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16/01/2009

Niveau de Lutte face à la Guerre Spectaculaire

EMOREJ Archibald

« Le spectacle n’est pas un ensemble d’images mais un rapport social entre des personnes médiatisées par des images. »

« L’organisation révolutionnaire ne peut être que la critique unitaire de la société, c’est-à-dire une critique qui ne pactise avec aucune forme de pouvoir séparé, en aucun point du monde, et une critique prononcée globalement contre tous les aspects de la vie sociale aliénée. Dans la lutte de l’organisation révolutionnaire contre la société de classes, les armes ne sont pas autre chose que l’essence des combattants mêmes : l’organisation révolutionnaire ne peut reproduire en elle les conditions de scission et de hiérarchie qui sont celles de la société dominante. »

GUY DEBORD.

Les êtres aliénées ne savent se révolter que sur ordre du grand spectacle, et l’instrumentalisation de la contestation ne sert qu’à apaiser les frustrations logiques de la folie du monde occidental. En rien cette contestation ne pèse sur l’ordre politique ou sociale, pas plus qu’elle n’aide les populations bombardées. Les projecteurs sont braqués sur Gaza, alors Gaza existe pour un temps, ou ré-existe, tandis que le reste du monde n’existe plus. La rage des révoltés d’ici peut alors se concentrer sur un objectif simplement spectaculaire, et comme la saignée des médecins-charcutiers du moyen-âge, le remède n’a pas d’autre objectif que le coma inoffensif, en même temps que son efficacité ne peut être démenti. Bien naturellement la sang des révoltés boue d’indignation, quoiqu’il arrive il est impossible de nier l’existence de leur cœur donc de leur compassion, voir de leur rage, rien de cela n’est factice. Mais l’expression de leur élan naturellement révolutionnaire est elle totalement maitrisée par le spectacle.

Les dernières semaines ne sont rien d’autres que la répétition absolue de l’acte consacré à la protestation internationale, tel qu’il est écrit depuis la guerre ultra-spectaculaire du Viet-Nam. Cette date marque en effet la dernière tentative de renversement du spectacle pour le rétablissement de la réalité, le renversement étant alors l’œuvre d’une masse de révoltés désorganisés et de petits groupes révolutionnaires très organisés. Le spectacle a appris de cette révolte et amélioré sa partition. Que se passe-t-il donc dans les rues aujourd’hui ? Ébullition dans les rangs des révoltés, le spectacle donne en pâture aux spectateurs endormis dans leurs fêtes marchandes de ce début de millénaire de quoi rassasier leur appétit de luttes encadrées et sécurisées. Le spectacle en grands habits de cérémonie tonne les trois coups d’un acte pourtant connu, celui de la guerre loin de chez eux. Rien de neuf, les mêmes acteurs, les mêmes broncas médiatiques, les mêmes résolutions de l’ONU, les mêmes guérilléros masqués, les mêmes enfants jetant les mêmes pierres sur les mêmes chars d’acier, le même ballet d’hélicoptères et les mêmes effets pyrotechniques. Les mêmes savants expliquent, d’autres présidents s’indignent et dans les rues du monde, entre deux blagues au bar du coin où ils parlent de la grande révolution, ils crient pour tuer le temps, pour chasser le froid et ils se collent des trucs sur la poitrine pour montrer au camera du coin, en souriant, puisque se révolter ici est un acte festif, qu’ils ne sont pas vraiment d’accord, et ils affirment, entre eux, que si vraiment il y avait quelque chose à faire de plus efficace, de plus révolutionnaire, ils seraient les premiers. Les spectateurs, grâce du spectacle à sa matière première, peuvent un temps jouer leur partition et masquer leur longue vie impersonnelle de destruction pour quelques minutes au premier rang de la scène.

Focalisé sur les images, tout ce petit monde révolté au milieu de la majorité qui s’en moque est devenu expert superficiel d’une situation compliquée. Peu importe, les images n’ont pas vocation à expliquer seulement à véhiculer une idéologie truquée par la paraître. Le spectacle est une fête, la guerre rien de moins qu’un jeu. Et tout le monde attend le résultat de ce jeu vidéo à grand échelle. Combien d’unités détruites, de chars brulés, d’hôpitaux en cendre, d’enfants carbonisés, de juifs abattus, d’arabes assassinés, d’orphelins et de veuves ? Ce sont des statistiques d’une grande valeurs pour les affiches de la prochaine manifestation. Le spectacle donne cette chance, ils peuvent à peu de frais utiliser toujours les même pancartes, à dire vrai se sont toujours les même acteurs, comme ces chansons formatées qui s’écoutent depuis des générations, les bons thèmes font toujours recettes, pourquoi le spectacle s’en priverait-il ? Le tremblement de terre et les corps déchirés aux impacts des bombes, l’odeur du sang et la main tremblante qui hurle au secours, rien de plus que des images en deux dimensions, sans aucune profondeur, sans qu’aucun sentiment ne puisse se déchainer dans les êtres aliénés.

Le spectacle, dieu omnipotent, assujettit les consciences de tous y compris les consciences révoltées. Ce qui est vu est, ce qui n’est pas vu n’est pas. Alors tout le monde se presse devant les immortaliseurs d’images, et le jour suivant, loin de se consacrer à propager l’idée de la lutte ou d’organiser une quelconque résistance, ils propageront leur propre image de manifestation, ainsi la révolte partie prenante du spectacle n’a plus aucun sens sinon celui imposé par le spectacle. Parce que, à parler le langage du spectacle, la possibilité même de le combattre s’annule. Elle est dure au cœur révolutionnaire la loi du spectacle mais elle est ainsi. On ne s’insurge pas de la réalité par le spectacle, on détruit le spectaculaire par des actes réels, et peu importe alors quel agent sera en charge de scénariser un acte alors passé, l’important est que la lutte réelle se soit déjà déplacée vers un autre front. Et ceci ne rabaisse en rien les sentiments du cœur de ces révoltés, simplement il faut abattre cette phrase ennemie, cela ne sert pas à grand chose mais il faut le faire quand même, car cette phrase est soufflée par le spectacle, non il ne faut pas faire de chose inutile et l’organisation révolutionnaire meurt de ces petits actes bourgeois qui ne sont que bonne conscience pour les uns et argument de fausse démocratie pour les autres.

Pour être plus clair et sortir de la phraséologie situationniste, le simple fait de savoir, et non de voir, les horreurs de l’invasion israélienne, la pure absurdité et l’apologie de l’in-humanité, rien de moins ne devrait soulever les révoltés vers une lutte radicale, une lutte à mort contre les mécanismes sordides et pourtant bien connus de cette énième guerre capitaliste. Ainsi la perte de temps, l’inefficacité et le grotesque rôle qu’ils s’accordent dans le spectacle devrait suffire à les en dégager et à nourrir la logique toute révolutionnaire de mobilisation de leurs forces à des actes bien plus tactiques. La contestation ainsi codifiée, par le spectacle lui-même, ne peut convaincre de son efficacité que les plus naïfs, voir les plus lâches qui lavent ainsi leur journée au service de ce même système qu’ils prétendent alors déstabiliser. Mais à Gaza cela n’a aucune influence. Pas plus que l’indignation calculée de tel président ou la décision de telle ligue, de telle organisation unie. A Gaza ils réclament des armes, des soldats et rien de moins que les brigades internationales. Les révoltés en doute ? C’est qu’ils n’ont rien de révolutionnaires. Chercheraient-ils par là-bas aussi un accord humanitaire, une trêve, un cessez-le-feu, bref que le spectacle balaye ces images qui les gênent pour reprendre le cours tranquille de son horrible quotidien ; la partie de football de la semaine ; le discours confortant du plus à gauche des droitistes ; la commémoration d’une victoire lointaine ; la chaleur d’un documentaire animalier ; les rires de quelques chansonniers...

Le spectacle est unique et hypnotise de son œil de cyclope. S’il nous montre la Lune comment voir le milliard d’étoiles ? C’est bien cela sa stratégie et pour cette raison évidente les révolutionnaires doivent s’en détourner, ne pas le fréquenter, ne pas utiliser son langage, ne pas penser une minute pouvoir l’utiliser à des fins autres que ce pourquoi il est, c’est à dire éloigner les regards et les consciences de la réalité. Les révolutionnaires ont-ils besoins de lire les journaux pour se convaincre des malheurs du système capitaliste ? Est-il besoin d’étudier sous tous les angles les théories de tel penseur pour nommer les structures de l’ordre génocidaire ? Et de même pourquoi tuer toute son énergie à essayer d’injecter un peu de remède dans le sang vénéneux du spectacle, pourquoi s’épuiser à purger un principe dont la seule existence et de mentir et de renverser le réel ? Certains sophismes ne peuvent se résoudre, alors, que par la folie, mais le spectacle n’est que cela, ce spectacle, qui, parait-il, peut convaincre que l’énergie nucléaire est une énergie propre, que les pauvres ne le sont que parce qu’ils sont fainéants, que Monsanto travaille à résorber la faim dans le monde, que la démocratie est le pire des systèmes mais qu’il n’y en pas de meilleur, que les états-unis d’Amérique œuvre pour la liberté dans le monde, que Cuba est une dictature, que le terrorisme est le fléau du monde alors que le saccage capitaliste est son remède, ...

Pourtant pas un révolutionnaire ne croit cela. Pourtant tous les révoltés se rangent aux ordres pour contester pacifiquement et selon l’ordre du jour de la contestation imposée par le spectacle, sans voir que loin de les fortifier cela les diminue et annihile l’esprit et l’organisation de la lutte. L’effet pervers de cette inconstance dans les objectifs de la lutte qui se borne à de superficielles escarmouches est de souffler sur le feu de la rage, non pas pour l’attiser mais pour l’éteindre. Nul doute que dans quelques jours les yeux se détourneront de Gaza pour se focaliser ailleurs. Peut-être en Ukraine. Peut-être en Guinée. Peut-être au Paraguay. Peut-être en Grèce. Peut-être au Sri-Lanka. Peut-être au Japon. Peut-être au Zimbabwe. Peut-être en Colombie...n’importe où, ou plus exactement partout, tout cela est égal au spectacle du moment que la rage latente converge vers une seule direction, et dans la succession de causes en image, dans la succession de superficiel, rien ne subsiste que le vide et la frustration, encore, pour les révoltés d’occident. Peu importe l’organisation à Gaza, l’histoire de la lutte d’hier et de demain, peu importe la profondeur et l’expérience porteuse d’espérance, seul importe le spectacle et l’illusion de s’enflammer pour de grandes causes. Le cynisme de la situation imposée revient à ne pas accepter le pic de violence actuelle et réduire la revendication révolutionnaire au statu quo sordide et assassin de ces 70 dernières années.

Le capital lui lutte les armes à la main, et dans nos rues il y a bien plus de militaires que l’on ne le croit, des paramilitaires pourrait-on dire puisqu’ils ne touchent pas directement leur solde d’un gouvernement pour leur service sous un drapeau ; paramilitaires sans fusil mais pas sans pouvoir parce que ce sont eux qui sont les rouages essentiels du système d’oppression. Les grands pontes du grand capital ne sont pas des nababs endormis sur leur tas d’or, ils travaillent sans relâche à expérimenter de nouvelles formes de terreur et d’oppression, et ils payent une gigantesque pyramide de collaborateurs sous leurs ordres. Les révoltés, eux, amoureux de la palabre, considèrent trop qu’ils sont indispensables, précieux, et s’occupent plus de leur liberté et de leur sécurité que de l’efficacité de leur actes. Si bien que lorsque la situation se tend, trop de fois ils préfèrent le repli pour sauver leur liberté de parole, leur sécurité d’action. Mais quelle parole ? Quelles actions ? Leur confort surement. Évidemment personne ne souhaite être prisonnier, torturé, dépecé, violé ou tué par les hordes barbares. Personne. En tout cas les révoltés ne le veulent pas. Les révolutionnaires eux ne veulent que personne ne soit prisonnier, torturé, dépecé, violé ou tué par les hordes barbares, et si le prix à payer et la mise en jeu de leur intégrité physique ou de leur liberté, ils l’acceptent et cela n’est pas incompatible avec le rejet radicale de toute idéologie du martyr. Cela n’a rien de romantique et tout doit être fait pour que cette extrémité ne soit jamais atteinte, mais ce risque ne tétanise pas leurs actes, le spectacle de leur propre mort n’est rien au regard de la réalité de leur actions triomphantes. C’est un point fondamental. Les révoltés occidentaux, formatés et en un sens corrompus par le spectacle, sont persuadés que de toute façon ils ne peuvent triompher, alors seulement leurs importent de faire bonne figure, de mimer la rébellion, de prendre place dans les postes spectaculaires de la contestation, mais en réalité ils n’œuvrent en rien pour un changement radical, en rien ils ne nourrissent de critique et d’auto-critique, en rien ils ne sont révolutionnaires.

Le niveau de la lutte réelle est pourtant loin d’être tragique. Le spectacle joue sont rôle d’escamoteur de la réalité, de mieux en mieux, mais il faut noter qu’il se heurte toujours au problème insoluble qui sous-tend le capitalisme, à savoir l’accumulation indéfinie et monstrueuse de richesses qui elles ne sont pas indéfinies. Une fois évidente pour les populations exploitées la farce du spectacle, les soumis se révoltent. Et du statut de révolté à celui de révolutionnaire il n’y a qu’une saut, celui qui définitivement les exclut du monde spectaculaire pour retrouver celui de la réalité. Celle-ci est dure et insupportable si on la regarde avec les yeux du spectacle, avec des yeux inhumains, mais elle est remplie de valeurs supérieures si on la regarde avec les yeux de la vie réelle, avec des yeux humains, écrivons même avec les yeux du cœur puisque c’est bien là une valeur supérieure que nous ne partageons avec aucune autre espèce. En ce début de millénaire les franges les plus éloignées du cœur du système spectaculaire, de l’occident capitaliste, ce retrouve en ce point tactique, abandonnées par le monde spectaculaire parce que devenues inutiles à son fonctionnement, et quoique révoltées, elles hésitent encore entre le chemin des révolutionnaires ou celui que leur a laissé le souvenir du spectacle, c’est à dire n’être rien d’autre que des troubles fête du spectacle, des clowns en habits de scène qui cracherait aux visages des acteurs, des voleurs, des bandits, des mercenaires, des écrivains invisibles, des trafiquants de chair ou quelques autres activités de ces êtres perdus entre deux mondes. Mais beaucoup, formés par eux-même, par le vie ou par des groupes politisés et surs de leurs bases sociales et humaines, rejoignent des guérillas ou forment de nouveaux foyers révolutionnaires. Le spectacle ne parlera jamais d’eux avant leur première victoire. Ils seront alors alignés aux premières pages comme terroristes, non sans raison puisque leur raison d’être est bien de terroriser le spectacle, de le faire vaciller et finalement le vaincre. Le cercle d’influence du spectacle toujours plus restreint, tous les révoltés auront ce choix à faire, celui de rejoindre les révolutionnaires, d’intensifier leur niveau de lutte face à la guerre spectaculaire, ou celui de grossir les rangs des collaborateurs et des mercenaires du capitalisme, et en ce point stratégique, ce point du réel, les réflexes et conditionnements du spectacle ne pourront pas masquer la vrai valeur des êtres.

A.E

in LE GRAND SOIR

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