À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.

10/08/2009

La lente colonisation de l’Europe par le libéralisme économique.

Samuel Métairie

Pandémie de l’Europe libérale : l’euro, qui voudrait mettre le monde à sa botte.

Dès l’école, la désinformation sur l’Europe s’installe dans les cahiers.

J’ai grandi dans un pays dit démocratique, libéral et social. Lorsque j’étais haut comme trois pommes, et que, d’un coup de pied, avec mon enclume républicaine sur le dos, (le cartable de quinze kilos sur le dos d’un enfant) je frappais gaiement dans les cailloux du sentier qui me menaient à l’école, les enseignants nous faisaient gober tout un tas d’idées préconçues, que l’on devait apprendre bêtement par cœur. Avoir des bonnes notes, faire ses devoirs, être sage, docile, et bien calme. C’était le tarif minimum si l’on voulait passer en classe supérieure. Sinon, l’institution coercitive, école des inégalités socio-économiques entraient en scène. Autrement dit, l’institution supposée d’éducation nationale, qui a non pour vocation de former, mais de formater les cerveaux à s’adapter aux sociétés changeantes, se charge d’écarter les mauvais éléments (qu’elle considère comme tel) dans des espèces de voies de garage. S’il ne s’agit pas de voies de garage, (pour les fervents défenseurs du modèle d’éducation républicaine et libérale qui se targuent d’affirmer que celui-ci est organisé en fonction des compétences de chacun, et que c’est tanpis pour les élèves qui ne veulent/peuvent pas s’y conformer..) disons alors qu’elle classe les individus les moins « compétents » dans des schémas de vies différents des postes clés de la classe dirigeante, en tout cas. Et c’est comme cela qu’un collégien qui n’a pas son 10/20 en maths, en français ou en histoire-géo au mois de juin se retrouve en BEP vente, en BEP action commerciale, ou en CAP maçonnerie. Lui a-t-on demandé son avis ? Sait-on réellement les causes de son échec dans ces matières ? Non. Veux-t-il devenir maçon ? Peut-être, mais là n’est pas le problème, la question n’est pas posée : « Il est nul en cours, donc pas la peine qu’il continue dans l’enseignement général ». Et donc, même s’il n’a pas envie de finir maçon ou vendeur, le corps professoral -puisque c’est ainsi que l’on nomme ceux qui à l’école choisissent à la place de ceux qui sont directement concernés- se charge de lui expliquer insidieusement qu’il ne fera jamais ce qui lui plait. C’est comme dans une fête foraine, où l’on paye pour tirer sur des manettes, qui elles, font bouger un bras articulé mécanique dans le but d’attraper une peluche. La peluche attrapée est celle que le système choisit de sortir du lot, et toutes les autres peluches restent figées à la même place en attendant d’être éventuellement sélectionnées.

Dès l’enfance donc, vous aurez compris ce dont je veux parler, nous subissons l’influence non pas directement de l’État, mais de l’adulte habilité à former les élèves : le fonctionnaire, l’enseignant. De telle sorte qu’au bout de plusieurs années de formatage idéologique…de cursus scolaire pardon, il est admis dans la tête de l’élève devenu lycéen, qu’il faut absolument voter aux élections. Que nous sommes bel et bien libres en démocratie, et personne ne lui fera démordre que si l’Europe est celle qu’elle est aujourd’hui, c’est parce que la France et l’Allemagne se sont réconciliées en 1963. Et que le reste des pays du vieux continent se sont associés tous ensemble pour vaincre les traditions belliqueuses inter étatiques datant d’une autre époque. Quelle magnifique ingéniosité, grâce au traité de Rome signé en 1957, soit disant la genèse de la construction européenne, six pays s’accordent à mener des politiques de protection des droits humains, de sauvegarde des libertés, et se portent caution solidaire contre toute atteintes aux traitements inhumains et dégradants. Ensemble tout est possible, pour le maintient de la paix, pour que plus aucune guerre ne bouleverse l’ordre géopolitique du paysage européen. S’il y a fatalement de bons aspects soulevés et garantis par le droit communautaire, j’aurais tout de même une autre opinion à formuler à ce propos.

L’Union Européenne, continent des libertés ?

Force est de constater qu’il y a certainement de bonnes choses dans cette construction européenne. Pour simple exemple, toute personne circulant en Union Européenne n’est plus soumise au contrôle douanier en franchissant les frontières. Un français, un néerlandais ou un allemand qui voyage en Espagne, en Italie, ou en République Tchèque ne doit plus passer, à l’heure actuelle, par les bureaux de change pour pouvoir convertir ses euros en monnaie locale et n’a plus à faire attention aux taux de change, variables selon la commission que se réserve le bureau de change. Ce même résident national peut, après usure de toutes les voies de recours en droit interne, faire valoir son droit au niveau des institutions judiciaires du droit communautaire : en d’autres termes, un citoyen qui perd un procès dans son pays membre peut demander à la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) ou à la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) de réexaminer son affaire. Le juge national est en théorie un juge communautaire. Cela peut présenter ses avantages, surtout en ces temps liberticides où discriminations, police, justice et lois se confondent outrageusement avec oppression, asservissement, et où l’on se demande si démocratie et dictature ne rament finalement pas ensemble dans la même barque, au bas mot. Mais bien entendu, pour faire appel devant une juridiction européenne, il faut encore une fois que le « citoyen » soit riche, connaisse le droit, et j’imagine, qu’il n’ait pas peur des diverses pressions d’ordres extérieurs. Autrement dit, ce n’est pas à la portée de tout le monde d’aller se défendre devant les hautes sphères, d’oser affronter les oligarques, magistrats et députés européens. Et lorsque l’on voit qu’en Espagne, comme dans d’autres « voisins » d’Europe, le citoyen lambda peut saisir l’équivalent du conseil d’État ou du conseil constitutionnel pour discuter de la légalité d’une loi, contrairement au cas de la France, on se pose des questions…Oh oui bien sur, il y a libertés de circulation des Hommes, des travailleurs, des marchandises, mais enfin surtout des marchandises et des capitaux. Bien maigre avantage ! Lorsque Daewoo France délocalise en Lettonie ou en Bulgarie, c’est la liberté des travailleurs qui s’applique alors ? « Soit tu refuse ta mutation et t’es viré, soit tu vends ta maison, tu imposes à ta famille de te suivre et tu acceptes un salaire plus faible (pour pas dire de misère) indexé au coût de la vie bulgare ». Choisi ton camps, camarade, en Europe du crève la dalle, ou crève la faim : quelle sacré liberté laissée aux travailleurs !!! Mais passons sur le droit qui on le sait, n’est qu’un instrument au service du pouvoir, de la classe dominante minoritaire pour gouverner la classe dominée majoritaire, en termes quantitatifs, et revenons à notre petite fable sur la construction européenne. Hum.. oui, bien belle fable en effet que ce processus de construction d’une fédération européenne, qui n’est pas digne de La Fontaine, mais qui sait pourtant en faire chanter plus d’un.

Le lent processus de colonisation de l’Europe

Les dirigeants des pays membres de l’Union Européennes se targuent honteusement de garantir la liberté, et ont bien compris une chose : plus leur organisation régionale est grande, plus il est difficile pour les peuples de se révolter contre l’empire. Comme a dit l’autre, qui n’aurait pas du le dire, « l’union fait la force ». N’est ce pas cet adage bien connu des cercles d’intellectuels, qui a droit de cité pour légitimer cette organisation, soit disant un mix entre l’intégration (fusion des gouvernances) et la coopération (le droit interne n’est pas commandé par Strasbourg et Bruxelles), qui d’ailleurs devrait être déclarée illégitime si ces mêmes personnes faisaient preuve d’un tant soit peu de bon sens ? Je dirais que de toute façon, lorsqu’un gouvernement se justifie en affirmant qu’il défend comme vertu première la liberté, c’est un peu comme quand les medias crient honte à la Russie, qui assassine ses journalistes, ce qui est grave, mais surtout sans regarder, ni oser dire fort ce qui est fait chez soi (en France)… De l’hypocrisie, en somme. L’Europe s’élargit pour être plus forte, plus puissante face aux États-Unis. Son euro rivalise avec le dollar, mais les deux « Grands » marchent main dans la main lorsqu’il s’agit d’envoyer des bombes sur les villages de la Yougoslavie, toujours pour la liberté, auprès de l’assassine OTAN. Ou en Afghanistan, dans le combat pour la liberté. Les dirigeants clament qu’il faudrait une constitution commune et fédérale, et en finir avec les frontières de la vieille Europe par la libéralisation toujours croissante des économies. Je ne suis pas patriote, encore moins nationaliste mais je me demande bien ce qu’il en est, si tout cela n’est pas une sorte de colonisation ?

Bref. Ces mots n’ont pas l’objectif de dire s’il faut garder la souveraineté ou l’estomper au profit des institutions européennes. Mais de montrer quelques dysfonctionnements de cette Europe que l’on nous vend à coup de matraquage médiatique et politique. Et il est vrai qu’avec les élections européennes de juin dernier, nous avons assisté au magnifique spectacle qui prouve que l’Union Européenne n’a été construite de toute part uniquement que par ceux qu’elle intéresse. C’est-à-dire, les membres du corps d’élite encore une fois, les capitalistes, ainsi que ceux qui ne se sentent pas molestés par ce système marchand qui exploite tellement l’être humain qu’il est presque réduit à un code barre. Ceux aussi, qui sont satisfaits de voir les lobbies et les multinationales imposer leurs lois destructrices et leurs intérêts flamboyants et juteux sur les économies des nouveaux membres dits « petits États » tels la Roumanie ou la Hongrie, etc. C’est donc bien, du haut de mon cerveau de dangereux citoyen « de gauche », ce qui prouve que cette institution devrait être abolie, ou du moins profondément réorganisée.

Sur la totalité des inscrits, seuls 40% ont voté, et le reste s’est abstenu. Lorsque l’on constate qu’il n’y a rien de social dans le fondement des politiques menées par l’UE, on ne s’étonne pas que les partis de droite en ressortent grands vainqueurs. Alors que les médias à grand public font lamentablement semblant de s’étonner que 60% des inscrits se soient abstenus, sans expliquer la véritable raison de ce taux d’abstention jamais observé, n’importe quel quidam pourrait se dire : les socialistes (pas les petits bobos du PS, mais ceux qui comme moi pensent qu’il existe encore une classe pauvre ou précaire au service de la classe dominante riche) veulent un partage des richesses, de la solidarité, du lien social, et surtout cela va de soi, ils veulent abolir les modes actuels de production capitaliste, donc il va aussi de soi que ces gens qui « pensent mal » et en décalage avec la pensée unique, s’abstiennent de voter. Mais ce qui est d’autant plus ridicule, c’est que les juristes, ou plutôt ceux qui ont appris le droit bêtement par cœur juste pour le ressortir dans les amphis, ou ceux qui croient encore à un avenir ici, ces juristes ne remettent pas en question le fait que sur le papier (au traité de Nice de 2001), il nous est dit que l’UE est proche du citoyen, car elle représente 500 millions de personnes. Ah bon ? Dites moi, ils se moquent de nous, nous endoctrinent en ayant totale conscience de la chose, ou ils croient vraiment ce qu’ils disent ? Bien entendu, je répondrais si on me posait la question, que ceux qui ont signé les traités européens ne sont obnubilés que par leurs intérêts personnels et profitables, que tout n’est qu’un gigantesque nuage de poudre aux yeux que l’on nous vend pour faire passer la pilule du marché économique (que de la propagande, en somme). Comme disait Coluche, « Ils se foutent bien d’notre gueule ! ».

A la fac, les cours de droit communautaire commencent par traiter l’évolution de la construction européenne, et développent ensuite les bienfaits de la politique économique commune, de l’union politique qui règne, et se demandent si Turquie ou si pas Turquie. Si Croatie, ou si pas Croatie. Si on peut intégrer Israël sans accepter la Turquie. Bref, on veut nous faire apprendre que la communauté européenne, c’est comme si dans mon groupe d’amis, j’intégrais Pierre et Paul alors que j’ai refusé Robert, Jacques ou Tartempion. C’est tellement ridicule et dépourvu de sens !

Cette armée de parlementaires et commissaires européens qui débattent dans le vent pour savoir quel élargissement effectuer et comment le faire, devrait être mise à genoux. Car elle crée du rêve idéologique, vote des lois qu’elle n’aura pas à appliquer, cire les pompes gratos des multinationales pendant que le petit paysan roumain apprend qu’il devra abandonner son modèle d’exploitation familiale et faire du transgénique s’il veut continuer à vivre de l’agriculture (en clair, ce paysan devient salarié d’une coopérative. Puis il est contraint d’abandonner sa terre, expropriée par une multinationale. Avec la pression à la baisse des prix de leurs produits industriels, ces trusts deviennent « compétitifs » par rapport au paysan lambda, et celui-ci ne peut plus vivre de la vente de ses produits. Concurrence ? Non, flinguer le marché pour attirer les consommateurs et ensuite décider de la fixation des prix, cela s’appelle du monopole pur et dur !). Ceci, pendant que l’on importe des tomates cultivées aux engrais chimiques d’Espagne pour en manger en décembre.

L’Europe, de six à vingt sept n’a été faite uniquement dans le but de renforcer la mainmise de l’économie sur les Hommes, pour mieux les rendre serviles à leur système. C’est l’art de porter implicitement l’obscurantisme à son paroxysme, à un tel point que nous sommes de plus en plus nombreux à attendre ce fameux point de non retour. Et il n’y a qu’à se pencher deux minutes sur la répartition des sièges au sein des vingt sept pays pour se rendre compte des différents jeux de puissance dominatrices sur les autres.

Pour toute question d’ordre européen, c’est toujours les dirigeants franco-allemands, du Benelux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg) et de l’Italie qui ont le plus de poids dans le processus de prise de décision : n’imaginez pas un député ou un commissaire (européen) hongrois ou polonais avoir gain de cause dans sa proposition de lutte contre la précarité, la hausse du taux de chômage ou de l’inflation dans son pays. Tout vote demandant soit l’unanimité, soit une majorité qualifiée, si la France le Royaume-Uni ou l’Allemagne sont opposés à la proposition, le député hongrois ou polonais peut aller se rhabiller, et proposer un nouvel amendement plus réaliste. Ouvrir le capital des principaux services publics, par exemple, ça c’est possible, et facilement applicable … avec le respect des contraignants acquis communautaires, bien évidemment... clé de voute de ce qu’on pourrait nommer l’industrie législative européenne. Des dirigeants fixent des règles (seuil du déficit budgétaire limité, inflation maîtrisée à 3%) pour ensuite se permettre de ne pas les appliquer. Après tout, le droit n’est-il pas ainsi fait ? Apprendre à contourner la loi ?

C’est donc en fait, une Europe à deux (ou trois) vitesses, qui fonctionne soit disant rationnellement, mais surtout de manière profondément déraisonnée. Dans les amphis, on entend que le droit communautaire c’est l’avenir. Alors voila ce que je réponds, à cette jeunesse aux portefeuilles cousus d’or (en exagérant un petit peu) qui endosse fièrement un costar-cravate pour passer un simple oral, à ces futurs jeunes cadres dynamiques de la société : l’Union Européenne n’est ni plus ni moins qu’un chef de guerre qui commande d’une main de fer ses soldats et serviteurs, tous fidèles au roi pour remporter la guerre économique.

L’institution, cette machine tellement absurde que l’on a l’impression qu’elle est personnifiée, commande, et les soldats (hommes politiques, banquiers, actionnaires et patronat/Medef, etc) armés de l’euro ou du dollar ainsi que de la pression à la baisse des salaires tirent sur la foule, (la classe pauvre, moyenne et/ou salariée) qui elle, tente de résister à l’agresseur. C’est une métaphore bien simpliste de la situation, mais ces fameux pôles de résistance face à l’engrenage du système sont bien maigres, et surtout sévèrement réprimés.

Partout où les politiques européennes sont mises en application, tel le processus de Lisbonne de 2000 qui entre autre, préconise la privatisation des universités pour former des pôles de recherche compétitifs par rapport aux autres universités, et s’adapter à la logique de rentabilité des entreprises, partout où « madame réforme » est passée, la rue s’ébranle, les gouvernements essuient de violents mouvement de protestation sociale. L’Allemagne, l’Italie, la Grèce, la France, l’Espagne. Tous ces mouvements sociaux sont sévèrement réprimés par ceux qu’on considère comme des forces de l’ordre, et comme il faut absolument que la directive européenne soit transposée à l’interne dans ces pays membres, les services de l’information ont pour mission de déguiser le problème, avec pour toile de fond propagande et mensonges à l’opinion pour que celle-ci « vote bien ». Pour qu’elle vote européen. Pour que l’Irlande accepte le traité constitutionnel. Bref en fait, plus l’oligarchie s’unifie, plus les moyens de résistance sont confinés dans un espace de plus en plus restreint. Et donc moins le peuple aura de possibilités de faire valoir ses droits, ou tout simplement de pouvoir gérer sa propre vie.

Difficile donc de croire qu’un jour on assistera au spectacle d’une révolution sociale, dans ce contexte où les notions de partage et d’égalité deviennent taboues…

Le Grand Soir - 10.08.09

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