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06/11/2011

Lobby pour prendre la présidence de la BCE de nouveau

Est-il bien que les patrons de banques centrales soient membres de groupes de lobby ou de « think tanks » où ils rencontrent les dirigeants des grandes banques privées pour un avis sur le règlement bancaire pour le reste du monde ? Est-ce un problème si les banquiers font des allers-retours entre le public et privé ?
Ces deux questions valent la peine d’être posées en ce moment alors que Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne a transmis le contrôle à Mario Draghi.
Draghi est un ancien vice-président de Goldman Sachs international, mais il est aussi membre d’un club d’élite de la communauté internationale bancaire, le « Groupe de Trente », comme l’est Trichet.
Le Groupe de Trente est un ensemble de « très anciens représentants du secteur public et privé et de l’université » mis sur pied en 1978 pour « explorer les répercussions internationales des décisions prises dans les secteurs privés et publics et examiner les choix disponibles pour les professionnels du marché et décideurs politiques » [1].
Étant donné l’eurocrise, les énormes opérations de renflouement des grandes banques et le débat en cours sur comment réguler les banques à la lumière de la crise financière, il devrait être évident que des garde-fous sont nécessaires pour garantir que le président de la Banque centrale européenne demeure indépendant. Cela ne devrait être mélangé en aucune façon à des activités de lobby pour défendre les intérêts des banques privées. Cela ne devrait-il pas inclure l’interdiction de l’adhésion à un club comme le Groupe de Trente ?
Un club exclusif
Trichet et Draghi partagent le club avec les dirigeants de la plus grande des plus grandes banques. Le groupe est présidé par Jacob Frenkel de JP Morgan Chase qui apparait souvent comme la figure publique du groupe. D’autres membres dont E. Gerald Corrigan de Goldman Sachs, Guillermo de la Dehesa Romero du Groupe Santander, David Walker de Morgan Stanley et un nombre substantiel de banquiers centraux du monde entier [2].
Un ami intime de Trichet, Jacques de Larosière, en est aussi membre. Il est peut être plus connu comme le banquier qui a présidé le groupe de haut vol de l’UE en 2008-2009 pour donner son avis sur la réponse à la crise financière et qui peu de temps après a rejoint l’IIF et l’a aidé dans son effort pour faire tomber à l’eau l’accord sur le nouveau règlement bancaire international, Bâle III – sur le point d’être mis en place dans l’Union Européenne [3].
Alors que Trichet était heureux de partager les détails de ses médailles et honneurs reçus au long d’une longue vie, sur le site Internet de la BCE, son adhésion du Groupe de Trente a bizarrement été omise [4].
Un groupe de pression ?
Selon les universitaires qui ont analysé le rôle du Groupe de Trente, celui-ci a toutes les caractéristiques d’un groupe de lobby. Il est décrit comme une « organisation de secteur privé avec une influence considérable sur le résultat de certains débats autour de la régulation au cours des deux dernières décennies » [5].
« C’est un lieu assez unique dans lequel il ya les gens tant du secteur financier privé que public comme membres et qui c’est connu, » a dit le président à Eleni Tsingou de la Copenhague Business School qui a étudié le groupe pendant plusieurs années.
« C’est différent aujourd’hui après la crise financière, mais pendant une grande partie de sa vie, le Groupe de Trente a opéré dans un environnement où personne ne voyait aucun problème à une relation étroite entre les régulateurs et la communauté financière privée quand de nouvelles règles étaient à l’étude. »
Elle a insisté sur le fait que le travail du groupe se scinde en deux parties.
« Le groupe travaille de deux façons différentes. Il y a le travail public avec les rapports et il y a les réunions des membres, où ils peuvent se rencontrer et discuter dans un environnement confidentiel. Donc il a un caractère semblable à un club. » [6]
Contribué au règlement bancaire inefficace
Le groupe lui-même dit l’« influence la structure actuelle et future du système financier mondial en livrant des recommandations directement aux communautés influentes politiquement privées et publiques ». Cette influence considérable semble avoir inclus Bâle II ,le règlement bancaire qui a échoué si lamentablement en 2008. En négociant Bâle II, le Groupe de Trente a soutenu le plus grand groupe de lobby du secteur, l’IIF, pour promouvoir un système de gestion des risques appelée value-at-risk (valeur sous risque) (VaR) [7]. Un système accusé plus tard de nombreuses catastrophes dans la crise financière en 2008.
« Étant donné la catastrophe qui est survenue depuis, il y a eu beaucoup de conversations, même dans les cercles « quant » (analyse quantative) sur le fait que cette dépendance institutionnelle étendue à la VaR était une terrible erreur. Pour finir enfin, les risques que la VaR mesurait n’ont pas intégré le plus grand risque d’entre tous : la possibilité d’une fusion financière », écrivait le New York Times début de 2009 [8].
Indépendance chérie
L’appartenance au groupe n’a pas changé beaucoup au fil des ans et il y a peu de raison de croire que le rôle du groupe diffère quelque peu. Ainsi quand Draghi prend place dans la chaise du président de la Banque centrale européenne, son indépendance devrait être mise en doute.
L’indépendance de la Banque centrale européenne a été un trait particulier de l’institution depuis le début. Comme exposé dans l’article 130 du Traité :
« Ni la BCE, ni les banques centrales nationales, ni n’importe quel membre de leurs instances, ne sont autorisés à chercher ou prendre des instructions d’institutions ou membres de l‘UE de n’importe quel gouvernement d’un Etat membre de l’’UE ou d’autre personne. »
C’est pris très au sérieux quand les Etats membres essaient d’influencer les décisions de la Banque. Mais le fait que personne ne semble avoir demandé si les groupes de lobby privés pourraient avoir une influence indue sur la couche supérieure de la Banque, est déroutant.
Draghi devrait partir
Pendant la discussion sur le choix du nouveau président, l’ancienne fonction de Draghi chez Goldman Sachs a été soulevée et des questions ont été posées sur le fait que cela pourrait représenter un problème. À la stupéfaction sinon l’amusement, les amis de Draghi ont prétendu que son rôle comme le vice-président de Goldman Sachs international était simplement celui d’un conseiller [9]. Draghi a quitté son poste chez Goldman Sachs il y a six ans. Maintenant qu’il est devenu le président de la BCE, le Groupe de Trente peut encore compter sur Draghi et son nom quand ses membres souhaitent influencer la régulation financière. Si ou quand le nom du Groupe de Trente est utilisé pour renforcer la main du lobby financier, le nom de Draghi sera implicitement associé à de tels efforts.
Draghi devrait se retirer du Groupe de Trente comme un signe de volonté d’ouvrir un nouveau chapitre dans l’histoire de la BCE. Celui où le tourniquet entre les banquiers centraux et privés ne tourne pas aussi facilement qu’il le fait aujourd’hui. Il est inacceptable pour le président d’une institution publique a priori indépendante d’être le membre d’un groupe qui a promu les intérêts du secteur financier privé.

Version Originale : Lobby to take presidency of ECB again. Octobre 2011.
Traduit de l’anglais pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo. Paris, le 6 novembre 2011.

Notes

[1] Group of Thirty
[2] Membres du group30
[3] Ranjit Lall ; « Reforming Global Banking Rules : Back to the Future ? » Institut danois pour les Études internationales, Document de travail 2010:16, page 28.
[4] http://www.ecb.int/ecb/orga/decisions/html/cvtrichet.en.html
[5] Eleni Tsingou ; « Transnational policy communities and financial governance : the role of private actors in derivatives regulation », Centre pour l’Étude de la Globalisation et Régionalisation, université de Warwick, Document de travail N° 111/03 de CSGR, le janvier de 2003
[6] Toutes les citations viennent de l’interview avec Eleni Tsingou, de 27 Octobre 2011.
[7] Ranjit Lall ; « Reforming Global Banking Rules : Back to the Future ? », page 23.
[8] The New YorkTimes ; « Risk Mismanagement » 2 Janvier 2009.
[9] « No Goldman smoking gun to hit Draghi’s ECB hopes ». Reuters, 20. Mars de 2011.

http://www.elcorreo.eu.org/?Lobby-pour-prendre-la-presidence-de-la-BCE-de-nouveau&lang=fr

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