aussi, au début de l’an 2003, Daniel Bilalian pouvait exulter : « L’année 2003 sera l’année de la réforme des retraites si longtemps, trop longtemps différée » (France 2, 09.01.2003). Quelques jours plus tard, commentant le refus des salariés d’EDF-GDF de subir la remise en cause de leur système de retraite, Le Monde du 17 janvier 2003 déplorait : « Quand toute évocation d’un changement - quel que soit son contenu - est susceptible de mettre le feu aux poudres, l’aventure réformatrice devient très risquée pour ceux qui en sont chargés. » On a bien lu : « quel que soit son contenu ». Et le quotidien vespéral s’inquiétait : « L’émergence d’une posture aussi radicale pourrait bien constituer […] les prémices d’un mouvement social qui contraindrait les syndicats à entrer dans la surenchère. » (« Le Monde réforme les retraites et les salariés », 22 janvier 2003. Toutes les manifestations qui devaient suivre seraient donc à mettre sur le compte de la « surenchère ».

Quelques jours plus tard, le 1er Février 2003, François Fillon, annonce que la réforme des retraites est déjà bouclée tandis que la presse observe avec condescendance les manifestations du même jour. Anesthésiée, elle se réjouit ou roupille. Le réveil sera brutal et, on s’en doute, plutôt grognon. Mais qu’importe ! La réforme étant indispensable, il ne restait plus qu’à « se concerter » sur ses modalités d’application. La plupart des médias en était convaincue à l’instar du Monde qui titrait dès le 13 mars 2003 : « Retraites : les Français prêts à travailler plus longtemps. » La suite prouva que ce n’était pas si simple. Mais qu’importe ! L’essentiel était d’évaluer les chances de « LA réforme ». C’est ce que Le Monde confirme, un mois plus tard, dans l’éditorial déjà cité (« Négocier les retraites »).

3 avril, 13 et 25 mai, 3, 10 et 19 juin 2003 : les grèves et manifestations qui se succèdent sans désarmer les zélateurs de « la réforme ». De là cette question angoissante qui taraude Jean-Michel Blier – comparse de Christine Ockrent sur France 3 – quand, le 13 mai 2003 sur France Info, il constate et s’interroge avec anxiété et amertume : « Le mouvement a été très largement suivi. Faut-il en déduire que décidément les Français n’aiment pas les réformes ? » Un mois plus tard, alors que le mouvement social a échoué à faire reculer le gouvernement, Arlette Chabot, dans une émission d’anthologie, s’interroge benoîtement : « Pourquoi est-il impossible de réformer la France ? » (Voir ici même, « Sur France 2, Arlette Chabot réforme la France), juin 2003).

Parmi les « réformes », il aurait fallu citer également l’accord sur l’assurance chômage des intermittents du spectacle conclu entre le Medef et trois organisations syndicales le 26 juin 2003 (et le mouvement des intermittents du spectacle en 2003 et 2004). Un accord finalement entériné même par les médias dominants qui, à l’instar du Monde, l’avaient contesté.

2006 : le « Contrat Première Embauche »

Tout avait commencé, en ce début 2006, dans le calme d’un accompagnement sans états d’âme de « la réforme ». Son adoption par le Parlement n’avait suscité aucune émotion particulière. Le climat commence à changer après les manifestations du 7 mars 2006. On peut constater alors, dans la presse écrite quotidienne nationale, qu’il s’agisse du contenu de la réforme ou de la légitimité de la mobilisation, une indéniable diversité éditoriale : Le Figaro campe solidement à droite, Le Monde tient la corde au centre-gauche, Libération donne l’impression d’épouser la cause de la jeunesse mobilisée que L’Humanité soutient ouvertement. Avec toutes les apparences d’une information équilibrée et pluraliste, mais qui, L’Humanité exceptée, dissimule un profond consensus. En effet, apparemment divisés sur la nécessite de cette réforme, les commentateurs entonnent d’une même voix l’hymne en faveur de la flexibilité. Une fois encore, les revendications (et donc les actions) légitimes sont contenues dans une enceinte très étroite et placées sous surveillance. Alain Duhamel s’en charge dès le 8 mars sur RTL « Il faut dire les choses comme elles sont, les pays dans lesquels le chômage a le plus reculé, sont les pays qui ont choisi la flexibilité ». Par conséquent, déclare Eric Le Boucher dans une chronique intitulée... « La possibilité des réformes » (Le Monde, 19 mars 2006) sont responsables de l’exclusion des jeunes… les salariés « inflexibles » : « Voilà le comble : les étudiants et les jeunes qui sont les exclus du monde du travail (ils sont les “out” des économistes) vont défiler avec les syndicats des “in”, ceux de la fonction publique et de l’emploi à vie, qui bloquent toute évolution au nom d’une pseudo-résistance contre l’ultralibéralisme et la précarité. Les victimes et les responsables de concert : la France sociale est en pleine confusion !

La plupart des éditorialistes de la presse quotidienne régionale ressasse le même discours (Un florilège ici) : notre destin, c’est la « réforme » ; et seules sont légitimes les mobilisations qui ont pour objectif, non de la contrarier quand elle est régressive, mais de l’accompagner. Tel est l’unique objet du « dialogue social ».

2007-2008 : LRU et Réforme des régimes spéciaux

Une réforme qui échoue n’empêche pas nos zélés réformateurs à rebours de s’obstiner. L’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République signe la reprise de la régression.

Pendant l’été 2007, le parlement approuve la loi LRU, une loi qui prévoit notamment l’autonomie des universités [4]. Une loi évidemment approuvée par la cohorte des éditorialistes qui s’opposeront donc farouchement à la mobilisation étudiante.

Un seul exemple (de « référence »…) suffira. Un éditorial du Monde, du 14 novembre 2007, sous le titre flamboyant « L’Université en otage » prenait à partie « Le mouvement de grogne ou de rejet qui se propage dans une partie des universités françaises » et suggérait fortement que « les étudiants les plus radicaux » sont « en train de se tirer une balle dans le pied ». L’éditorialiste anonyme soutenait en effet que la loi « s’efforce de poser les bases d’un renouveau en améliorant la gestion des universités […] sur la base d’un accord assez large de la communauté universitaire » (en clair : les Présidents d’université) et concluait ainsi sa leçon : « Comme souvent par le passé, il était probablement inévitable que l’université soit prise en otage dans cette affaire. Mais c’est, pour les jeunes, le plus mauvais terrain pour manifester leur impatience ou leur révolte. »

Après l’Université, les retraites… En 1995, le gouvernement d’Alain Juppé avait échoué à « réformer » les régimes spéciaux. En 2007, le gouvernement de François Fillon reprend la « réforme ». Quelle « réforme » ? C’est à peine si cela importe, puisqu’elle est « équitable » et « inéluctable ». Florilège d’approbations solennelles (Les détails ici même : « Régimes spéciaux : Journalistes ou attachés de presse du gouvernement ? », 14 novembre 2007) :

- Sur son blog, Jean-Michel Aphatie, de RTL, approuve la « réforme » le 10 septembre 2007 : « Oui, il faut réformer les régimes spéciaux, le pays attend cette mesure d’égalité. »
- Patrick Chabanet approuve : « Dans une période où, pour des raisons démographiques, les régimes dits normaux vont au-devant de graves difficultés de financement , le maintien des régimes spéciaux apparaît comme une hérésie sociale. » (Le Journal de la Haute-Marne, 10 septembre 2007)
- Laurent Joffrin approuve : « Personne ou presque ne conteste la nécessité de revoir ces régimes de retraite . » (Libération, 11 septembre 2007).
- Pierre Taribo approuve : « Les partenaires sociaux, qui brandissent la menace d’une crise majeure en cas de passage en force de la réforme des régimes spéciaux de retraite, savent que la mesure est inéluctable. » (L’Est Républicain, 11 septembre 2007).
- Jacques Julliard approuve : « Que les choses soient bien claires. Je suis, depuis 1995, favorable à la réforme des régimes spéciaux ainsi qu’à celle de la Sécurité sociale . […] Ce n’est donc pas aujourd’hui, quand presque tout le monde a compris le caractère inévitable de cette réforme, que je vais changer d’avis. » (Le Nouvel Observateur, 20 septembre 2007)
- Claude Weill approuve : « La réforme des régimes spéciaux de retraite est sans doute une nécessité économique et démographique . C’est aussi une mesure d’équité » (Le Nouvel Observateur, 25 octobre 2007).
- Alain Duhamel approuve : « Lors, bien sûr, la tentation, c’est de comparer tout de suite ce qui va se passer, avec ce qui s’était passé lors des fameuses grèves de 1995 […] Depuis cette époque-là, et depuis ce qui avait été les plus grandes grèves d’Europe depuis vingt ans, l’opinion publique a évolué, on a pris conscience du fait que malheureusement, il était inéluctable d’allonger la durée de cotisations. » (RTL, 6 novembre 2007).

Expliquer, expliquer sans relâche, tel est le dur labeur des prescripteurs de soumission, en sauvant les apparences de pluralisme (voir par exemple « Christine Ockrent, ministre de la propagande et de la pédagogie ».

2009 : Mobilisation universitaire

L’année 2009 a été marquée par les luttes des salariés contre les fermetures d’entreprise, par la grève générale en Guadeloupe, et par les journées nationales contre les effets de la crise économique (voir notre rubrique. Et… Et… par une nouvelle « réforme » indispensable : la réforme du statut des enseignants-chercheurs.

Dans la presse écrite, la morgue et le mépris qui ont, peu ou prou, été déversés par les préposés aux commentaires sur la plupart des mobilisations sociales contre les réformes néolibérales depuis 1995, ont été, face à la mobilisation universitaire, fortement atténués : effet de proximité sociale, sans doute, entre les éminences du journalisme et les sommités académiques ; effet de proximité, éventuellement miné par un conflit de légitimité entre les chercheurs et le clergé médiatique, comme le montre la sortie de Franz-Olivier Giesbert parue dans Le Point du 5 février 2009, intitulé « L’idéologie du père peinard ».

« Le conservatisme français se pare le plus souvent d’oripeaux prétendument révolutionnaires et prend une posture de gauche pour refuser les réformes qui pourraient troubler son confort.

C’est ce qui se passe aujourd’hui avec le consternant mouvement contre le décret de Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur, changeant le statut des enseignants-chercheurs. Pensez ! Ils risqueraient d’être soumis à une véritable évaluation et, pis encore, à une concurrence entre les universités.

D’où l’appel à la grève illimitée d’enseignants ou de chercheurs qui, derrière leur logomachie pseudo-révolutionnaire, ont souvent, chevillée au corps, l’idéologie du père Peinard. La France est un des pays d’Europe qui dépense le plus pour son système éducatif, avec les résultats que l’on sait. Il faut que ce fiasco continue, et tant pis pour nos enfants, qui, inconscients des enjeux, se feront de toute façon embringuer par des universitaires, réactionnaires au sens propre du mot.

Ce que démontre ce navrant épisode, c’est que les réformes de ce genre passeraient peut-être mieux si elles venaient de la gauche. Mais pour cela, encore faudrait-il qu’il y ait une gauche, une vraie, capable de penser l’avenir du pays. »

Et les autres ? Force est de constater qu’entre l’hostilité (embarrassée…) que manifeste Le Figaro et la proximité (revendiquée…) dont témoigne Libération, l’écart est grand : informations minimalistes dans le premier cas (assorties d’entretiens réservés à la droite, et d’enquêtes à charge sur les enseignants-chercheurs qui « ne publient pas » ou les grévistes qui « sont payés »), couverture plus généreuse dans le second. Et, entre les deux, Le Monde

Le Monde qui a glissé avec constance son approbation de la « réforme » dans les informations sur sa contestation, comme on peut le vérifier en parcourant à nouveau les articles signalés en note [5].

Tant de diversité peut éblouir, mais quand il s’agit de réformer les retraites…

* * *

2010 : C’est reparti - Une même façon de poser le « problème » des retraites trace le cercle très étroit des « solutions » concevables. Comme en 1995, 2003, et 2007, la plupart des commentateurs l’affirment : la réforme des retraites est indispensable et urgente. Et comme en 1995, 2003 et 2007, elle est unique. En 2003, pour Le Monde, Eric Le Boucher écrivait (25 mai 2003) que « la » réforme ne pouvait être qu’une combinaison de « trois solutions désagréables » : augmentation de la durée du travail, augmentation des cotisations (pour qui ?), abaissement des pensions.

En 2010, les trois « solutions » sont de retour. Qu’est-ce qui a changé ? Eric Le Boucher et son directeur de la rédaction d’alors – Edwy Plenel - ont quitté Le Monde. Alors que le premier est devenu co-fondateur du site Slate.fr, le second, fondateur du site Mediapart, fait oublier que Le Monde en 1995 et 2003 (lorsqu’il était directeur de la rédaction) soutenait les réformes gouvernementales, et est devenu l’animateur du meeting des contestataires tenu le 8 mai à Paris. Quant aux autres prescripteurs d’opinion, leur constance seule est admirable…

Pour la plupart de nos pédagogues, aujourd’hui comme hier, si la réforme est indispensable et qu’il n’existe pas d’autre réforme que LA réforme, seule importe la « méthode ». La plupart des médias ne s’en étaient pas avisés en 1995. Mais ils ont beaucoup réfléchi depuis.

Yves Rebours

- A suivre : D’une « réforme » à l’autre (1995-2010) : (2) Les discours de la « méthode ».

Notes

[1] Sur ce point lire notamment : Patrick Champagne, « La vision médiatique », dans La misère du monde (sous le direction de Pierre Bourdieu), Paris, Seuil, 1993, pp. 61-79.

[2] « 7 sur 7 », TF1, 3 décembre 1995, cité par Serge Halimi qui recense ces applaudissements dans Les Nouveaux chiens de garde, nouvelle édition, Paris, Raisons d’agir, 2006, pp. 101-108.

[3] Pour Lire Pas Lu (PLPL) n°13 (février 2003, p. 5).

[4] La loi no 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (dite loi L.R.U. ou loi Pécresse),

[5] Lire : « Le Monde et le mouvement universitaire »,18 mars 2009 ; « Universités : Le Monde persévère… », 8 avril 2009 ; « Universités : Le Monde se rectifie, mais reste incorrigible », 29 juin 2009.

http://www.acrimed.org/article3374.html

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