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20/01/2009

Le choix d’Obama : Truman ou Marshall

Akiva Eldar - Ha’aretz - 19 janvier 2009

En mars 1948, le secrétaire d’Etat d’alors des Etats-Unis, George Marshall, informait le président Harry Truman qu’il ne voterait pas personnellement pour lui à cause du soutien du président à la création de l’Etat d’Israël.

Marshall faisait valoir que cela allait à l’encontre des intérêts américains et il accusait Truman de soutenir Israël pour des considérations électorales - à savoir, pour l’argent et le vote juifs. Marshall était un peu injuste : l’Holocauste des juifs d’Europe y était pour quelque chose dans le soutien de Truman à la création d’un Etat juif. A cette époque, la perspective d’un homme noir entant à la Maison-Blanche aurait relevé de la science fiction.

Aujourd’hui, Barack Obama a reçu les votes et l’argent d’environ 80% des juifs américains, bien que son rival, John McCain, ait été plus ouvertement favorable à l’Etat juif. Les Israéliens ont été le seul peuple au monde à espérer l’élection du candidat républicain. Le nouveau président peut ainsi se permettre de revoir les « relations spéciales » avec Israël, en particulier en ce qui concerne les valeurs qu’il partage avec les Etats-Unis et sa contribution aux intérêts américains.

Quelles valeurs partagées a bien pu noter le libéral américain noir au cours de ces derniers jours, en regardant les émissions sur les sites bombardés par Israël au cœur de la région la plus densément peuplé au monde ? Peut-on croire que la mémoire des horreurs de l’Holocauste va peser sur les relations d’Obama avec Israël ? La semaine dernière, un membre juif du parlement britannique déclarait que sa grand-mère n’avait pas été assassinée par les nazis pour fournir un prétexte aux soldats israéliens pour assassiner les grand-mères palestiniennes à Gaza.

Le porte-parole du consulat israélien à New York s’est vanté des masses qui avaient participé à une manifestation de solidarité avec les enfants de Sderot. Il n’a pas fait mention des masses de juifs qui ne savaient pas où cacher leur honte à la vue des images d’hommes palestiniens pleurant amèrement sur les familles qui avaient péri sous les décombres de leurs maisons.

Les porte-parole israéliens essaient de s’en sortir en avançant la question/argument suivante : « Les Etats-Unis se seraient-ils retenus face à des tirs de roquettes continus sur leurs enfants en provenance du Mexique, sur leur propre sol ? » On a du mal à croire qu’une telle comparaison fasse impression sur un homme intelligent comme Obama. Le Mexique n’est pas sous blocus aérien et naval de l’Amérique, il n’est pas considéré comme un territoire occupé en violation du droit international. L’armée US et les colons américains ne contrôlent pas des parties du Mexique depuis 41 ans (et les Etats-Unis ont été les garants des Accords d’Oslo qui déclaraient que la bande de Gaza et la Cisjordanie constituaient une entité politique unique).

Quant à la contribution d’Israël aux intérêts américains, seconde composante des « relations spéciales », elle est mise en doute depuis des années. Chaque fois que des juifs tuent des Arabes dans les territoires, des drapeaux américains sont brûlés en Egypte et en Jordanie. Dans leurs deux guerres contre l’Iraq, les Etats-Unis ont réussi (ou raté) sans l’aide d’Israël, et ils l’ont même remercié d’être resté sur la touche. Et la crainte du lobby pro-israélien a contraint quelquefois l’administration et le Congrès à subordonner leur politique à Israël, au mépris des intérêts américains. Le meilleur exemple en est la retenue affichée par les deux dernières administrations US devant l’expansion continuelle des colonies, en violation flagrante du processus d’Oslo, de la Feuille de route et de la déclaration d’Annapolis.

Obama a le choix entre deux options. D’abord, il peut laisser les Israéliens saigner et tuer tout sur le chemin qui les conduisent à être un Etat d’apartheid mis au ban des nations, observons au passage qu’Israël met en danger la paix dans le Moyen-Orient et sape les intérêts de son pays, tout comme l’avait prévu George Marshall. Seconde option, il se tient aux côtés d’Israël dans son combat pour faire la paix et maintenir son caractère juif et moral afin d’être accepté dans la région, comme proposé par 22 Etats arabes. Autrement dit, finir le travail de Truman.

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