I.
La Grèce serait l’homme malade de la zone Euro
Les récents événements en Grèce et dans la zone Euro ont donné lieu à beaucoup de commentaires, au sein desquels on peut constater que certains mythes ont la vie (très) dure. Sans prétendre leur faire la peau définitivement, il convient de rappeler ici certains faits, par sympathie pour les travailleurs grecs mais aussi par amour de la vérité.
La presse allemande, et même française, a usé de termes, en réalité, bien plus injurieux. On se souvient des « cueilleurs d’olives » et même de l’exécrable calembour (la « mauvaise Grèce ») par lequel un quotidien français s’est déshonoré. Il convient de rétablir ici les faits.
Un pays se juge à sa productivité du travail. Mais, cette dernière dépend aussi des activités qui dominent dans ce pays. Ainsi, les services non financiers ont-ils une productivité plutôt basse, tandis que l’industrie a une productivité qui, toute chose étant égale par ailleurs, est plus élevée. Les services financiers aujourd’hui sont l’activité dont la productivité est la plus forte, sans d’ailleurs que cela ne préjuge pas de leur contribution réelle à la richesse du pays ou de leur utilité. La Grèce est plutôt une économie de services (le tourisme et les services associés), avec aussi un secteur agricole qui – pour des raisons géographiques – est plutôt intensif en travail qu’en capital. Or la productivité de la Grèce, en dépit de tous ces facteurs, et loin d’être ridicule (graphique 1).
On peut constater sur ce graphique que la productivité de la Grèce (calculée en parité de pouvoir d’achat) est supérieure à celle du Portugal et de tous les pays « nouveaux entrants » de l’Union Européenne (qui n’ont pas la réputation, pourtant, d’être peuplés de fainéants). En fait, la Grèce à une productivité égale à 85% de la productivité allemande, ce qui n’est pas mal pour des « cueilleurs d’olives »…
Maintenant, si l’on compare les rythmes des gains de productivité sur 10 ans (199s-2005), on peut faire une autre constatation (Graphique 2).
Taux de croissance moyen de la productivité par personne occupée
Avec une moyenne de 2,4%, la Grèce a un taux de croissance de la productivité du travail sensiblement égal au double de l’Allemagne (1,2%). Elle est aussi nettement au-dessus de la moyenne de la zone Euro et de l’UE-25. En fait, et compte tenu de la structure de l’économie grecque, les travailleurs ont consenti des sacrifices importants.
La Grèce a incontestablement des problèmes, mais ils n’ont rien à voir avec le travail des Grecs. On peut rapidement, sans prétendre à l’exhaustivité, évoquer :
II.
Autre cliché et autre mythe, que cette « vertu » allemande que l’on oppose aux autres pays, dont la Grèce et la France. De fait, l’Allemagne n’est pas spécialement vertueuse (si tant est que ce mot ait un sens en économie) mais elle vit aux dépens de ses voisins. Si la « vertu » a un sens, c’est bien par l’investissement que l’on devrait la mesurer, car elle implique alors des sacrifices au présent pour préserver l’avenir. Mais, dans ce cas, la France et l’Italie sont bien plus « vertueuses » que ne l’est l’Allemagne (graphique 3).
Si l’on regarde la question des dettes (et du total de ces dernières et non de la simple dette publique), ici encore c’est une autre image que l’on obtient.
En matière de dette totale, la France fait ainsi mieux que l’Allemagne, qui pourtant ne cesse de donner des leçons. L’Espagne (zone Euro) et la Grande-Bretagne (hors zone Euro) sont à l’évidence les « mauvais élèves ». Mais, même un pays comme l’Italie, en dépit d’une forte dette publique, n’est pas si mal placé sur le total des dettes.
D’où vient alors le « succès » allemand ? D’un politique d’exploitation de ses voisins ! Par sa politique fiscale l’Allemagne a réalisé l’équivalent d’une dévaluation de 10% au sein de la zone Euro. Autrement dit, non contente de paralyser ses partenaires, elle a accru son avantage à leurs dépens, au moment où sa balance commerciale avec les pays d’Asie (et la Chine en particulier) devenait négative. C’est cette politique qui pose problème aujourd’hui et qui compromet les chances de survie de la zone Euro.
Encore faut-il demander à qui cette politique profite en Allemagne.
Les données pour des comparaisons internationales sont relativement fragmentaires. D’après un travail réalisé à l’OCDE en 2008, on peut cependant constater que, en longue période, la part des 1% les plus riches dans le revenu national est en Allemagne sensiblement supérieure de ce qu’elle est en France. Ainsi, le mythe d’une Allemagne « vertueuse » ne ferait que masquer une réalité plus triviale : les rapports de forces bien plus favorables au capital qu’au travail. Les Allemands ne sont pas vertueux, ils sont plus exploités (graphique 3).
On retrouve ici l’inanité qu’il y a à parler de « vertu » en économie. La vérité est que les politiques ne sont ni « vertueuses » ni « non vertueuses ». Au mieux peut-on s’interroger sur leur durabilité, que ce soit dans le cadre national ou international. Il est ici clair que l’Allemagne a une politique de répartition, qui engendre le reste de sa politique, qui n’est pas durable ou « soutenable » dans le cadre de la zone Euro.
Certes, la situation n’y atteint pas les extrêmes des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Mais l’écart de répartition est très significatif. Rappelons enfin que, depuis l’après-guerre, la croissance allemande a été plutôt inférieure à la croissance en France et en Italie (Graphique 4).
En fait, ce sont bien des pays qui ont été systématiquement présentés comme « non-vertueux » (la France et l’Italie) qui ont obtenu les meilleurs résultats sur longue période. Le niveau de la productivité en France (graphique 1) le montre.
La fascination de certains pour une « vertu » allemande supposée a de biens étranges échos. Elle est, en France, au service d’une bien étrange politique.
http://www.marianne2.fr/Grece-les-trois-mensonges-des-medias-et-des-experts-2_a192313.html
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