Depuis hier lundi, 45 comédiens se relayent sur la scène du théâtre de Reykjavik afin de faire une lecture des 2000 pages du « Rapport Vérité » sur l’effondrement du système financier islandais en octobre 2008. Le site Internet du théâtre relaye cette manifestation inédite pour des événements dramatiques, qui a trouvé non sans logique un plateau de théâtre comme lieu d’une catharsis. Il fallait semble-t-il cette mise en scène d’un rapport parlementaire très attendu pour contribuer à aider les 320.000 islandais à surmonter le traumatisme qu’ils ont subi, telle une déroute collective. Ou pour les inciter à en accepter les conclusions afin d’endiguer leur colère.
Celles-ci sont doublement à charge, pour les principaux responsables politique et financier de l’équipe de droite précédemment au pouvoir, limogée à la faveur d’élections, ainsi que pour les trois principaux banquiers. Les premiers sont accusés d’ « extrême négligence » et d’avoir sciemment dissimulé la situation au sein même de leur gouvernement, les seconds de s’être octroyé, parachevant l’édifice qu’ils avaient construit avant qu’il ne s’écroule, des prêts personnels très avantageux.
La question d’éventuelles poursuites pénales est laissée par le rapport à l’appréciation des parlementaires. L’ordre de mission à l’origine du « Rapport Vérité » était de »révéler des faits et fournir une vue globale des principaux événements qui ont conduit à la chute des banques islandaises, et en identifier les causes ». Au vu des compte-rendus disponibles, il n’est pourtant pas certain que les causes en aient été identifiées. La « négligence » des principaux acteurs du drame, qui ont consacré à la situation financière islandaise de discrètes réunions entre eux (premier ministre, gouverneur de la banque centrale, ministres des affaires étrangères et des banques), est pour le moins le minimum de ce qui pouvait leur être reproché. Un procès en incompétence, exprimé également dans le rapport, serait certainement un moindre mal.
Johanna Sigurdardottir, la première ministre du nouveau gouvernement islandais, a commenté le rapport : « Des erreurs ont évidemment été faites. Les banques privées ont échoué, le système de surveillance a échoué, les politiques ont échoué, le gouvernement a échoué, les médias ont échoué, et l’idéologie du marché libre a totalement échoué ». A la tête de la première coalition de gauche au pouvoir dans toute l’histoire du pays (entre l’Alliance social-démocrate et le Mouvement des verts et de gauche), elle a poursuivi : « Dans ce contexte, la démocratie, la force du droit et une coopération internationale étroite ont été et continueront à être nos meilleures armes ».
Cette énumération des leviers dont disposent les Islandais ne doit rien au hasard, alors qu’ils ont massivement rejeté par referendum un accord de remboursement des gouvernements britannique et hollandais, suite à la déroute de la filiale de la banque Iceland. Négocié par le gouvernement actuel, il a pour but d’obtenir de meilleures conditions financières, les initiales impliquant de la part des islandais un effort déraisonnable. Rien n’a pour l’instant abouti. Ceci justifie la référence à l’arme de la démocratie.
Concernant le droit, la première ministre fait référence à la position du gouvernement dans ces négociations, qui estime que le dossier juridique n’est pas aussi clair que ses interlocuteurs voudraient le faire croire, ce que de nombreux experts en droit international confirment. La référence à la coopération internationale se justifiant, à ses yeux, par la nécessité d’une solution négociée à la crise.
Demandant à être confirmée, l’annonce d’un déblocage possible de fonds par le FMI est venue conforter cette analyse. Il s’agirait de la troisième tranche d’un prêt de 2,2 milliards de dollars au total accordé en novembre 2008, pour un montant de 159 millions de dollars, que le conseil d’administration du FMI pourrait entériner le 16 avril prochain.
Un tel déblocage donnerait aux marchés un signal positif, alors que la crainte était grande en Islande que les agences de notation continuent de dégrader la note du pays, que Fitch a déjà abaissée au dernier cran avant « spéculative », Standard & Poor’s et Moody’s risquant de lui emboîter le pas. Où l’on voit resurgir le spectre des agences quand elle sont à la manoeuvre.
Avec la Grèce, l’Islande était le deuxième test de départ de la crise de la dette publique en Europe. Le chômage qui s’y est installé en a été le premier résultat. L’acharnement mis par les gouvernements britannique et hollandais dans cette affaire n’est pas avant tout une histoire de gros sous. Elle résulte d’une intention clairement exprimée : il s’agit de faire symboliquement plier un pays et au travers lui une volonté populaire qui s’est démocratiquement exprimée. Un refus, non pas de rembourser, mais d’entériner des conditions considérées comme léonines. « L’Allemagne payera ! » avait-on dit au lendemain du Traité de Versailles…
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