Vous démontrez dans vos essais que la fonction principale des grands médias de la presse, de la radio, de la télévision et de l’Internet est de « convaincre l’ensemble des populations de leur adhésion aux idées des classes dominantes ». Comment parviennent-ils à obtenir ce consensus de la part du grand public ?
Pour cela, les médias utilisent de nombreuses techniques qui dépendent en particulier de chaque cas et du profil social des récepteurs. Mais où ils ont le plus de succès, c’est dans le fait de nous convaincre que le contenu de leurs informations est neutre, objectif et impartial…Le public croit qu’il a devant soit quelque chose d’aseptique. Le secret consiste à réaliser une « intentionnalité informative » de telle sorte que le citoyen ne s’en aperçoive pas. L’époque ou on nous faisait ingurgiter d’interminables discours ou des articles d’opinion séducteurs est passé. Dans d’autres circonstances, les médias présentent en tant qu’opinion de la majorité des citoyens uniquement l’opinion éditoriale du média respectif. De la même façon, le langage est manipulé pour servir les intérêts des classes dominantes. Des mots et des concepts qui ne doivent plus exister dans l’imaginaire collectif, par exemple celui de « classes sociales », disparaissent.
Généralement nous croyons que seules les dictatures censurent les médias. Mais la nouvelle forme de censure emploi des méthodes bien plus subtiles. Quels sont ses principaux mécanismes ?
La censure traditionnelle consistait à interdire que se transmettent les informations ou les opinions qui ne plaisaient pas au pouvoir. Aujourd’hui, au nom de la liberté d’expression, on diffuse des mensonges et des falsifications avec une totale impunité. De cette façon, la vérité termine occultée entre mensonges et trivialités, le résultat est le même qu’avec la censure. D’autres fois, on omet des éléments de contexte ou bien des antécédents indispensables pour comprendre un événement controversé, ce qui censure l’événement dans toute sa complexité.
Le 26 mars, Wikileaks (site Internet d’investigation militante. Note du GS) a dénoncé le plan de la CIA de lancer une campagne en Europe, principalement en France et en Allemagne, ayant comme but d’influencer l’opinion publique en faveur de la guerre d’Afghanistan. (1) Cette information a été passée sous silence par tous les grand média de ces deux pays. Qui filtre l’information ?
Les grands médias de communication sont uniquement les supports des puissants groupes économiques. Les intérêts, les valeurs et les principes de ces groupes vont servir de filtres pour choisir ce qui sera publié ou pas. D’autres lobbys nécessaires, qui ne sont pas forcément des actionnaires vont également influencer. Par exemple : les annonceurs, les entreprises avec lesquelles les médias travaillent, les gouvernements amis, etc. …
Occultant le fait que le gouvernement du Venezuela a pris des mesures pour protéger sa population de la spéculation des entrepreneurs, l’agence d’État Germany Trade & Invest écrivait dans un rapport, fin janvier 2010 : « Le désavantage pour les entrepreneurs est le fait qu’il leur est enlevé le moyen de supra-facturation. » Ces « désavantages » seraient-ils la cause de la guerre médiatique déchaînée par les pays néolibéraux contre le président Hugo Chávez ?
Les gouvernements progressistes d’Amérique Latine sont un défi pour le modèle néolibéral des pays riches. Ils ont démontré qu’ils ont l’appui des masses populaires, qu’ils gagnent à tour de bras les élections, que le peuple défend au-delà des urnes ces gouvernements avec une passion impressionnante, qu’ils ont obtenu des améliorations sociales inimaginables sous les régimes néolibéraux des années 90, que l’état peut (et doit) jouer un rôle important dans l’économie et dans les secteurs stratégiques, que les ressources naturelles doivent être publiques et nationales. Tout cela suppose une perte de terrain pour la progression du néolibéralisme et ne pouvait provoquer qu’une réaction agressive de la part des pouvoirs économique mondiaux. C’est à travers les médias de communications – aujourd’hui les champs de bataille prioritaires - que s’obtient l’adhésion de l’opinion publique, condition sine qua non pour imposer les agressions à venir.
Quels moyens ont les citoyens pour reconnaître les vraies informations des mensonges. Quelles références intellectuelles ont-ils comme choix ?
En journalisme, cela se passe comme en médecine : vous devez avoir confiance dans un média de communication ou bien dans un journaliste de la même manière que vous vous confiez à un chirurgien pour qu’il opère votre cœur. Puisque normalement nous ne pouvons pas aller en Afghanistan pour vérifier ce qui s’y passe, nous devons avoir confiance en celui qui nous rapporte les faits de ce pays. Le premier pas est de savoir qui est le patron du média de communication, quelle entreprise ou quels intérêts se trouvent derrière. Il pourra mériter notre confiance uniquement si nous savons qu’il s’agit d’un projet indépendant des groupes d’entrepreneurs. De même, nous devons détecter les analystes et les journalistes honnêtes et rigoureux, spécialisés dans différents thèmes. Dans mon livre « Désinformation » je fais des propositions en ce sens. D’autre part, nous devons connaître l’éventail des mouvements sociaux pour pouvoir leur demander conseil. Ils connaissent les sources et manient de précieuses informations que les grands médias ne nous offrent pas.
http://www.legrandsoir.info/La-censure-est-le-propre-du-pouvoir.html
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