Depuis quinze jours, le laboratoire suisse Novartis s’oppose en justice au gouvernement indien qui refuse la brevetabilité d’un de ses « produits » anticancéreux. En jeu : l’accès aux soins des plus démunis.
Depuis quinze jours, une bataille féroce se joue entre l’État indien et le laboratoire pharmaceutique suisse Novartis. L’enjeu est de taille : Novartis réclame la levée d’une clause de la loi indienne qui permet de protéger le marché des médicaments génériques. Or « l’Inde, c’est la pharmacie du monde », explique Jérôme Martin, d’Act Up Paris. Son procès contre Novartis est donc « hautement symbolique » et pourrait menacer, si le laboratoire l’emportait, l’accès aux soins des plus démunis.
L’emballage change, pas le contenu
Concrètement, la loi indienne sur les brevets respecte la loi de propriété intellectuelle votée en 2005. Mais elle a inclu une disposition importante qui précise qu’une nouvelle forme de médicament connu ne peut être brevetée que si elle montre une réelle amélioration thérapeutique par rapport à la molécule existante. L’histoire est connue : les labos n’hésitent pas à commercialiser un énième antidiabétique, qui, s’il ne tue pas, n’apporte rien de plus que le précédent. Souvent, l’emballage change, pas le contenu.
Depuis cinq ans, Novartis tente donc de faire breveter le Glivec, un médicament utilisé dans le traitement contre la leucémie. Le labo défend son caractère innovant, le gouvernement indien le met en doute. Ce sera à la Cour suprême indienne de trancher dans un procès qui devrait durer plusieurs mois et dont les enjeux sont énormes. En effet, si Novartis devait l’emporter, les génériques indiens du Glivec ne pourraient plus être commercialisés. Les quelque 30 000 malades indiens atteints de leucémie devraient alors débourser quelque 2 500 euros par mois pour se payer le Glivec, contre 150 à 200 euros par mois de traitement générique. Une catastrophe dans un pays où il n’existe aucune couverture sociale. Mais surtout une porte ouverte à la brevetabilité de nombreux autres médicaments et la mise en péril de l’industrie indienne des médicaments génériques. Une industrie dont 67 % des exportations sont destinées aux malades du Sud.
Confusion entre génériques et contrefaçon
Ce procès s’inscrit dans un contexte de guerre permanente des firmes pharmaceutiques des pays du Nord contre les « génériqueurs ». Depuis 2008, les accords Acta (Anti Counterfeiting Trade Agreement), sous couvert de lutter contre la contrefaçon, se sont attaqués à Internet et ses logiciels libres, mais aussi au droit à la santé. Dans ces textes, une confusion est entretenue entre médicaments génériques et contrefaçon, « ce qui a entraîné, en 2009, pendant un mois, le blocage à la frontière de l’Europe, de génériques antisida achetés à l’Inde et destinés à des pays africains », relève Jérôme Martin, d’Act Up Paris. Négociés discrètement par les États-Unis, l’Europe, le Japon, le Canada et l’Australie, ces accords contournent ceux de l’OMC sur la propriété intellectuelle, qui permettent à certains États de casser un brevet sur les médicaments si des priorités de santé publique sont démontrées. Une sérieuse épine dans le pied de l’industrie pharmaceutique, qui tente par tous les moyens de contourner l’obstacle.
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