Par Mehdi Chebana
- Depuis une semaine, les piquets de grève sont quotidiens devant le siège du gouvernement (©CdB/M.Chebana)
Des mamans qui crient leur indignation devant le ministère du Travail, des fonctionnaires qui multiplient les piquets de grève devant le gouvernement, des retraités qui vont jusqu’à investir le siège de la présidence... Depuis une semaine, le climat social est explosif à Bucarest.
« Démission ! Démission ! », répètent à tue-tête les manifestants qui protestent contre le plan de rigueur imaginé par les autorités pour tenir sous contrôle le déficit public.
Et pourtant, le gouvernement, qui cherche à obtenir une nouvelle tranche du plan global de 20 milliards d’euros consenti l’an dernier par le FMI, l’Union européenne et la Banque mondiale, dispose d’une marge de manœuvre très mince. Il lui faut impérativement économiser 1,7 milliard d’euros d’ici la fin de l’année.
« Comment voulez-vous qu’on se serre encore plus la ceinture ? », s’interroge Carmen, l’une des 4,6 millions de retraités dont les revenus pourraient baisser de 15% dans deux semaines. « Je ne touche que 85 euros par mois et c’est encore à moi qu’on va demander un effort, ce n’est pas juste ! ».
Dès le 1er juin, le gouvernement entend aussi, par décret, réduire les salaires des fonctionnaires de 25%, les allocations chômage de 15% et baisser de façon substantielle les allocations familiales ainsi que les aides versées aux handicapés, aux invalides de guerre ou aux anciens révolutionnaires [1]
« Ces propositions sont complètement irresponsables », juge l’économiste Nicolae Ţaran. « Car, si elles sont appliquées, le peuple va encore plus s’appauvrir, la consommation va fortement baisser et la récession n’en sera que plus violente. »
Avec un taux chômage de 8,36% qui a doublé en un an et un recul de la production industrielle qui dépasse les 6%, la Roumanie a été très fortement touchée par la crise internationale. Le pays est entré en récession début 2009, lorsque son PIB s’est contacté de 7,1%, et c’est alors que les autorités ont sollicité un important prêt global soumis à la mise en œuvre de mesures drastiques.
Les fonctionnaires en première ligne
« Nulle part en Europe, pas même en Grèce, on a vu un plan de rigueur aussi draconien ! », s’insurge Romel Neagu, 53 ans, président exécutif de la Fédération nationale des syndicats de l’administration (FNSA). « Quelques 1,3 million de fonctionnaires roumains seront largement mis à contribution, qu’ils gagnent 4000 euros ou 150 euros par mois. On ne peut pas laisser passer ça. »
À l’appel des cinq principaux syndicats du pays, un rassemblement d’ampleur sera organisé mercredi devant le siège du gouvernement à Bucarest. Pour l’occasion, les fonctionnaires devraient se mobiliser en masse alors que 36.000 d’entre eux ont déjà et renvoyés depuis décembre et que plus de 70.000 autres devraient subir le même sort d’ici la fin de l’année.
« En théorie, on a des droits, on a passé un concours mais dans la pratique, c’est encore plus la jungle que dans le privé ! », estime Andreea, une policière de 42 ans. « Nous irons jusqu’au bout pour qu’on nous écoute. Et, même si dans notre secteur on n’a pas le droit de faire grève, nous prendrons sur nos congés pour continuer de manifester. »
Négociations au point mort
Alors que les négociations entre les syndicats, le patronat et le gouvernement sont au point mort, le Conseil économique et social ayant échoué lundi à approuver la lettre d’intention que la Roumanie doit envoyer au FMI dans les prochaines semaines, les syndicats de l’éducation et de l’administration ont d’ores et déjà appelé à la grève générale illimitée à partir du 31 mai prochain.
« Ce programme visant à réduire les dépenses publiques était inévitable », avait déclaré, le 6 mai, le Président Traian Băsescu. « La recette n’est pas facile mais on ne pouvait plus continuer comme ça », avait-t-il ajouté, soulignant qu’il préférait « une restructuration massive des dépenses » à une une hausse de quatre points de la TVA et du taux unique d’imposition sur les revenus et les bénéfices.
« Il existe pourtant bien d’autres solutions pour réduire le déficit que les mesures anti-sociales qui ont été annoncées », juge Romel Neagu. « On pourrait opérer un traitement différencié des coupes salariales et des retraites. On pourrait lutter contre l’évasion fiscale et le travail au noir qui sont un manque à gagner correspondant à 44% de notre PIB. Ou encore contrôler les dépenses extravagantes de l’État. Pourtant, le gouvernement ne veut pas céder. »
De son côté, l’opposition sociale-démocrate a promis de faire tomber le cabinet d’Emil Boc pour empêcher l’application de « mesures profondément anti-sociales ». Deux motions de censures pourraient être soumises au vote du Parlement dans les prochains jours.
[1] Une allocation de 500 euros est versée à plusieurs milliers de Roumains qui sont officiellement reconnus comme ayant été révolutionaires en décembre 1989 (preuves vidéos, photos, aucun lien avec la Securitate etc.). Cette aide n’est accordée qu’à ceux dont les revenus sont inférieurs au salaire moyen (un peu plus de 300 euros mensuels).
http://balkans.courriers.info/article15245.html#nh1
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