Les libéraux allemands proposent que la Grèce sorte de la zone euro. Qu’en pensez-vous ?
Ce n’est pas à nous, ni à d’autres pays de la zone euro, de sortir de la zone euro. Ce qui se passe est une preuve de l’échec de l’Union Européenne, et plus particulièrement de l’euro en tant que monnaie unique. Il vaut mieux de regarder les évolutions sur le long terme pour en tirer la conclusion qui s’impose : il faut réajuster le cadre constitutionnel de l’UE et celui de la zone euro. Aujourd’hui, la Grèce est visée, mais demain, ce sera le Portugal, puis l’Espagne et sans doute l’Italie. Ces pays rencontrent des problèmes similaires aux nôtres. La sortie d’un pays de la zone euro signifierait en fait une faillite de l’UE. Aujourd’hui, certains proposent que l’Allemagne, qui poursuit une stratégie économique ne servant que ses propres intérêts, sorte de la zone euro. Ce serait aussi une possibilité que nous pourrions envisager. Mais la meilleure voie à suivre est de revoir les cadres institutionnels européens, d’y introduire des règles sociales, et non de poursuivre uniquement dans la voie de ces politiques économiques libérales et de la compétitivité, y compris entre les Etats-membres.
Certains, comme l’Humanité qui a lancé une pétition, proposent que la Banque centrale européenne puisse prêter à 1%, directement aux Etats. Quel est votre avis ?
Même si elle implique de modifier les traités, cette proposition est bonne et juste. La banque centrale américaine, la FED, le fait déjà. Or, en Europe, aujourd’hui, les banques commerciales peuvent emprunter à 1% mais prêtent aux Etats à 5%, 9% et même maintenant 11% à la Grèce ! Le système monétaire européen, tel qu’il est organisé, conduit à une spéculation dramatique. Nous proposons aussi que la BCE puisse émettre des obligations européennes et que la BCE prête aux différents Etats à des conditions qui prennent en compte le résultat social, dans le cadre d’une stratégie sociale européenne. Cette proposition peut être mise en œuvre rapidement. Comme les choses se passent aujourd’hui, la base productive stagne dans l’économie. Quelque soit les formes de l’intervention, il faut développer cette base productive. L’argent doit être utilisé à développer l’économie plutôt qu’à la contracter et qu’à nous placer dans le cercle infernal de la déflation. Je crois qu’il faut retrouver un équilibre des dépenses publiques en développant les services publics, notamment sociaux.
Quels sont les impacts du plan d’austérité appliqué en Grèce actuellement ?
Selon les calculs du FMI, la dette publique de la Grèce s’élèvera à 150% du PIB dans deux ans. Ce qui veut dire que le plan d’austérité est un échec. Le FMI estime aussi que la déflation sera de 5% au cours des prochaines années et qu’il y aura une hausse importante du chômage qu’ils ne pronostiquent pas – parce que personne ne sait exactement quel taux il atteindra mais probablement 18 à 20%. Je ne vois rien de bon dans ce plan d’austérité. Je dirais même que le remède est pire que la mal.
La BCE est actuellement indépendante. Doit-elle le rester ?
Elle doit être effectivement placée sous le contrôle politique des citoyens. Un premier pas semble avoir été effectué avec la proposition du Conseil européen de mieux réguler les marchés financiers. Il faut le mettre en pratique. Ce qui passe aussi par des prêts directs de la BCE aux Etats ! En tout cas, il n’est pas possible de poursuivre avec une banque indépendante qui cherche d’abord à protéger le secteur bancaire dans son ensemble. Il faut donc introduire la sphère politique au sein de la BCE, en prenant en compte des objectifs sociaux.
Pourtant, Dominique Strauss-Kahn, le directeur du FMI, a proposé une déflation générale en Grèce…
C’est la politique classique du FMI. Ils croient qu’une baisse drastique des salaires et des prix rendra à la Grèce sa compétitivité. Mais dans le passé, nous avons déjà vu différentes déflations. Leurs résultats étaient toujours les mêmes : les exportations n’ont pas augmenté, mais les prix, eux, oui. La dévaluation conduit en fait à une réorganisation des allocations, ce n’est pas la solution. On augmentera la compétitivité différemment, mais pas en diminuant les salaires et les dépenses sociales. Ce sont en fait les critères du pacte de stabilité que vous mettez en cause. Oui. Ils sont au cœur du problème. Bien sûr, les gouvernements des 20 dernières années ont mené des politiques catastrophiques. Nous payons aussi le prix de ces politiques. On nous dit que notre marché du travail est très strict. Ce n’est pas le cas, la flexibilité est déjà à l’œuvre : il n’y a qu’à regarder le taux de travailleurs à temps partiels et le chômage caché. Mais en devant respecter les critères du pacte, les Etats sont privés de leviers pour agir sur la relance de leur économie.
Entretien réalisé par Fabien Perrier
http://www.humanite.fr/Grece-Ce-qui-se-passe-est-une-preuve-de-l-echec-de-l-UE
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