À procura de textos e pretextos, e dos seus contextos.

23/07/2010

Les Tsiganes, « éternels étrangers de l’intérieur » ? entretien avec Christophe Robert

Reconnaissant les difficultés d’accès aux droits sociaux des Tsiganes en France, la direction générale de l’action sociale a publié un rapport sur le sujet. Entretien avec Christophe Robert, l’un des auteurs, sociologue, directeur des études à la Fondation Abbé-Pierre. Extrait de Actualités sociales hebdomadaires.

Article publié initialement le 17 septembre 2008.

Christophe Robert brosse la situation d’une population dont la spécificité traverse les siècles, mais dont la prise en compte passe d’abord par un accès au droit commun.

Tout en travaillant sur le mal-logement à la Fondation Abbé-Pierre, vous avez soutenu, en 2006, une thèse sur les groupes tsiganes en France [1]. Qu’est-ce qui vous a conduit à vous intéresser plus particulièrement à cette population ?

Au début, le hasard. J’étais lycéen, je voulais me rendre utile, j’ai été orienté vers des familles de Gitans sédentarisés dans la Seine-Saint-Denis qui souhaitaient que leurs enfants bénéficient d’un soutien scolaire. Et de fil en aiguille, je me suis interrogé sur ces groupes qui vivent en France depuis longtemps, au milieu de la population mais sans se fondre en elle, avec des modes de vie et des pratiques culturelles singulières. On sait que les populations qui subissent les discriminations de plein fouet sont majoritairement celles issues des dernières vagues de migration. Or pour eux, qui sont souvent là depuis des siècles, qui sont français et se reconnaissent comme tels, pas de baisse de tension. Tout se passe comme s’ils restaient d’éternels étrangers de l’intérieur. Cette spécificité entraîne aussi, de leur côté, une culture particulière, faite de détachement, de résistance, de protection, avec une forte dimension communautaire, du moins dans certains groupes. Leur différence est moins liée à leur origine ethnique qu’à l’hostilité qu’ils ont rencontrée de tout temps et aux mécanismes de défense développés en retour.

Vous insistez sur la violence qu’ils subissent...

Une violence terrible, permanente, insidieuse, qui s’exerce au travers des contrôles administratifs, parfois des brutalités policières, mais aussi à l’école, dans les magasins, dans la rue... Tout le temps, partout, ils croisent des regards méfiants, hostiles, affrontent la méchanceté au quotidien. Une famille veut acheter un terrain ou un logement ? C’est le soupçon a priori sur l’origine de l’argent. Le notaire repère le patronyme courant chez les Tsiganes. Les banques refusent le prêt. Quand les professionnels sont plus compréhensifs ou font leur travail normalement, que le dossier d’acquisition d’un terrain est bouclé, ce sont les voisins qui font pression pour le faire capoter. Pour bloquer des projets, les particuliers comme les élus sont capables de mobiliser beaucoup, beaucoup de moyens, à toutes les étapes... Ce phénomène est complètement intégré dans les groupes tsiganes, y compris par les enfants qui, très jeunes, développent des stratégies de défense.

La législation elle-même est porteuse de discriminations à propos de ceux qu’elle désigne comme des « gens du voyage »...

Leur statut relève en grande partie de la loi du 3 janvier 1969 « relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe ». A l’époque, ce texte marquait un net progrès par rapport à la loi carrément discriminante de 1912, qui, elle, fichait les nomades avec des carnets anthropométriques. Mais elle reste une législation d’exception. Ainsi, elle a créé des titres de circulation obligatoires, dont l’un, le carnet de circulation attribué aux personnes qui ne justifient pas de ressources régulières, doit être visé tous les trois mois par la gendarmerie ou la police ! La France est le seul pays occidental qui impose de tels documents aux itinérants. En outre, leur carte d’identité mentionne souvent, à la rubrique « adresse », soit SDF (pour sans domicile fixe) soit « commune de rattachement », une étiquette qui ne facilite pas leurs démarches... Paradoxalement, ces « SDF » doivent parfois jongler avec trois adresses différentes : celle de leur commune de rattachement administratif (obligatoire), celle de leur domiciliation (pour faire valoir leurs droits sociaux), enfin leur adresse postale. Autant d’occasions d’interprétations hasardeuses de la part des services auxquels il s’adressent, d’erreurs, de délais et de déplacements indus… Les problèmes sont nombreux avec les CCAS (centres communaux d’action sociale). Malgré une circulaire du 15 mars 2002, certains refusent d’accueillir ces voyageurs sous prétexte qu’ils ne résident pas habituellement dans la commune, même s’ils lui sont rattachés administrativement, tandis que le CCAS de la ville où ils résident le plus souvent refuse de les domicilier et les renvoie vers la commune de rattachement. Des difficultés se produisent aussi avec certains services départementaux (à propos du revenu minimum d’insertion ou de l’allocation aux adultes handicapés par exemple) ou encore avec l’ANPE et les Assedic.

Rien ne justifie les barrières mises à l’accès aux droits sociaux de citoyens français souvent en butte à la précarité.

Il semble également que l’exercice du droit de vote ne leur soit pas facilité ?

L’une des exceptions du statut des « gens du voyage » les moins justifiables leur impose un délai de trois ans de rattachement ininterrompu à la même commune avant qu’ils puissent s’inscrire sur les listes électorales, alors que, pour les autres citoyens, ce délai est de six mois, y compris pour les bateliers et, depuis 1998, pour les sans-abri. L’an dernier, le ministère de l’Intérieur a encore exprimé sa « réserve » sur la proposition, formulée par un groupe de travail de la DGAS, de supprimer cette disposition discriminatoire [2]. Mais lors de la dernière campagne électorale, plusieurs candidats ont promis de modifier le code électoral sur ce point et, plus récemment, la ministre du Logement, Christine Boutin, est allée en ce sens. Rien ne s’oppose à ce que cette correction intervienne rapidement.

L’un des problèmes récurrents est la non-application par les communes de la loi Besson sur la création d’aires de stationnement...

Le non-respect de cette loi par les maires est scandaleux. 17 ans après son adoption, moins de 25 % des 40 000 places dont la création a été jugée nécessaire par les schémas départementaux sont installés ! Ce texte prévoyait aussi que le préfet pouvait se substituer aux communes défaillantes. Or cette mesure coercitive n’a jamais été appliquée. Il est clair qu’il faut créer ces aires de stationnement [3]. Elles permettront de détendre des situations explosives sur certains territoires, notamment là où l’urbanisation croissante laisse de moins en moins d’interstices.

Mais en même temps, on sait pertinemment, notamment dans les directions départementales de l’équipement, que ces aires ne répondent qu’à une petite partie du problème, au besoin très spécifique de certaines familles de s’arrêter une nuit, deux nuits, un mois... De toute façon, on ne les autorise qu’exceptionnellement à stationner plus longtemps au même endroit, le temps d’une année scolaire par exemple. De plus, ces terrains offrent rarement des conditions d’accueil correctes, d’entretien régulier, de ramassage des ordures ménagères, de transport scolaire... Trop d’entre eux font figure d’espaces de relégation, de contrôle, de surpeuplement, de cohabitation forcée et de stigmatisation. D’ailleurs, quand on relit les débats parlementaires qui ont entouré les différentes étapes de la législation sur ces aires de stationnement, on voit bien qu’il s’agit de mieux maîtriser les populations en les enfermant dans un espace dédié, pour pouvoir leur dire que leur place n’est pas ailleurs. Le récent amendement Hérisson [4] est bien de cette veine : il faut créer des aires pour mieux pouvoir expulser de toutes les autres parties du territoire...

Certaines caravanes sont désormais installées à demeure sur des « terrains familiaux » et il semble que la demande s’accroisse ?

De fait, beaucoup de familles se déplacent toujours dans un même secteur, ce que le géographe Jean-Baptiste Humeau a appelé leur « polygone de vie », à l’échelle d’un département par exemple. Et la très grande majorité d’entre elles aspirent à un lieu d’ancrage, un espace privatif, sûr, pour que les enfants puissent aller à l’école, pour faire soigner une personne âgée, pour exercer durablement une activité...

Cela fait 20 ans que des rapports le soulignent. Mais rien n’est fait, souvent bien au contraire, pour faciliter cette fixation dans de bonnes conditions. Certains acheteurs d’un terrain ont bien du mal à obtenir l’autorisation de le raccorder à l’eau et à l’électricité ou d’y installer une petite construction en dur ou un chalet. Il faut travailler sur la sécurisation de l’habitat permanent tout en maintenant la possibilité d’un habitat mobile. Car l’habitat caravane n’implique pas nécessairement une mobilité effective. Inversement, l’existence d’un point de fixation ne signifie pas forcément le renoncement à toute itinérance. Il peut y avoir simultanément ancrage et mobilité, c’est cela qu’il faut bien comprendre.

Ce qui suppose également la reconnaissance de l’habitat caravane ?

C’est un gros enjeu pour les années à venir. La non-reconnaissance de l’habitat caravane prive ses occupants des avantages liés au logement. Il en va ainsi pour les aides au logement, souvent pour l’accès au fonds de solidarité logement, ou tout simplement au crédit immobilier, dont les taux sont nettement moins élevés que ceux des crédits à la consommation. Des assureurs se dérobent également, et il s’agit alors d’une pure discrimination.

L’habitat caravane coûte cher, à l’achat, en fluides, en coûts d’emplacement. Le fait de refuser les aides de droit commun aux familles en difficulté les enfonce encore plus.

Il existe, certes, quelques obstacles juridiques, mais ils ne sont pas insurmontables. J’en veux pour preuve qu’un tiers des caisses d’allocations familiales consent, sur les fonds d’action sociale, des prêts à taux zéro pour l’achat de caravanes [5]. On peut comprendre que les pouvoirs publics ne veuillent pas accompagner le développement de l’habitat indigne ou renoncer à des normes minimales, de surface par personne par exemple.

Mais il est possible de faire la différence entre un mode de vie choisi et durable, et un habitat subi faute de mieux par certaines personnes qui s’installent à demeure dans les campings par exemple. Dans ce dernier cas aussi, les intéressés doivent être aidés, et d’abord par un accès au logement...

L’obstacle à la reconnaissance de la caravane comme logement est essentiellement financier, me semble-t-il, les pouvoirs publics essayant de faire des économies sur les prestations. Mais quand on accorde 14 milliards à ce chapitre, est-on à quelques millions près pour des dépenses justifiées ? Et surtout, peut-on exclure de ces aides tout un pan de la population sous prétexte d’un habitat différent ? Si l’on empêche certaines familles de voyager, on risque de les priver de leur gagne-pain et de les cantonner dans le quart monde. Il faut faire la différence entre la sédentarisation subie, qui est souvent source d’exclusion accrue, et la sédentarisation choisie, qui ne pose aucun problème et qui, encore une fois, ne signifie pas forcément renoncement à la mobilité. La plupart des familles qui font ce choix n’ont pas envie pour autant de se caler sur le mode de vie du Français moyen.

L’arrêt de l’itinérance n’est-il pas pour elles synonyme de perte d’identité ?

A condition qu’il soit voulu et non subi, je ne le pense pas. Les Gitans d’Espagne ou de Perpignan, sédentarisés depuis longtemps, sont toujours des Gitans, à leurs yeux et à ceux des autres. A l’étude, la cohérence de l’ensemble tsigane me semble tenir à d’autres facteurs (voir encadré "UNE SOLIDARITÉ À L’ÉCHELLE DE LA FAMILLE ÉLARGIE"). L’itinérance est un héritage historique important mais pas un principe constitutif de la société tsigane, laquelle ne saurait se dissoudre seulement avec la sédentarisation.

UNE SOLIDARITÉ À L’ÉCHELLE DE LA FAMILLE ÉLARGIE
Selon Christophe Robert, la cohérence et la spécificité des groupes tsiganes tiennent à trois facteurs :
Une organisation communautaire qui valorise la proximité familiale au quotidien et met en avant la famille élargie comme unité de regroupement, de socialisation des enfants, de transmission des savoirs.
Une organisation productive orientée vers la vente de biens et services destinés aux autres, aux « gadjé », la pluriactivité, la flexibilité, le non-salariat, la maîtrise de l’ensemble du processus de production, le partage des compétences et des contrats à l’échelle de la famille élargie.
Enfin, une opposition entre le « nous » et « les autres », les Tsiganes et les gadjé.
Trois caractéristiques que l’on retrouve chez les itinérants aussi bien que chez nombre de Tsiganes sédentarisés. Pour le sociologue, ces pratiques garantissent l’indépendance du groupe et la sécurisation des individus qui le composent, maintiennent la distance avec la société environnante et dessinent une appartenance commune.

Et la scolarisation, n’est elle pas perçue aussi comme un risque d’intégration au moule général ?

Elle est plus souvent vécue comme un risque de subir des discriminations, des moqueries, des brimades, en classe ou dans la cour de récréation. Car l’école n’est pas toujours très accueillante...

Mais les groupes tsiganes sont peut-être dans une période de transition à cet égard. La nécessité de savoir lire et écrire a toujours été liée à la débrouille, on allait à l’école pour s’approprier le minimum indispensable. La nécessité de maîtriser les savoirs de base allant en grandissant dans nos sociétés, les souhaits des familles évoluent. Cela ne veut pas dire pour autant qu’elles accordent à la dimension scolaire la même valeur que le reste de la société, car les pratiques professionnelles et les solidarités restent pour l’essentiel intracommunautaires. En revanche, la volonté de ne pas se fondre dans le moule se manifeste sur des questions comme le mariage ou les premières relations sexuelles, notamment pour les jeunes filles.

L’évolution du contexte économique ne met-elle pas en péril le mode de vie des Tsiganes ?

Comme beaucoup d’autres, ils sont touchés de plein fouet par la réglementation croissante, la mécanisation, la raréfaction des « petits boulots ». Les activités traditionnelles comme le rempaillage se réduisent comme peau de chagrin. Cependant, j’ai vu bien des familles rebondir et se reconvertir dans l’élagage, le ravalement de façades, la réfection de véhicules... Les associations essaient d’accompagner la déclaration de ces nouvelles activités en encourageant l’inscription au registre du commerce. Mais c’est compliqué et cela fait parfois perdre des droits à la CMU, à l’aide sociale... C’est tout le problème auquel tente de répondre le revenu de solidarité active.

L’idée, répandue, que nombre de ces familles émargent au RMI est-elle vraie ou fausse ?

Nul ne peut le dire, puisque les populations tsiganes ne sont pas identifiées, notamment celles qui ne voyagent plus. Il y a un effet de zoom : les associations et les travailleurs sociaux connaissent principalement les familles en difficulté.

Mais il y en a beaucoup d’autres qui s’en sortent, la plupart de façon modeste, d’autres bien et même très bien. J’ai rencontré nombre de familles où l’on se lève tôt le matin, où l’on travaille beaucoup, même le dimanche. Par ailleurs, il existe aussi des réseaux de banditisme. C’est un phénomène minoritaire, mais qui fait beaucoup de bruit et entraîne bien des amalgames. La police dispose même d’une cellule spéciale de lutte contre la délinquance itinérante. Mais là encore, il faut se méfier de l’effet de zoom. Aucune étude ne permet de mesurer le phénomène de façon fiable.

En matière d’aide sociale, les « gens du voyage » sont souvent renvoyés vers des associations spécialisées, y compris pour l’instruction du RMI. Est-ce un bien ou un mal ?

Avantage : ils sont sans doute mieux accueillis, et mieux pris en compte avec leurs spécificités. Inconvénient : cela les éloigne du droit commun. La question est compliquée, délicate, et la réponse n’est pas en noir ou blanc. Certaines associations sont financées au prorata des dossiers de RMI instruits, au risque de ne plus renvoyer les bénéficiaires vers le droit commun, ce qui est pourtant l’une de leurs raisons d’être au départ. D’autres se refusent à instruire le RMI. Mais dans tous les départements, des associations le font. La question ne vaut pas que pour l’aide sociale.

J’ai vu des enfants qui ont pu être scolarisés grâce à des écoles mobiles et qui ne l’auraient pas été autrement. Pour d’autres, le passage par l’école mobile ne se justifie pas du tout, ils doivent aller directement à l’école du quartier. L’école mobile, utile, nécessaire, ne doit pas être considérée comme un but en soi, mais comme une passerelle, un sas. Le projet pédagogique doit être la sortie le plus tôt possible, au cas par cas.

En va-t-il de même pour le RMI ? Il me semble que l’on pourrait éviter le côté systématique : « Pour vous, c’est là-bas ! » Cela ne facilite pas le travail des associations, ainsi transformées en organismes parapublics pour une part de leurs activités, alors qu’elles souhaitent intervenir dans bien d’autres domaines. La plupart des démarches pourraient relever du droit commun, cela devrait être la priorité, quitte à faire appel à des travailleurs sociaux spécialisés, expérimentés, quand il est besoin d’une intervention spécifique. La réponse ne doit pas être rigide, générale, elle est dans le traitement individuel.

Les relations entre Tsiganes et travailleurs sociaux sont parfois conflictuelles...

Dans les associations spécialisées comme dans les secteurs d’action sociale d’ailleurs. Les Tsiganes sont réticents devant l’ingérence des travailleurs sociaux, leur logique individuelle, quand il est question d’établir un parcours d’insertion par exemple. Il est clair qu’un travailleur social qui a en tête un schéma classique de ce que doit être le travail, sa nature, ses horaires, ne peut pas entrer en communication pertinente avec un type qui travaille beaucoup, mais pas comme le travailleur social le souhaite.

Cette question interroge très fortement le travail social, sa capacité à être à l’écoute de la diversité culturelle. « S’ils ne veulent pas faire l’effort de s’intégrer, nous on ne peut rien faire ! », entend-on parfois.Qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’il faut faire entrer tout le monde dans ce que les travailleurs sociaux estiment être la norme ? Dans les familles tsiganes, le dynamisme économique prend d’autres formes, communautaires, solidaires. Attention à ce que l’injonction du travail social ne vienne pas contrarier ces dynamiques et, tout en apportant des aides financières, enfoncer davantage les plus fragiles. L’aide sociale peut avoir un effet dévastateur. On l’a vu dans d’autres pays, qui ont voulu fixer de force des populations et n’ont créé que des bidonvilles.

La question dépasse le seul travail social...

Effectivement, elle vaut pour notre modèle politique républicain. Laisse-t-il la place à des pratiques culturelles minoritaires, qui, à mon sens, sont une richesse et ne viennent pas mettre à mal le concept de citoyenneté et d’universalisme républicain ? Dans quelle mesure la société française est-elle disposée à faire coexister des groupes qui témoignent de modes de vie, de logiques communautaires différents, tout en acceptant de leur garantir une égalité de moyens ou de chances pour leur permettre de préserver leur spécificité séculaire ?

Autant de sujets qui devraient être débattus au sein de la Commission nationale consultative des gens du voyage, dont vous êtes membre au titre de personne qualifiée. Mais elle fonctionne mal... [6]

Des choses intéressantes s’y disent. Des propositions importantes ont été formulées par ses membres. Mais l’engagement de son président, le sénateur Pierre Hérisson, n’est pas à la hauteur des enjeux. L’absence de rapports faisant la synthèse des recommandations en est une illustration. Sans doute s’est-il aussi en partie disqualifié en se battant plus pour le droit des maires à expulser les voyageurs que pour faire respecter les droits de ces derniers.

La ministre du Logement, Christine Boutin, a annoncé, le 16 octobre dernier, sa volonté de mieux garantir l’accès aux droits sur de nombreux points que nous venons d’évoquer [7]. Espérons... Il est sûr que la commission aurait un rôle important à jouer pour évaluer les situations, proposer des réformes, voire piloter des actions au plan interministériel. Il faudrait pour cela qu’elle soit dotée d’un secrétariat renforcé et que ses missions soient élargies, bref que les pouvoirs publics témoignent d’une forte volonté politique d’améliorer la situation.

TSIGANES, ROMS, GENS DU VOYAGE
Il en va pour les Tsiganes comme pour les autres minorités : il s’agit d’une population que la France se refuse à distinguer juridiquement et à recenser comme telle, car la Constitution établit le peuple français « un et indivisible ». Les chiffres cités à son égard, officiels ou officieux, varient entre 250 000 et 500 000 personnes.
Eux-mêmes se répartissent en groupes qui revendiquent des langues, des traditions et des religions différentes et qui s’autodésignent comme Gitans, Manouches, Sintis, Roms, Yéniches ou simplement voyageurs. Les linguistes ont démontré leur origine commune : ils sont partis du nordouest de l’Inde, par vagues de migrations successives, entre le IXe et le XIVe siècle. Leur présence est attestée pour la première fois dans l’Hexagone en 1419.
Malgré leur diversité et l’ancienneté de leur présence au milieu des autres populations, le fait est que ces groupes sont appréhendés comme un ensemble cohérent et en marge de la société. En France, les chercheurs préfèrent les désigner comme Tsiganes, appellation perçue comme non péjorative [8].
Le terme officiel de « gens du voyage », apparu pour la première fois dans une circulaire de 1972 (et dans une loi en 1990), est une périphrase administrative qui a remplacé le mot « nomade », jugé trop stigmatisant. Mais cette appellation politiquement correcte – qui concernait 156 000 personnes de plus de 16 ans en 2002 – est jugée inexacte par les spécialistes, car si la plupart des voyageurs sont des Tsiganes, tous ne le sont pas, tandis que nombre de Tsiganes ne voyagent plus, ou guère. On parle alors de « gens du voyage sédentarisés », preuve que l’itinérance n’est pas leur caractéristique principale. Il faut aussi noter que cette locution n’est grammaticalement pas très pratique : elle ne peut s’utiliser que globalement. On ne dit pas un gens du voyage, ni même deux ou trois...

Propos recueillis par Marie-Jo Maerel. Extrait de Actualités Sociales Hebdomadaires n°2535 du 14 décembre 2007.

Pour en savoir plus : L’accès aux droits sociaux des populations tsiganes en France - Rapport d’étude de la direction générale de l’action sociale, sous la direction de Jean-Pierre Liégeois, avec Claire Cossée, Jean-Pierre Dacheux, Morgan Garo, Gaëlla Loiseau, Virginie Repaire et Christophe Robert - remis en 2004, mis à jour en 2006, il a été publié en juin 2007 aux éditions ENSP - 24 .



[1] Eternels étrangers de l’intérieur - Editions Desclée de Brouwer - Novembre 2007 - 29 .

[2] Voir ASH n° 2470 du 22-09-06, p. 37.

[3] Sachant que les terrains de camping ordinaires sont interdits aux véhicules à double essieu, ce qui exclut de fait les gens du voyage.

[4] Déposé, qui plus est, dans le cadre d’une loi relative à la prévention de la délinquance - Voir ASH n° 2469 du 15-09-06, p. 25 et n° 2506 du 4-05-07, p. 29.

[5] « Les difficultés d’habitat et de logement des gens du voyage » - Les cahiers du mal-logement de la Fondation Abbé-Pierre - Janvier 2006.

[6] VoirASH n° 2470 du 22-09-06, p. 37.

[7] VoirASH n° 2537 du 19-10-07, p. 9.

[8] Ce qui n’est pas le cas en Allemagne par exemple. Les rapports européens parlent plutôt des Roms (ou Rroms [hommes], selon leur désignation en langue romani), pour une population estimée entre 8 et 12 millions de personnes.

http://www.inegalites.fr/spip.php?article889&id_mot=25

Israel's Fingerprints Surface: The Hariri Assassination

Rannie Amiri

In the Middle East, the link between political machinations, espionage and assassination is either clear as day, or clear as mud.

As for the yet unsolved case of the February 2005 murder of Lebanese Prime Minister Rafiq Hariri, mud might be giving way to daylight.

A crackdown on Israeli spy rings operating in Lebanon has resulted in more than 70 arrests over the past 18 months. Included among them are four high-ranking Lebanese Army and General Security officers—one having spied for the Mossad since 1984.

A significant breakthrough in the ongoing investigation occurred in late June and culminated in the arrest of Charbel Qazzi, head of transmission and broadcasting at Alfa, one of Lebanon’s two state-owned mobile service providers.

According to the Lebanese daily As-Safir, Qazzi confessed to installing computer programs and planting electronic chips in Alfa transmitters. These could then be used by Israeli intelligence to monitor communications, locate and target individuals for assassination, and potentially deploy viruses capable of erasing recorded information in the contact lines. Qazzi’s collaboration with Israel reportedly dates back 14 years.

On July 12, a second arrest at Alfa was made. Tarek al-Raba’a, an engineer and partner of Qazzi, was apprehended on charges of spying for Israel and compromising national security. A few days later, a third Alfa employee was similarly detained.

Israel has refused to comment on the arrests. Nevertheless, their apparent ability to have penetrated Lebanon’s military and telecommunication sectors has rattled the country and urgently raised security concerns.

What does any of this have to do with the Hariri assassination?

Outside the obvious deleterious ramifications of high-ranking Lebanese military officers working for Israel, the very legitimacy of the Special Tribunal for Lebanon (STL) is now in question. The STL is the U.N.-sanctioned body tasked with prosecuting those responsible for the assassination of the late prime minister. On Feb. 14, 2005, 1,000 kg of explosives detonated near Hariri’s passing motorcade, killing him and 21 others.

It is believed the STL will issue indictments in the matter as early as September—relying heavily on phone recordings and mobile transmissions to do so.

According to the AFP, “A preliminary report by the U.N. investigating team said it had collected data from mobile phone calls made the day of Hariri's murder as evidence.”

The National likewise reported, “The international inquiry, which could present indictments or findings as soon as September, according to unverified media reports, used extensive phone records to draw conclusions into a conspiracy to kill Hariri, widely blamed on Syria and its Lebanese allies ...”

In a July 16 televised speech, Hezbollah Secretary-General Sayyid Hassan Nasrallah speculated the STL would use information gleaned from Israeli-compromised communications to falsely implicate the group in the prime minister’s murder:

“Some are counting in their analysis of the (STL) indictment on witnesses, some of whom turned out to be fake, and on the telecommunications networks which were infiltrated by spies who can change and manipulate data.

“Before the (2006) war, these spies gave important information to the Israeli enemy and based on this information, Israel bombed buildings, homes, factories and institutions. Many martyrs died and many others were wounded. These spies are partners in the killings, the crimes, the threats and the displacement.”

Nasrallah called the STL’s manipulation an “Israeli project” meant to “create an uproar in Lebanon.”

Indeed, in May 2008 Lebanon experienced a taste of this. At the height of an 18-month stalemate over the formation of a national unity government under then Prime Minister Fouad Siniora, his cabinet’s decision to unilaterally declare Hezbollah’s fixed-line communication system illegal pushed the country to the brink of civil war.

Recognizing the value their secure lines of communication had in combating the July 2006 Israeli invasion and suspecting that state-owned telecoms might be compromised, Hezbollah resisted Siniora’s plans to have its network dismantled. Their men swept through West Beirut and put a quick end to the government’s plan. Two years later, their suspicions appear to have been vindicated.

Opposition MP and Free Patriotic Movement head Michel Aoun has already warned Nasrallah that the STL will likely indict “uncontrolled” Hezbollah members to be followed by “… Lebanese-Lebanese and Lebanese-Palestinian tension, and by an Israeli war on Lebanon.”

Giving credence to Nasrallah and Aoun’s assertions, Commander in Chief of the Israel Defense Forces Gabi Ashkenazi, predicted “with lots of wishes” that the situation in Lebanon would deteriorate in September after the STL indicts Hezbollah for Hariri’s assassination.

Ashkenazi’s gleeful, prescient testimony to the Knesset’s Foreign Affairs Committee betrays what Israel hopes the fallout from the STL’s report will be: fomentation of civil strife and discord among Lebanon’s sectarian groups, generally divided into pro- and anti-Syria factions. Ashkenazi anticipates this to happen, of course, because he knows Israel’s unfettered access to critical phone records will have framed Hezbollah for the crime.

Israel’s agents and operatives in Lebanon and its infiltration of a telecom network have been exposed. At the very least, the STL must recognize that evidence of alleged Hezbollah involvement in Hariri’s death (a group that historically enjoyed good ties with the late premier) is wholly tainted and likely doctored.

The arrest of Qazzi and al-Raba’a in the breakup of Israeli spy rings should prompt the STL to shift its focus to the only regional player that has benefited from Hariri’s murder; one that will continue to do so if and when their designs to implicate Hezbollah are realized.

It is time to look at Tel Aviv.

http://www.counterpunch.org/amiri07232010.html

Les fonctionnaires source de tous nos maux ?

C’est du moins ce que l’on pourrait croire à entendre les déclarations des hommes politiques au pouvoir aujourd’hui.

Pas une semaine sans que l’on nous parle de la Révision Générale des politiques Publiques (R.G.P.P.) qui sert d’argument à la réduction des effectifs de la Fonction Publique d’Etat et qui se traduit par le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite.

Plus récemment, le Président de la République s’est attaqué aux effectifs de la Fonction Publique Territoriale en disant « qu’il n’y avait aucune raison que l’Etat s’impose une gestion rigoureuse et que les collectivités continuent une politique d’augmentation du nombre de fonctionnaires ». Le Secrétaire d’Etat à la Fonction Publique, Georges TRON, évoquait une augmentation de 340 000 emplois territoriaux en disant « Il faut arrêter cette dérive ».

Les trois fonctions publiques (Etat, Territoriale et Hospitalière) représentent aujourd’hui un total de près de 5,5 Millions d’emplois, dont 2,5 pour l’Etat, 1,93 pour les Collectivités locales et 1,04 pour la fonction publique hospitalière.

Entre 1982 et 2003 l’augmentation totale de ces effectifs a été de 24 %, dont 14 % pour l’Etat, 28% pour les Hôpitaux publics et 42 % pour les collectivités locales, traduction respective de l’augmentation de la population, des besoins de santé (notamment du vieillissement de la population) et des compétences transférées.

Quelle est l’origine du dogme « il y a trop de fonctionnaires » ?

S’agissant de l’Etat, on se réfère volontiers à la dérive des dépenses publiques, au déficit budgétaires, et plus récemment à la dette de l’Etat avec le glaive suspendu au dessus de nos têtes du déclassement de la note attribuée à la France par les agences de notation.

S’agissant du déficit budgétaire, on notera que les cadeaux fiscaux accumulés depuis 2007 par le gouvernement Sarkozy (bouclier fiscal, amendement Copé, défiscalisation des heures supplémentaires, baisse de la TVA dans la restauration, etc,...etc...), ont largement contribué à son creusement.

Parallèlement, la dérive des dépenses publiques provient pour une part des allègements de toutes sortes des charges salariales accordées aux entreprises sans discernement (certaines en ont besoin, d’autres, non).

On remarquera sur le dernier point (la notation des Etats) que ce sont désormais des organismes privés qui tiennent entre leurs mains l’avenir de pays souverains, ce qui n’est pas le moindre paradoxe, et que ces Etats, au lieu de se désendetter en période de croissance, ont préféré jouer la démagogie des dépenses publiques supplémentaires.

La résultante de ces constats est qu’il faut aujourd’hui diminuer le nombre de fonctionnaires, c’est du moins, avec le rabotage de certaines niches fiscales, le mode d’action privilégié par le gouvernement, a défaut de mettre en oeuvre une réelle révision des politiques publiques.

On est en droit de se demander si la crise que nous traversons (qui est la crise du libéralisme), n’est pas également un formidable effet d’aubaine pour les gouvernements se réclamant de cette idéologie, pour transférer encore davantage de missions de service public vers le secteur privé.

Gestion publique ou gestion privée ?

La tendance amorcée depuis une quinzaine d’année consiste pour l’Etat, mais aussi pour les collectivités locales et les hôpitaux, à faire de plus en plus appel au privé pour l’organisation et la gestion de services publics, au motif que ce n’est pas de la compétence publique que de gérer un certain nombre de services.

On voit généralement ce que cela donne pour l’usager qui passe au statut de client et qui se fait tondre la laine sur le dos : la privatisation des autoroutes, la gestion de la distribution de l’eau, la fourniture d’énergie, les transports publics, sont quelques exemples parmi d’autres de l’augmentation des prix demandés aux « clients captifs » du fait de l’organisation de monopoles, ou d’ententes entre les entreprises.

Où est le choix dans ces conditions, où sont les performances du secteur privé censées nous coûter moins cher que la gestion des services en régie directe par les administrations ? L’usager n’en voit pas la trace puisque les prix augmentent souvent de manière plus rapide que pour les services gérés par les collectivités publiques et que les bénéfices sont confisqués par les actionnaires qui en vivent bien et ils vous en remercient.

La paupérisation de l’hôpital public profite au système de santé privé, la suppression de postes d’enseignants, de la police de proximité, de travailleurs sociaux ou d’éducateurs participent du délitement du lien social dans les quartiers défavorisés et débouchent sur les évènements que nous connaissons actuellement.

Pour l’instant les collectivités territoriales ne sont pas encore concernées par les réductions massives d’effectifs, mais on y vient doucement, sous l’effet dévastateur de la réduction des dépenses d’intervention de l’Etat à leur profit et de la baisse des ressources fiscales, nouvelles formes de tutelle de l’Etat.

Le catalogue des idées reçues

Pauvres fonctions publiques ! Elles sont affublées de toutes les critiques : Elles coûtent cher à la collectivité, les personnels ne sont pas performants, voire à la limite de la fainéantise, ils sont privilégiés (carrière, primes, promotions, etc, etc,...), et trop nombreux, j’en passe et des meilleures, et lorsqu’on parle de réforme c’est bien évidemment toujours dans le sens de la diminution de ces « privilèges » liés aux statuts, jamais dans celui de l’alignement des salariés du privé qui pourraient légitimement le réclamer.

D’où vient ce sentiment que les fonctionnaires sont des privilégiés ? Cela n’a pas toujours été le cas. Je me souviens que lorsque j’ai débuté ma carrière de fonctionnaire (contractuel Etat) pour la poursuivre sous statut des collectivités locales, on nous prenait pour des imbéciles : à qualification égale dans ma branche professionnelle, les salaires étaient environ 20 % plus élevés. Les crises successives étant passées par là, les salariés du privé ont souffert alors que les fonctionnaires conservaient les avantages de leurs statuts, qu’ils ont donc payé par anticipation pour les plus âgés d’entre eux.

C’est comme à la bourse si j’ose cette comparaison cynique : on est gagnant sur le long terme !

Aujourd’hui on aligne le taux de cotisation retraite des fonctionnaires sur ceux du privé et on supprime le départ en retraite anticipé des fonctionnaires mères de famille, et tout le monde d’applaudir sans se poser la question de l’origine de ce traitement différencié qui trouve sa source dans ce que je développe ci-dessus, à l’époque où la fonction publique était le parent pauvre.

Les fonctionnaires ne sont pas performants : là aussi, ma propre expérience me permet d’affirmer le contraire par rapport aux modes de gestion d’entreprise que j’ai pu constater dans le privé, où l’on était encore à la machine à écrire à boule alors que l’administration s’était informatisée depuis longtemps.

Les fonctionnaires nous coûtent cher : je souhaiterai que les contempteurs de la gestion privée établissement un tableau comparatif des coûts d’un service public géré en régie par une administration locale avec le même géré par le secteur privé (la distribution de l’eau ou les transports publics par exemple...). Il y a fort à parier que le comparatif, compte tenu des marges bénéficiaires à deux chiffres réalisées par les quasi monopoles qui gèrent ces secteurs sera à l’avantage des administrations publiques.

Les fonctionnaires sont trop nombreux

Consacrons un chapitre particulier à cette affirmation pour dire qu’il y a du vrai et du faux.

Trop nombreux, certainement pas dans les quartiers où l’ordre républicain, la citoyenneté et le vivre ensemble en prennent actuellement un sacré coup derrière les oreilles. Nous en sommes arrivés à un point où les restrictions successives de budget des associations ou des crédits affectés à la politique de la ville et les « redéploiements » des effectifs de fonctionnaires ou de leurs missions commencent à se sentir bigrement.

Trop nombreux, certainement pas non plus dans l’hôpital public, où chacun d’entre nous, le jour venu, sera content d’être pris correctement en charge sans avoir à payer pour grossir les bénéfices de praticiens et d’entreprises d’hospitalisation privés.

Trop nombreux, peut-être, au total dans les collectivités locales et leurs établissements publics, compte tenu de leur émiettement, des financements croisés, et surtout du fait que les élus locaux, toutes tendances confondues ont participé à cette inflation de structure, à la mise en place d’administrations ad hoc, parfois redondantes avec la structure voisine, et sans valeur ajoutée.

Sur le sujet du laisser aller, je citerai en particulier un Président centriste de collectivité territoriale aujourd’hui mandarin de l’assemblée nationale qui laissa filer jusqu’à l’absurde une négociation sur les 35 heures, avec création importante d’emplois, pour ne pas compromettre les élections locales suivantes.

Ce sont ces mêmes élus locaux, toutes tendances confondues encore, qui s’évertuent à torpiller le projet de réforme des collectivités locales, trop attachés qu’ils sont à leurs mandats, qu’ils cumulent souvent, pour se soucier de l’efficacité globale du système.

Ajoutons à ce constat sans concession que le management dans le secteur public est souvent inexistant et consiste surtout à appliquer le principe suivant : pas de vagues avec les syndicats !

Une autre orientation consiste à privilégier la méthode au résultat : c’est souvent le fait des cadres dirigeants issus des grandes écoles de la République (ENA, INET, en particulier), férus de nouveaux dispositifs, de nouvelles organisations, dont ils sauront se prévaloir plus tard pour continuer une brillante carrière, lorsqu’ils auront quitté un poste, sans pour autant laisser un souvenir impérissable.

En définitive, la source de nos maux ce n’est certainement pas le nombre de fonctionnaires, nouveaux boucs émissaires, mais leur répartition et leur mode de management.

C’est surtout l’idéologie libérale qui sous tend le discours et qui cherche à justifier la méthode alors même qu’elle ne produira que des effets néfastes pour l’emploi et les usagers et bénéficiaires des services publics.

http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/les-fonctionnaires-source-de-tous-78830

Sebastian Roché « On assiste à une militarisation de la police, qui investit des “zones hostiles” »

Spécialiste des questions de sécurité, le sociologue Sebastian Roché décrypte le bilan Sarkozy en la matière et les dernières évolutions de la stratégie policière.

Quel bilan tirez-vous de l’action de Nicolas Sarkozy sur la sécurité ?

Sebastian Roché. La délinquance, c’est un ensemble de données très hétéroclites. Ce qui a évolué en bien, c’est le nombre de vols qui baisse par rapport à 2002. Il s’agit d’un phénomène européen, qui s’explique principalement par le fait que les voitures sont aujourd’hui mieux protégées, par divers systèmes (anti-intrusion, anti-crochetage de porte, anti-démarrage…). Or, les voitures, c’est 50 % du total des vols. Autre explication : la sécurisation des moyens de paiement, avec le remplacement des chèques par les cartes bancaires. Même si de nouvelles infractions apparaissent, sur Internet par exemple, globalement, les chiffres baissent.

Qu’est-ce qui va moins bien alors ?

Sebastian Roché. Tout le reste, en l’occurrence des faits moins nombreux, mais beaucoup plus graves : violences contre les personnes, « coups et blessures », violences domestiques. Sur ce dernier point, certains disent que ce n’est pas le travail de la police, mais c’est faux. Quand quelqu’un frappe sa femme, c’est un crime. D’autres formes de violence progressent aussi : celles qu’on appelle parfois « gratuites » qui concernent souvent des jeunes désœuvrés ; les violences dites « urbaines », émeutes ou mini-émeutes, avec bien sûr l’exemple de l’automne 2005, ou, plus récemment, le cas de Grenoble. Ce qu’on constate avec cet exemple, c’est que, pour sécuriser un quartier, il faut envoyer 300 policiers, le Raid, le GIPN… Cela montre bien que la politique du Karcher n’a pas fonctionné.

D’autant que cette politique est de plus en plus intermittente…

Sebastian Roché. Oui, on ne « nettoie » pas : on intervient uniquement quand il y a une crise, et on repart. On assiste à une militarisation de la police, qui investit des « zones hostiles », avec une couverture aérienne. L’utilisation de ces hélicoptères avec projecteurs, à Grenoble ou en Seine-Saint-Denis, s’inspire de ce qui se fait aux États-Unis. C’est l’idée d’une police à distance : faute d’entrer dans des quartiers considérés comme des poches de résistance, on les encercle et on les surveille d’en haut. C’est le contraire de la proximité, d’une police qui va au contact de la population. Laquelle vit souvent ces descentes comme des occupations temporaires.

Quel bilan faites-vous de la fin de la police de proximité ?

Sebastian Roché. Rappelons que cette suppression avait d’abord des motifs politiques. Il fallait faire passer le message selon lequel l’échec de la lutte contre la délinquance était lié à cette police de proximité. Le problème, c’est qu’après, il n’y avait pas d’alternative proposée. Ou alors le retour à une police classique, d’intervention, d’ordre, selon les mots de Brice Hortefeux.

Quid des unités territoriales de quartier (Uteq), beaucoup moins nombreuses qu’annoncées ?

Sebastian Roché. C’est une réponse amoindrie, atrophiée, à un besoin réel, exprimé par des maires de gauche et de droite. Comme Nicolas Sarkozy ne peut pas ignorer complètement ce besoin, il a mis en place ces Uteq. Cela permet de dire qu’on fait de la police de terrain, c’est une sorte de parapluie. Mais en réalité, cela ne pèse rien.

Les effectifs policiers, eux, continuent de fondre…

Sebastian Roché. Ils avaient atteint un maximum historique après l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir. Qui avait aussi promis des salaires plus élevés. La police a été gâtée. Mais à un moment donné, il faut payer la note. Surtout en période de crise. D’après moi, les effectifs policiers sont suffisants. Ce qu’il faut, c’est mieux définir les objectifs de la police, et réorganiser certains services. Ce qui est plus difficile.

Ce thème sécuritaire est-il toujours aussi porteur pour Nicolas Sarkozy ? Peut-il se retourner contre lui ?

Sebastian Roché. Je ne crois pas. C’est un thème dont il a besoin pour continuer d’aspirer l’électorat du Front national. Et puis la gauche n’offre pas vraiment d’alternative sur le sujet. Il n’existe pas, par exemple, de livre blanc de l’opposition sur ce thème. Du coup, même si le bilan de Sarkozy sur la sécurité a bien des failles, il n’y a pas en face une agrégation des mécontentements ni de propositions claires. Et puis, sur l’économie, les temps sont durs : la crise est toujours là, le chômage ne baisse pas. La sécurité peut encore être un thème porteur pour le chef de l’État.

Directeur de recherches au CNRS, enseignant à Science-Po Grenoble, Sebastian Roché est l’auteur de Police de proximité (Seuil, 2004).

Entretien réalisé par Alexandre Fache

http://www.humanite.fr/21_07_2010-sebastian-roch%C3%A9-%C2%AB-assiste-%C3%A0-une-militarisation-de-la-police-qui-investit-des-%E2%80%9Czones-hosti

L'indépassable stigmatisation des banlieues

Depuis les émeutes de 2005, les médias, notamment télévisés, ne parviennent pas à traiter le sujet des quartiers défavorisés sans éviter les clichés de la violence, de la drogue et de la délinquance. Éternel fait divers, la banlieue garde cette image négative, à travers des reportages dans les profondeurs du "9.3".

"Guérilla urbaine", "Explosion de violence", les banlieues devenues des "zones de non-droit". Une population "sous le choc", "traumatisée", des habitants "excédés". Cinq ans après les émeutes de 2005 qui avaient commencé à Clichy-sous-Bois, les mêmes scènes, transposées à Grenoble, circulent toujours sur les écrans de télé. La banlieue stigmatisée par les médias, la critique est presque devenue un lieu commun. En particulier à la télévision ou dans les journaux "populaires" (Le Parisien, France soir, Paris-Match), qui se cantonnent à un traitement faits divers, sans aborder le fait social. Au lendemain des événements de Grenoble, Le Parisien fait naturellement sa Une sur "l’Isère au cœur des faits divers" avec une double page titrée "Flambée de violence dans la région de Grenoble". TF1, France 2 ou les chaînes d’information en continu diffusent des reportages, au goût de déjà-vu, exclusivement factuels. Les JT expliquent le dispositif policier mis en place, l’arrivée de Brice Hortefeux ou encore le sentiment des habitants, "sous le choc de la violence de ces derniers jours".

Mais depuis quelques temps, le monde journalistique semble aussi se rendre compte que la banlieue n’est pas seulement habitée par des jeunes délinquants qui brûlent des voitures. S’agit-il d’une réelle évolution sur la manière d’aborder le "problème" des banlieues ? La sociologue Julie Sedel, auteure des Médias et la banlieue, en 2009, estime que l’on n’a pas encore assez de recul pour l’évaluer de façon définitive mais elle remarque la capacité de certains médias à intégrer la critique : "On en arrive à un traitement qui se veut plus « compréhensif » des quartiers, plus sociologique".

Stratégie de communication ? "Cela semble plutôt s’inscrire dans une volonté des rédactions de tirer leur épingle du jeu sur un terrain devenu incontournable, explique Julie Sedel. La compétition entre les médias et les journalistes sur le traitement des banlieues s’est déplacée". Par rapport aux années 2000, où le "journalisme de banlieue" était considéré comme un sujet embarrassant, les rédactions communiquent et veulent montrer qu’elles font du bon travail, sur un sujet qui fait désormais figure de marronnier. "La définition du « bon travail », se résumant souvent à proposer un traitement « équilibré » (le négatif et le positif NDLR) de ces territoires", explique-t-elle. Une option confirmée par Antoine Guélaud, directeur de la rédaction de TF1. Même si "la réflexion éditoriale sur les banlieues existe en permanence à TF1" et que selon lui il n’y a pas eu de changement radical depuis 2005, la rédaction souhaite "appréhender l’aspect positif, les initiatives dans les banlieues" pour éviter l’accusation de sensationnalisme. Au service société qu’il dirigeait entre 1998 et 2008, il a été décidé de confier à un ou deux journalistes la spécialité des quartiers dits "difficiles".

"Venir à Saint-Denis, c'est un peu l'aventure."

Pourtant, cette année encore, on a pu voir une kyrielle de reportages et d'"enquêtes inédites" sur le trio banlieue-drogue-violence. A travers notamment un traitement magazine des banlieues, où le journalisme "de terrain" et le temps passé "en immersion" avec les différents acteurs des quartiers sont mis en avant. L’essai est souvent maladroit. "Mon voisin est un dealer", reportage diffusé dans le cadre de l’émission "Haute Définition" sur TF1, revendique une vision neuve, "impossible à filmer avec une caméra". La journaliste est fière d’avoir pu établir les contacts nécessaires à une vision "interne" de la "réalité" des banlieues. Le présentateur explique que l’équipe a passé trois mois sur place. Mais le reportage nous livre une version toujours caricaturale de jeunes qui traînent dans les halls d’immeubles. L’émission a d’ailleurs été vivement critiquée par des associations de quartier. "L’Académie des banlieues" a décerné un "prix de la manipulation" à ce reportage qualifié de "mensonger". L’expérience d’Harry Roselmack en banlieue ("Derrière les murs de la cité") semblait plus prometteuse (voir la vidéo). Installé dans un appartement à Villiers-le-Bel (dans lequel finalement il n’a pas résidé), il nous livrait quelques portraits sans tomber dans le sentimentalisme, privilégiant les entretiens avec les citoyens plutôt qu’avec les autorités. Mais le reportage semble milimétré, mis en scène, tandis qu'Harry Roselmack n'aurait finalement pas résidé dans l'immeuble en question.

M6 n’est pas en reste : "Ici tout le monde deale", assure un habitant de Sarcelles en septembre 2008 (vidéo). De même, "Les nouveaux rois du 93" dans l’émission "Enquête exclusive", diffusée le 28 mars 2010 : "Venir à St-Denis, c’est un peu l'aventure". On veut y présenter "le Saint-Denis qui gagne" mais on met en avant les problèmes de la cité. Insalubrité, chômage et drogue, "Ici, ce sont toujours les petits caïds qui font la loi". Quand la nuit tombe, seuls traînent les dealers et les crackers, ils prennent possession des rues et des immeubles." (voir la vidéo en quatre parties)

Et pourtant, faut-il le rappeler ? Les banlieues ne sont pas que des coupe-gorges, mais aussi des lieux de melting-pot culturel où se tissent des liens de solidarité. L’émission "Teum Teum" sur France 5 invite une personnalité à visiter une ville de banlieue. On tombe parfois dans le travers inverse avec une vision un peu "bisounours" mais elle a le mérite d'exister (vidéo :Geneviève de Fontenay à Veaux-en-Velin). C’est aussi ce qu’essaient de montrer des associations et médias de quartier qui œuvrent à la reconnaissance des quartiers : le Bondy Blog, créé à la suite des émeutes de 2005, l’agence de presse Ressources urbaines ou l’association Presse et Cité. Leur présence et leur militantisme montrent tout de même qu’il y a encore du chemin à faire avant une vision juste des quartiers populaires. "Il ne s’agit pas non plus d’être angélique, concède Antoine Guélaud de TF1, on veut montrer une photographie de la « réalité » dans sa complexité, avec ce qui va et ce qui ne va pas." Attiser la peur des téléspectateurs reste encore ce qu’il y a de plus vendeur à la télévision.

Sarah Masson

http://www.humanite.fr/22_07_2010-lind%C3%A9passable-stigmatisation-des-banlieues-450229

Tony Gatlif : « Les Tsiganes ne sont pas un problème »

Après les déclarations de Nicolas Sarkozy sur les « problèmes » que poseraient « les gens du voyage et les Roms », le cinéaste Tony Gatlif dénonce de dangereux amalgames. Entretien.

Auteur du film "Liberté" sur la persécution du peuple tsigane par les nazis lors de la Seconde Guerre mondiale, Tony Gatlif est effondré et en colère. Il dénonce les propos stigmatisants du président de la République et rappelle les discriminations dont sont toujours et encore victimes les Roms et les Manouches en France.

Comment avez-vous réagi aux propos de Nicolas Sarkozy ?

Tony Gatlif. Ce n’est pas de répression dont la communauté tsigane a besoin, c’est d’une solution sociale, car elle souffre de discriminations. Le président fait un amalgame dangereux en parlant des « problèmes » que poseraient Roms et gens du voyage. Les Roms sont arrivés de plusieurs pays de l’Est où ils étaient maltraités, ce sont des citoyens de l’Union européenne. Or les autorités politiques leur refusent le droit de travailler, de se loger, les expulsent… L’autre amalgame effrayant est de dire que les Roms et les Manouches sont en situation irrégulière, parce qu’ils n’ont pas de papiers. Les Manouches sont français ! Ils sont en France depuis quatre cents ans, ils ont souffert, ils ont été enfermés dans des camps et déportés durant la Seconde Guerre mondiale… Qui a mis les « gens du voyage », comme dit Sarkozy, en situation irrégulière ? Ce sont les politiques ! Les maires, les préfets, qui leur refusent l’emplacement légalement réservé pour leur caravane, voté dans la loi Besson il y a dix ans, mais que personne ne respecte.

Depuis des siècles, 
la communauté tsigane souffre de discriminations, elle est associée au vol, 
à la délinquance…

Tony Gatlif. Le gouvernement assimile cette communauté à la délinquance, mais la délinquance n’est pas liée à une « ethnie », elle est sociale, elle est partout, dans les grandes villes, les cités. Attention, je n’évoque pas les jeunes ou les habitants des cités, je parle des bandes organisées. Mais alors que les Manouches sont français, leurs droits sont toujours bafoués. Par exemple, ils ont toujours un livret de circulation à présenter au commissariat. Or ce document est dans la droite ligne de l’ancien carnet anthropométrique, qui a conduit à l’arrestation des Manouches de France en 1940. Alors, avant de penser à faire des lois sur les Roms et les Manouches, il faut considérer la situation misérable d’isolement dans laquelle la société les met.

Pensez-vous, comme l’opposition, que cette réunion n’est qu’un écran 
de fumée utilisé par 
le gouvernement pour faire oublier l’affaire Woerth 
ou la réforme des retraites ?

Tony Gatlif. Je ne comprends le président : il y a tellement de choses qui vont mal en France... Au lieu de s’attaquer à la crise que traverse notre société, il s’attaque à une petite minorité. Que signifie cette diversion ? Il devrait plutôt faire une réunion d’urgence pour essayer de régler la crise !

Entretien réalisé par Anna Musso

http://www.humanite.fr/23_07_2010-tony-gatlif-%C2%AB-les-tsiganes-ne-sont-pas-un-probl%C3%A8me-%C2%BB-450475

NAFTA & Political Economy of Immigration

Collin Harris
International migration is not, strictly speaking, a new phenomenon. However, in recent decades, the ascendancy of the global economy and the (short-lived?) triumph of neoliberal economics produced a parallel ascendancy in the rate of international immigration. Specifically, in Mexico the effects of neoliberal structural-adjustment programs in the 1980s, NAFTA in the 1990s, and the ongoing Security and Prosperity Partnership have produced successive waves of Mexican migrants to the United States.

As trade negotiations and immigration policy were formally joined in the Immigration Reform and Control Act of 1986, the Commission for the Study of International Migration and Cooperative Economic Development was created to study the causes of immigration to the United States and to offer advice on how to filter and contain it. The commission's first report to President Bush in 1990 found that the primary motivation for migrating north was economic.

The Backdrop

A reminder of the backdrop against which NAFTA was implemented is crucial for understanding the broader implications for both Mexico and the United States. The globalization campaign, of which NAFTA is one stage, had been met with popular protest and mass resistance all over the world. Popular movements against the corporatist crusade to globalize the doctrines of "laissez-faire" began in the global South, eventually penetrating the affluent core of the global economy and climaxing (as of yet) in mass protests against the pillars of the global economic order in Seattle. Similarly, NAFTA was implemented in spite of general public opposition. Typically, dissent and thoughtful criticism of the expected consequences of NAFTA were silenced in the United States, with rare but revealing exceptions. As President Salinas toured the U.S. explaining why NAFTA would set Mexico on a path toward first-world status, an analysis by the Office of Technology Assessment, a research bureau of Congress, concluded that NAFTA would likely harm the majority of the North American population. Negotiations moved forward with this well in mind. In the New York Times, hardly hostile to state and corporate power, Tim Golden reported, "Economists predict that several million Mexicans will probably lose their jobs in the first five years after the accord takes effect."

In the southern provinces like Chiapas and Oaxaca, where the vast majority live on the land, native Indian populations rose up in mass resistance to NAFTA in January 1994. The Zapatista uprising coincided directly with the enactment of NAFTA and attracted worldwide solidarity in defiance of policies that clearly sought to undermine Mexican sovereignty. A major motivator for the uprising was President Salinas's decision to repeal Article 27 of the Constitution of the Mexican Revolution, which had established thousands of pueblos with inalienable community land-holdings called ejidos. As the centerpiece of Mexico's post-revolutionary land redistribution reforms, this integral part of the Mexican social safety net was the ultimate symbol for social justice in peasant communities. As noted by Noam Chomsky in Profit Over People: Neoliberalism and Global Order, such barriers to unfettered implementation of neoliberal reforms were detected in a 1990 Latin America Strategy Development Workshop in Washington: "A 'democracy opening' in Mexico could test the special relationship by bringing into office a government more interested in challenging the U.S. on economic and nationalist grounds." Mexican democracy was seen from the beginning as a primary threat to the architects of NAFTA, for reasons that are abundantly clear upon examination of the record.

Before the formal establishment of NAFTA, Mexico had been successfully co-opted by key purveyors of the neoliberal paradigm, including the U.S. government, IMF, World Bank, and WTO. Evelyn Hu-Dehart acknowledges in her Globalization and Its Discontents that NAFTA should be seen as one stage, albeit a major stage, in a larger process of restructuring the Mexican economy, a process still underway. The first wave of reforms began during the financial crisis of 1982, amid the developing world debt crisis, with Mexico joining the GATT in 1985, NAFTA in 1994, and culminating in the Bush administration's Security and Prosperity Partnership (SPP). Plans for Mexican integration into the global economy pre-dated NAFTA. Essentially, Mexico was to integrate into the New World Order through the standard neoliberal formulas: export-oriented growth models, removal of trade/investment barriers and price controls, sweeping privatization of the public sector, deregulation of industry and finance, and removal of state-provided social services.

By the mid-1960s, the United States and Mexico had established the Border Industrialization Project, which created a multitude of now-infamous assembly plants (maquiladoras) along Mexico's northern border. The preferred model for production in the era of globalization, these Export-Processing Zones were essential for transferring cheap consumer products (apparel, electronics, auto parts etc.) to those living in the affluent global core. Agricultural Devastation

More than any other sector, agriculture in Mexico has been devastated by NAFTA. Agriculture is integral to Mexican heritage and cultural values. For thousands of years, indigenous Indian populations lived and worked on the land, primarily as subsistence farmers, providing for local families, communities, and markets. The decade preceding NAFTA had seen sharp increases in poverty rates, with more than two million new rural poor produced as a result of reforms. By 1998, the rural poverty rate had reached 82 percent according to World Bank figures. In line with World Bank/IMF prescriptions, Mexican agricultural production shifted towards crops for export, including animal feed and other cash crops, much to the benefit of giant agribusiness firms and foreign consumers.

Post-NAFTA, Mexico began exporting its agricultural output. A country with a proud tradition in farming and agriculture now suffered increasing rates of hunger and malnutrition, with over half the people lacking access to basic necessities. According to the Department of Agriculture, exports from Mexico grew at an astonishing annual rate of 9.4 percent between 1994 and 2001, while annual U.S. agricultural exports to Mexico grew to $12.7 billion by 2007. As employment in agriculture declined, productive lands were abandoned and Mexico began to import massive amounts of food and other basic necessities, suffering the consequences of global market volatility.

In Displaced Peoples: NAFTA's Most Important Product, David Bacon discusses how NAFTA forced Mexican farmers/producers of yellow corn to compete in their own local markets with corn grown in the United States by industrial agribusiness operations, subsidized by the public sector through the U.S. farm bill. As NAFTA and earlier reforms eliminated price supports and state food subsidies in Mexico, the U.S. government set up huge protections by subsidizing industrial corn production. Traditionally, through the National Popular Subsistence Company (Conasupo), the Mexican government bought corn at subsidized prices, turned it into tortillas (a staple in Mexican households), and sold them at state-franchised grocery stores at low prices. NAFTA eliminated Conasupo and rural Mexican farmers went hungry trying to compete with American firms who were saturating the local markets with imported crops. Similarly subject to the whims of the global market, and with state assistance banned by NAFTA, Veracruz coffee growers were devastated by a global coffee glut.

Falling Manufacturing Wages

In Happily Ever NAFTA?, John Cavanagh and Sarah Anderson document how, from 1993-1996, real manufacturing wages fell 20 percent. In 1999, wages in the maquiladoras were about $1.74, considerably lower than the rest of Mexican manufacturing with average wages of $2.12. Manufacturing became totally dependent on foreign consumer markets, with over 85 percent of exports and a majority of imports dependent on the American market. Between January 2001 and March 2002, over 500 maquiladoras shut down due to the U.S. recession. Industries became victims of external economic downturns, capital flight, and the search for even cheaper labor. While NAFTA did create 700,000 jobs in the maquiladora plants by 2000, 300,000 of them had disappeared to China and Southeast Asia by 2003. With the demise of the Consupo stores and price supports, the prices of tortillas more than doubled after the adoption of NAFTA, leading to the "tortilla riots." Tortilla production is now monopolized by the Mexican oligopoly Grupo Maseca.

Bacon notes that under the pre-NAFTA Mexican economy, foreign automakers like Ford and GM were required by law to purchase some materials for production from local Mexican producers. Post-NAFTA new laws prohibited requiring foreign producers to use a minimum percentage of local content for production of goods, allowing the auto giants to supply their assembly lines with parts from their own subsidiaries, usually located in other countries. Thousands of Mexican auto workers lost their jobs in the process. As a report by the Economic Policy Institute noted, "NAFTA also prohibited governments from imposing restrictions such as local content requirements and local R&D sourcing and provided an expansion of investor rights in the investment chapter, thus reducing the costs and risks associated with foreign investment." Over half of all U.S. trade with Mexico consists of intrafirm transactions of the type described above.

According to Cavanagh and Anderson, Mexican air pollution more than doubled under NAFTA, while Mexican government environmental expenditures have fallen 45 percent since 1994. Chapter 11 NAFTA provisions allow foreign (primarily American) investors to sue governments directly, in highly secretive arbitration panels unaccountable to the public, for any acts or regulations that might diminish their bottom line. Mexico was forced to pay a California firm $17 million for denying the company a permit to operate a hazardous waste facility in an ecologically sensitive location.

According to Bacon, by the mid-1990s, the majority of publicly-owned mines in Mexico had been sold off to Grupo Mexico, owned by the powerful and wealthy Larrea family. A steel mill in Michoacan was bought by the Villareal family, while the public telecommunications firm was sold to the wealthiest person in Mexico, Carlos Slim, the same oligarch who recently bailed out the New York Times. After having driven the city's bus system into extreme debt, former Mexico City mayor Carlos Hank bought the same public transit system he had destroyed at public auction after NAFTA. Wealthy narrow centers of power in Mexican society were not the only beneficiaries of these privatization schemes. In partnership with the Larrea family, American-based Union Pacific absorbed Mexico's primary north-south railway systems and immediately eliminated passenger service. In pursuit of ever-decreasing production costs, railway employment in Mexico fell drastically. After NAFTA, American firms now own and operate Mexico's ports and shipping terminals, with negative consequences for labor and the environment.

Militarizing the Border

It is no coincidence that, a few days after the passage of NAFTA, the Senate passed sweeping "anti-crime" legislation, militarizing the Mexican-American border and establishing the foundations for an emerging North American security-state. In an op-ed in the LA Times, Henry Kissinger called NAFTA "the single most important decision that Congress would make during Mr. Clinton's first term...the most creative step toward a new world order taken by any group of countries since the end of the Cold War...not a conventional trade agreement but the architecture of a new international system." The NAFTA model was to be the prototype for bilateral and multilateral trading systems in the era of globalized capital, a process which Rockefeller accurately identifies as originating in Pinochet's Chile.

Projects of this scale produce inevitable backlash, part of what economists prefer to call "externalities." As the fabric of social life decays, communities begin to disintegrate and people begin to seek out any means of survival. Once the neoliberal project is underway, in any given society, critical security and military infrastructure is often necessary for containment and suppression of the victims—the general population. From the 1970s on through the 21st century, from South America's Southern Cone to Russia to China to North America, these policies have necessitated the use of force and coercion to protect both the state and other vested interests from popular revolt.

When NAFTA was signed, there were 2.4 million undocumented Mexicans in the U.S. More recent data shows that number at 4.8 million and the total number of Mexican-born people in the U.S. doubled to 9 million by 2000. Over 600,000 Mexicans migrated north in 2002 alone. Mexican migration has increased so much that remittances have become something of a lifeboat for the Mexican economy. NAFTA was to be extended to the realm of security and defense via SPP, a highly secretive regional security initiative launched between President Bush, Vicente Fox, and Canadian Prime Minister Paul Martin in 2005. Quietly launched by the Bush administration, the SPP circumvents elected legislatures, media scrutiny, and general public oversight entirely. In this sense, it is not a treaty or law (which would require consent of the public), but a loose network of interests collaborating behind closed doors as a means of not only enhancing the architecture of NAFTA, but as a way of institutionalizing the infamous Bush National Security Strategy of 2002, the most hegemonic expression of American power since the Monroe Doctrine. Thomas Shannon, the U.S. Assistant Secretary of State for Western Hemisphere affairs, described SPP's purpose with revealing candor: "To a certain extent, we're armoring NAFTA." Mexicans and other Latin Americans have learned that adopting the U.S.-promoted neoliberal economic model—with its economic displacement and social cutbacks—comes with a necessary degree of force, but this was the first time that a U.S. official had stated outright that regional security was now about protecting a regional economic model.

Washington had three fundamental objectives embodied in the SPP:

  • to create more advantageous conditions for transnational corporations and remove remaining barriers for the flow of capital and cross border production within the framework of NAFTA
  • to assure secure access to natural resources in the other two countries, especially oil, which had yet to be fully privatized in Mexico
  • to create a regional security plan based on "pushing its borders out" into a security perimeter that includes Mexico and Canada

Through the SPP, the Bush administration sought to push its North American trading "partners" into a common front that would assume shared responsibility for protecting the United States from external threats, promoting and protecting the "free trade" economic model, and bolstering U.S. global control, especially in Latin America where the State Department sees a growing threat due to the recent elections of center-left governments. Post 9/11, a massive industry was spawned around the creation of the Department of Homeland Security and, increasingly, defense/security/intelligence. Disaster-response matters are now outsourced to the private sector (firms like Boeing, GE, Lockheed Martin, Blackwater, etc.).

Plan Mexico

The latest step forward is Plan Mexico (also known as the Merida Initiative), passed by Congress, and signed into law by Bush in June 2008, which allocates $400 million to Mexico for 2008-09. The original plan foresees about $1.4 billion over a 3-year period to the Mexican military, police, and judicial systems for training and equipment. Plan Mexico is an adjunct to SPP with the expressed intent of arming Mexican security forces in order to protect the "shared economic space" of North America. Hiding behind an empty gesture to combat the deadly drug trade along the Mexican-American border, the Bush administration set in motion a scheme to militarize North America, including widespread border and domestic surveillance and expansion of the private prison complex, allegedly to combat increasing illegal immigration and underground criminal networks. The counter-terrorism/drug war model elaborated in the SPP and embodied later in Plan Mexico encourages a crackdown on grassroots dissent to assure that no force, domestic or foreign, effectively questions the future of the system. As Laura Carlsen notes in her report for the Center for International Policy, "All of these programs are directed to the goals of supply interdiction, enforcement, and surveillance—including domestic spying.... This military model has proved historically ineffective in achieving the goals of eliminating the illegal drug trade and decreasing organized crime, and closely related to an increase in violence, instability, and authoritarian presidential powers." By extending NAFTA into regional security, Washington decided—and the Mexican government conceded—that top-down economic integration necessitated shared security goals and actions. Given the huge imbalance of economic and political power between Mexico and the United States, this meant that Mexico had to adopt the foreign policy objectives and the destabilizing, militaristic counter-terrorism agenda of the U.S. government.

Under the rubric of "Counter Narcotics, Counter Terrorism, and Border Security," the initiative would allocate $205.5 million for the Mexican Armed Forces. Over 40 percent of the entire package goes to defense companies for the purchase of 8 Bell helicopters (at $13 million each, with training, maintenance, and special equipment) for the Mexican Army and 2 CASA 235 maritime patrol planes (at $50 million each, with maintenance) for the country's Navy. Most of the $132.5 million allocated to Mexican law enforcement agencies also lines the pockets of defense companies for purchase of surveillance, inspection, and security equipment, and for training. The Mexican federal police force receives most of this funding, with customs, immigration, and communications receiving the remainder. The rest of the 2008 appropriations request is comprised of $112 million in the "Rule of Law" category for the Mexican Attorney General's Office and the criminal justice system. This money is earmarked for software and training in case-tracking and centralizing data. The initiative would also give $12.9 million to the infamous Mexican Intelligence Service (CISEN) for investigations, forensics equipment, counter-terrorism work, and to other agencies including the Migration Institute for the establishment of a database on immigrants. The U.S. government allots $37 million of the packet to itself for administrative costs.

War on Drugs Model

For the Bush administration, the war on drugs model has served to lock in pro-corporate economic policies and U.S. military influence in the region. When the United States exports its "war on drugs" it becomes a powerful tool for intervention and pressuring other nations to assume U.S. national security interests as their own. This global police role creates dependency on the U.S. military and intelligence services and militarizes diplomacy. The Pentagon takes the lead in international policy, while relegating international law and diplomacy to a distant second place.

What does this all mean for Mexican migration to the U.S.? The answer is relatively simple. NAFTA finalized the restructuring of the Mexican economy that began in 1982. As Mexico was "locked in" to the neoliberal economic model, peasant farmers and assembly plant workers sought economic refuge in the country directly to the north, the center of the world's economy. As "free" market policies pressured the state into cutting budgets for social services, Mexican communities were left with few options. Displacement of Mexican workers is the defining legacy of NAFTA-era Mexico while U.S. industries benefit from "illegal" migrants who demand much less than their U.S. counterparts in terms of wages, benefits, and legal protections. In 2001-2002, while the American economy was shedding millions of jobs, Mexican migrants arrived in staggering numbers. Currently, the vast majority of international migration in the global economy is forced migration.

NAFTA and the SPP should be seen as stages in larger plans for the expansion of corporate and state control over economic, social, and political life in North America. These policy developments of the previous two decades have established a continental economic system and the necessary rules to govern it: private corporate control with the force of the state at its disposal. The criminalization of Mexican immigrants, essentially adopting the counter-terrorism/war-on-drugs approach to addressing the issue, is a recipe for continued failure. Without repealing the systemic reforms established by NAFTA and earlier structural adjustments, actively resisting the radical militarization of North America via the SPP, and establishing self-sufficient Mexican communities, we can expect northbound Mexican migration to continue unabated.

http://www.zcommunications.org/nafta-and-political-economy-of-immigration-by-collin-harris

GOP Wants to Extend Bush Tax Cuts, Not Jobless Benefits. Can Dems Seize the Moment?

Roger Bybee

U.S. Senate Minority Whip Sen. Jon Kyl (R-AZ) speaks in opposition to the unemployment benefits extension being sought by Senate Democrats during a news conference on March 26, 2010. (Photo by Alex Wong/Getty Images)

The Republicans are brazenly displaying their loyalty to the richest 1 percent of Americans by fighting to extend George W. Bush's tax cuts at the very same time they oppose an extension of unemployment benefits for the long-term jobless.

So why aren't leading Democrats happier as the Republicans recklessly show their blatant disregard for the desperate and devotion to rich? White House spokesman Robert Gibson even predicted this week that the Republicans could re-take the House. What gives?

The Republicans' utterly indefensible position was neatly captured in a McClatchy Newspapers headline: "GOP: No more help for jobless, but rich must keep tax cuts." Steven Benen of the Washington Monthly explains the GOP's hypocritical posture:

Republicans almost unanimously oppose spending $33.9 billion for extended unemployment benefits for some 2.5 million people who've lost them, because they say it would increase federal budget deficits.

At the same time, they're pushing a permanent extension of Bush administration tax cuts, especially for the wealthy, which could increase federal budget deficits by trillions of dollars over the next 10 years….

It's generally hard to guess what the public will find compelling, but if I had to guess, I'd say more Americans would rather spend $33.9 billion for extended unemployment benefits than $678 billion for tax cuts for the wealthy.

$217 FOR WORKING FAMILIES VS. $93,000 FOR MILLIONAIRES

In The War At Home, Frances Fox Piven documents that the median Bush tax cut for ordinary Americans has been a measly $217 a year, while it showers $93,000 annually on those earning more than $1 million.

So why aren't Democratic leaders jubilant about the chance to exploit the Republicans' naked act of class warfare? After all, the Republicans, in the midst of severe economic hardship, are supporting more wealth for those who need it least?

Moreover, tax cuts for the wealthy just add to their massive bank accounts and provide virtually no economic stimulus—unlike unemployment benefits, which get devoted to food, mortgage, and gas as soon as the weekly check arrives.

Unforunately, there's good reason for the Democrats' pessimism, based on their shabby treatment of their most excited and hopeful voters. This is bound to be a crucial factor shaping who shows up at the polls in a non-presidential year.

Perhaps top Democrats are finally recognizing the huge "enthusiasm gap" between their now demoralized, drifting constituents and the ferocious and focused activism of the Republican base.

Obama entered the White House facing an unprecedented level of problems, but he also had an extraordinarily involved and well-organized base of voters. But the White House has taken these voters for granted while playing for legitimacy with Wall Street. For example, It's amazing to recall that just weeks before the BP disaster Obama had capitulated to endorsing off-shore drilling.

STIMULUS PLAN NOT ENOUGH—ECONOMICALLY OR POLITICALLY

On the positive side, Democratic voters will typically point to Obama's all-out fight for the $787 stimulus program, which stopped the hemorrhage of 700,000 jobs being lost every month.

However, that signal victory has not been enough to either revitalize the economy nor restore the morale of core Democratic voters, as many of them are especially hard-hit by the Great Recessions. (Art Levine recently articulated on this site the paralysis of the Democrats in delivering substantive economic improvement for their most ardent supporters.)

To make matters worse, most Democrats in Congress have not been responding to the GOP denial of extended unemployment insurance as if the Republicans had staged a Pearl Harbor-style bombing run on working-class America.

If the Democrats had more credibility as tough fighters willing to risk anything for working people hammered by Wall Street, they would be much better positioned to use the current situation to dramatize the distinctions between the two parties as we head toward November's elections.

For example, Sen. Jon Kyl (R-AZ) argues that America cannot afford extended unemployment benefits without offsetting cuts in human-service programs. At the same time, Kyl argues that continuing Bush's regressive tax cuts is a moral crusade so urgent that the resulting deficits need not be considered. "[Y]ou should never have to offset cost of a deliberate decision to reduce tax rates on Americans," he thundered incoherently.

Let's try to translate Kyl: extending unemployment checks (at a maximum of $350 a week) must be offset by human-service cuts. But tax cuts averaging $93,000 a year for millionaires are a cause so sacrosanct that its impact on deficits need never be considered.

It will be both tragic and farcical if the Democrats can't seize on such hypocrisy and use it to define the Republicans for the November elections.

http://www.zcommunications.org/gop-extend-tax-cuts-for-richest-1-no-jboless-pay-by-roger-bybee

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