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24/04/2011

Enquête sur le coût de la vie en prison

Franck Dedieu et Géraldine Meignan

Logés, blanchis, nourris, les prisonniers? En réalité, la vie derrière les barreaux coûte très cher aux plus démunis: tout est facturé à un prix exorbitant. Et trop peu d'entre eux peuvent travailler, pour un salaire dérisoire. Enquête exclusive.

Grâce à la location de téléviseurs, l'association socioculturelle de la prison de Fleury-Mérogis s'est constitué un magot de 800 000 euros. REUTERS/Bertrand Guay/Pool
 
Des tarifs de haut vol Bouteille d'eau: + 102%
Badoit 1,5 l : 1,21 euros dans une prison de Picardie, contre 60 centimes dans une grande surface voisine
Céréales: + 38%
Chocapic blé et chocolat : 2,70 euros à la maison d'arrêt de Laval (en 2009), contre 1,96 e sur le site Auchandirect
Chocolat: + 129%
Tablette Crunch au lait : 1,83 euros dans une prison de Picardie, contre 80 centimes dans une grande surface voisine
Sucre: + 85%
1 kilo : 1,74 euros dans une prison de Picardie, contre 94 centimes dans une grande surface voisine
Réfrigérateur, Plaque de cuisson, Télévision: 78%
C'est la rentabilité annuelle à Lons-le-Saunier pour la location (198 euros par détenu et par an) de ces trois appareils (valeur à l'achat : 252 euros).
Pot de Nutella: + 31%
400 g : 3,04 euros au centre de détention de Muret, contre 2,32 euros à l'Intermarché de Toulouse
Kiri : + 142%
8 portions, 160 g : 3,83 euros dans une prison de Picardie, contre 1,58 euros dans une grande surface voisine
Thé: + 62%
Lipton 25 sachets : 2,04 euros à la maison d'arrêt de Laval (en 2009), contre 1,26 euros sur le site Auchandirect
Coca-Cola: + 22%
Boîte 33 cl : 50 centimes à la maison d'arrêt de Laval (en 2009), contre 41 centimes sur le site Auchandirect
Dentifrice: + 55%
Signal 75 ml : 1,04 euros dans une prison de la région Centre, contre 1,61 euros au Carrefour voisin
Crème Nivea: + 17%
Tube 100 ml : 2,60 euros dans une prison de la région Centre, contre 2,22 euros au Carrefour voisin
Papier toilette: + 77%
39 centimes en septembre 2009 à la maison d'arrêt de Saint-Malo, contre 22 centimes comme premier prix actuel sur le site Carrefour.fr

Milieu de matinée au centre pénitentiaire de Rennes. Le travail vient de reprendre dans les ateliers. Penchées sur leur ouvrage, dans le cliquetis des machines à coudre, plusieurs dizaines de détenues s'appliquent à piquer les coutures des uniformes qu'elles confectionnent, sous l'oeil vigilant de leur supérieur. "En prison non plus, le salarié ne peut se permettre de perdre son job. Car si dehors on se plaint de la vie chère, derrière les murs, elle est exorbitante", s'emporte François Korber, la tignasse blanchie par treize années sous les verrous, président de l'association de défense des prisonniers Robin des lois. La réalité carcérale, très loin de la vision populaire du "logé, nourri, blanchi", est bien celle-là : la vie en prison coûte cher aux détenus, et l'argent, dedans plus encore que dehors, est le nerf de la guerre.
Le train de vie derrière les barreaux se joue déjà à l'épicerie - le "cantinage", dans la langue pénitentiaire. Chaque établissement assure évidemment un service gratuit de restauration à l'attention des prisonniers, mais il héberge en plus un véritable supermarché très tentant pour chacun d'eux. Le détenu ne flâne pas dans les rayons pour comparer les prix, non : il coche les produits souhaités sur un catalogue. Officiellement, l'inventaire de la supérette ne doit pas sortir de la prison, mais L'Expansion s'en est procuré plusieurs exemplaires. Surprise : les biens de première nécessité sont facturés au prix fort. En 2009, à la maison d'arrêt de Saint-Malo, le rouleau de papier toilette revenait à 39 centimes, un surcoût de 77 % par rapport au premier prix pratiqué aujourd'hui sur le site Internet de Carrefour. Le centre de détention de Muret (Haute-Garonne), quant à lui, surfacture le pot de Nutella de 31 % par rapport à l'Intermarché de Toulouse. Une étude réalisée en mai 2010 par les équipes de Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, et portée à la connaissance de L'Expansion,pointe les marges bénéficiaires du prestataire privé Avenance (Groupe Elior) dans une prison de Picardie : "Certains articles valent le double de ce qu'ils coûtent dans la grande surface voisine", résume le document.
En théorie, les prix des denrées devraient être très encadrés"Le passage du public au privé fait augmenter les prix de 25 % en moyenne", estime Jean-Marie Delarue. En théorie, l'épicier du privé ne peut pourtant pas faire valser les étiquettes à loisir, l'administration veillant au respect d'engagements écrits. En pratique, il en va tout autrement. "Sur 30 produits étudiés en février 2010 dans une prison de Haute-Normandie, 25, facturés trop cher, dépassaient largement les limites de prix fixées par la convention", accuse un contrôleur. "Dans les établissements en gestion déléguée, les prix sont fixés dans des conditions insuffisamment définies par les conventions actuelles", renchérit la Cour des comptes. "L'administration impose des conditions de prix extrêmement draconiennes. Les tarifs doivent être proches de ceux pratiqués par la grande distribution voisine", se défend Eric Roussel, directeur général des opérations d'Avenance, le seul prestataire qui a bien voulu évoquer ces questions épineuses.

http://lexpansion.lexpress.fr/economie/enquete-sur-le-cout-de-la-vie-en-prison_249294.html

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