« No justice, no peace », « P a s de justice, pas de paix » ? Non : « No justice, no pizza », « Pas de justice, pas de pizza ». Dans la mondialisation, on arrange aussi aux goûts en vigueur dans un lieu la couleur d’un slogan, y compris en en cassant la rime… Plusieurs militants de la CGT et de la CFDT reviennent d’un voyage, prolongé pour cause de pagaille aérienne, aux États-Unis où, à l’invitation du syndicat américain SEIU, ils ont découvert les arrière-cuisines de Sodexo. Là-bas, pour ses salariés, la multinationale française de la restauration collective, 22e entreprise au monde (360 000 salariés au total), prépare une drôle de tambouille : dans cette grande démocratie qui dispose d’une législation sociale pour le moins accommodante pour le capital, Sodexo recrute à prix cassés des salariés, une majorité écrasante de femmes immigrées des pays d’Amérique latine, et n’y va pas de main morte pour les empêcher de s’organiser syndicalement. Pendant quelques jours, la semaine dernière, le SEIU avait organisé un siège de protestations, sur les campus des universités, devant les administrations où Sodexo gère les cantines et au quartier général de la filiale américaine, dans le Maryland. « Le mot d’ordre entrepreneurial de l’entreprise, c’est la qualité des solutions pour la vie », raille Mitch Ackermann, vice-président exécutif de l’organisation syndicale américaine, reprenant le charabia des experts de la communication développement durable de Sodexo. « Mais quand les travailleurs sont payés moins de 7,50 dollars de l’heure, on ne voit vraiment pas au nom de quoi on pourrait parler de la qualité des solutions de vie ! » Une salariée d’une cantine de l’université de Denver dénonce : « Je ne peux pas payer de soins médicaux pour mes enfants. Nous avons très peu de droits à des congés maladie et, quand je suis malade, je suis obligée d’aller travailler pour garder des jours au cas où mes enfants tomberaient malades. »
PRÉCARITÉ ET BAS SALAIRES
Côté direction, on oppose aux dénonciations des salariés des labels de « responsabilité sociale » et des palmarès de journaux : Sodexo est entrée dans les « entreprises les plus admirées » du magazine Fortune et le magazine Working Mother Magazine, la très prometteuse bible de « la mère de famille qui travaille », l’a désignée comme « l’un des meilleurs lieux de travail pour les salariées payées à l’heure ». Mais pour les syndicalistes français qui ont fait le voyage aux États-Unis, Sodexo, implantée en France, ne peut plus profiter impunément de la faiblesse des droits sociaux là-bas pour réaliser des profits mirifiques. « L’entreprise forme ses cadres à la lutte contre l’implantation syndicale sur ses sites aux États-Unis, dénonce Enrique Cuevas, de la fédération CFDT des services. Il existe des brochures très bien faites pour contrecarrer l’organisation syndicale chez Sodexo. Nos militants ont été très choqués de voir licencier sous leurs yeux certains des salariés qui s’étaient mis en grève au cours des actions… » Jean-Michel Dupire, secrétaire fédéral de la CGT commerce, confirme : « Sodexo pratique comme en France une gestion par la précarité, les bas salaires ou les discriminations à l’égard des femmes, mais en plus aux États-Unis, comme il n’y a pas de législation du travail, ils en profitent pour combattre, sans même s’en cacher, les organisations syndicales. »
THOMAS LEMAHIEU
http://www.humanite.fr/2010-04-23_Politique-_-Social-Economie_Sodexo-en-accusation-aux-Etats-Unis
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