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14/05/2010

Le plan européen, une nouvelle fuite en avant ?

François Morin

Le plan européen adopté ce dernier week end se décompose en deux parties distinctes. Les gouvernements ont mis en avant le plan d’aide de 750 milliards. Mais, le plus important est probablement la décision de la Banque Centrale Européenne de pouvoir intervenir directement sur les marchés financiers, en rachetant la dette des États. Le trait commun de la décision bruxelloise et de celle de Francfort est manifestement de gagner du temps. Les mesures d’urgence ont pour objectif d’une part d’éviter que la crise actuelle de refinancement des États membres de la zone euro trop endettés se transforme en crise de solvabilité, et d’autre part de répondre à la crise de liquidité qui, de nouveau, affectait les marchés interbancaires. Une fois de plus, les marchés financiers ont eu gain de cause, car pour répondre à la crise on va d’une part rajouter de la dette au surendettement des États, et d’autre part, on va injecter de nouveau, et à grande échelle, des liquidités sur les marchés monétaires et financiers. De quoi former de nouvelles bulles gigantesques. Bref, en ne changeant pas les logiques qui ont été à l’origine de la crise financière, et qui sont toujours à l’œuvre, le plan européen n’est, une fois de plus, qu’une fuite en avant…

1 - Le volet le plus important du plan européen est en réalité la décision de la BCE d’intervenir sur les marchés de dettes publiques et privées pour apporter de la liquidité aux marchés obligataires. Quelques minutes à peine après l’annonce de l’accord intergouvernemental à Bruxelles, la Banque centrale dévoilait par communiqué son intention de commencer à acheter de la dette publique et privée de la zone euro. Il s’agit clairement d’une décision historique de l’institution de Francfort qui, la semaine dernière encore, était restée sourde aux appels en faveur de l’utilisation de ce type de mesures. L’intervention de la BCE sur le marché obligataire s’apparente à une décision de dernier ressort qui ne peut qu’écorner son image d’indépendance.

De quoi en effet s’agit-il ? Tout simplement d’un retour à une monétisation, certes indirecte mais réelle, des déficits publics. Le projet de la BCE d’acheter sur le marché secondaire est une mesure spectaculaire, même si contrairement aux banques centrales des États-Unis et de la Grande-Bretagne, ses statuts lui interdisent d’acheter directement des obligations émises par les États. La planche à billets que les économistes néolibéraux voulaient abattre est donc paradoxalement de retour, mais ce retour n’est pas accompagné d’un projet politique de développement économique et social européen et d’une véritable régulation de la finance internationale. Tout se passe comme si on allait de nouveau injecter des quantités énormes de liquidités sur les marchés sans aucune contrepartie productive. Afin de ne pas menacer la stabilité des prix en zone euro, la BCE nous indique qu’elle stérilisera ses interventions pour limiter les effets potentiellement inflationnistes de cette monétisation. Il reste évidemment à préciser la manière dont la BCE compte opérer pour drainer la liquidité, alors que la crise de liquidité sur les marchés n’a fait que se répandre ces derniers mois…

La décision de la BCE a été complétée par une autre disposition fort importante destinée à soutenir l’euro (et que les américains ont également favorisé craignant une chute trop forte de l’euro par rapport au dollar : il faut sauver les soldats exportateurs américains !). Les accords de swaps entre banques centrales ont donc été rétablis. Concrètement, l’objectif est de réapprovisionner en dollars les marchés monétaires confrontés notamment la semaine dernière à la brusque chute du taux de change de l’euro. Ces facilités sont destinées à contribuer à améliorer les conditions de liquidités en dollars américains finançant les marchés et à « éviter la propagation des tensions sur d’autres marchés et d’autres centres financiers », souligne la Fed dans un communiqué. La Réserve fédérale fournira des prêts d’urgence en dollars à la BCE, à la Banque d’Angleterre et à la Banque nationale de Suisse.

2 – L’autre volet du plan européen a pour objectif, dit le communiqué, de remettre les dettes publiques sur une trajectoire soutenable et de garantir la solvabilité des États à moyen terme. Pour cela, il est indiqué que les gouvernements des pays de la zone euro vont devoir fournir des efforts conséquents et crédibles pour assainir au plus vite leurs finances. Le plan se divise en deux parties avec tout d’abord la création d’un fonds de stabilisation de 500 milliards d’euros et ensuite d’une intervention du FMI qui pourrait atteindre 250 milliards d’euros

Le fond de stabilisation comporte une ligne de financement de 60 milliards d’euros, à utiliser par les États membres de la zone euro en difficulté assortie d’une forte conditionnalité. C’est une sorte de petit FMI. Le mécanisme sur lequel se sont mis d’accord les ministres des Finances des Vingt-Sept consiste en un fonds communautaire, mobilisable à très court terme afin de venir en aide à un pays en difficulté. Selon le texte des conclusions de la réunion, ce mécanisme repose sur l’article 122-2 du traité - qui permet de venir en aide à un État membre confronté à de "graves difficultés" - et il est dit qu’il restera en place aussi longtemps que nécessaire pour garantir la stabilité financière. De fait, un tel fonds existe déjà. Doté de 50 milliards, il n’était destiné qu’aux pays membres de l’Union européenne, mais pas de la zone euro. Il a été utilisé en octobre 2008, par exemple, à hauteur de 6,5 milliards d’euros, pour aider la Hongrie en proie alors à de grosses difficultés financières. Les Vingt-Sept ont décidé, dimanche soir, d’augmenter de 60 milliards ses encours pour le porter à 110 milliards et surtout d’étendre ses interventions aux pays membres de la zone euro.

À cela s’ajoute une garantie de 440 milliards d’euros (de type Special Purpose Vehicle) de la part des États membres de la zone euro et des pays n’ayant pas adopté la monnaie unique, comme la Suède et la Pologne, afin de constituer une nouvelle entité capable de lever des fonds sur les marchés financiers pour ensuite acheter de la dette publique de pays fragilisés. Ce mécanisme d’urgence expirera après trois ans, mais pourrait être prolongé. Le montant des obligations d’État qui pourraient être ainsi rachetées serait de 500 milliards mais, estiment des sources communautaires, il est également possible que cette somme soit relevée via l’utilisation de mécanismes financiers. Ce dispositif consiste finalement à créer un système de garantie européenne pour des emprunts réalisés par des États en difficulté. Concrètement, les États membres de la zone euro les plus solides financièrement pourront garantir les emprunts des États les plus fragiles ou leur accorder des prêts bilatéraux.

Le FMI enfin devrait compléter ce dispositif en apportant une contribution financière de l’ordre de 250 milliards d’euros, ce qui porte le montant global de l’enveloppe à 750 Milliards. Cette somme est à mettre en rapport avec les besoins de financement du Portugal, de l’Espagne et de l’Irlande réunis qui totalisent, d’après plusieurs estimations, environ 600 Milliards jusqu’à 2012.

En conclusion, si le fonds de stabilisation devait être utilisé, cela impliquerait l’émission de centaines de milliards d’euros d’emprunts d’État de la zone euro, renforçant en cela le surendettement massif de la plupart des pays européens ; dans ce contexte, la BCE va perdre son indépendance, car elle sera sommée d’assurer toujours plus la liquidité des marchés monétaires et financiers ; de fait, elle était déjà dépendante des marchés financiers, maintenant elle le sera des États. Or cette dépendance vis à vis des États ne sera pas mise à profit pour soutenir le financement d’un projet de développement européen, car il n’y a pas de structure institutionnelle de l’Europe qui puisse – par un projet adéquat - développer une telle perspective. Au contraire, la forte conditionnalité du plan renforce la pression sur tous les gouvernements européens pour qu’ils adoptent des plans capables de ramener leurs déficits dans les clous du Pacte de Stabilité d’ici 2014 au plus tard. Cela devrait donc renforcer les pressions déflationnistes s’exerçant sur la zone euro (faible croissance et inflation à moyen terme), De plus, on peut penser que l’euro va, dans les prochains mois, continuer de reculer par rapport au dollar en raison des liquidités injectées par la BCE : les actifs de la BCE vont se dégrader à mesure que la Banque centrale achètera de la dette de mauvaise qualité émises par les États européens.

Finalement, le plan européen a permis d’acheter du temps, sans que pour autant on perçoive les nouvelles règles du jeu qui pourraient contraindre la finance internationale à rentrer dans les clous de sa mission : le seul financement de l’économie productive, et non pas la financiarisation à outrance des activités humaines et, par suite, le déchainement spéculatif sur les actifs financiers ainsi « libérés ».

http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article13690

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