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23/11/2010

« L’Allemagne devrait payer pour la dette irlandaise »

Emmanuel Lévy

Pour Sylvain Broyer, économiste à la banque Natixis, le sauvetage de l'Irlande aurait du passer par une plus forte contribution financière de l'Allemagne, seule grande économie de la zone euro à bénéficier d'une bonne conjoncture.

cc: slworking2, Flickr
Comment analysez-vous la situation Irlandaise ?

Sylvain Broyer:
En termes de gravité, d’intensité comme de coûts, ce qui se passe en Irlande est du même ordre que ce qui s’est passé en Grèce. Mais les raisons en sont très différentes car ces deux pays ont opté pour des politiques économiques opposées : libérale dans le cas de l’Irlande,  plutôt étatique dans le cas hellénique. Mais dans les deux cas, apparaît au grand jour un mensonge. Afin de qualifier ces deux pays pour leur entrée dans l’Union monétaire, les états européens et la Commission ont accepté de croire aux statistiques économiques produites par le gouvernement grec, dont chacun connaissait le peu fiabilité. Quant à l’Irlande, dont le développement économique est fondé sur une politique de moins disant fiscal, notamment avec un taux d’imposition des bénéfices de 12,5 %, chacun a fait mine de croire que cette stratégie de « free rider », de passager clandestin,  était compatible avec une union monétaire sans union fiscale.

Mais cette stratégie n’a-t-elle pas réussi?

S. B.
: C’est une grande réussite en effet. Grâce à la faiblesse de cet impôt, mais également à un marché de l’emploi peu rigide, l’Irlande a pu attirer sur son territoire de nombreuses entreprises, accroissant sa richesse et diminuant fortement son chômage. Non sans générer de dangereux déséquilibres.
Quoiqu’il en soit, l’Irlande est devenue prisonnière de ce modèle. C’est pourquoi, elle a tout fait pour conserver ce taux de 12,5 %.

L’Autriche, comme de nombreux pays, avaient pourtant tenté de conditionner l’aide de l’Union Européenne à la fin de cet état de fait. N’était-ce pas un bon « deal » ?


S. B.
: Non, car dans le cas de l’Irlande comme ailleurs, c’est encore faire le choix de la récession. Mais avant de poursuivre, une remarque. Que l’Autriche qui a récemment abaissé son taux d’IS à 25 % dans une perspective de concurrence fiscale accrue, fasse cette demande, est quand même pour le moins étonnant.
Sur le fond, cette demande est dramatique. Il ne s’agit pas ici de savoir si la concurrence fiscale au sein de l’UE est vertueuse ou pas. Mais, dans les conditions actuelles, du point de vue macroéconomique, ce serait une catastrophe pour l’Irlande et avec elle pour les pays de l’Union, ses principaux partenaires économiques. Car relever le taux d’IS, revient à pousser l’Irlande dans la spirale de la récession. Dans un contexte déjà menaçant, la priver de son petit plus, c’est faire fuir aujourd’hui les entreprises. On obtiendrait donc le résultat inverse : une réduction des recettes fiscales!! Bref une moindre capacité de remboursement de la dette.

Quelles seraient les bonnes solutions ?


S. B.
: Idéalement ? Que l’Allemagne paye. Non pas qu’elle prête de l’argent mais qu’une partie de ses ressources fiscales soient orientées vers l’Irlande. C’est assez improbable en l’état des choses, mais on voit bien que l’Allemagne est quasiment seule la grande gagnante de la situation actuelle. Sa croissance semble assurée pour les années à venir, et son taux de chômage est au plus bas. On risque même la surchauffe. Les Allemands qui pensent bénéficier des fruits des « politiques de l’effort » initiées avant la crise (baisse des coûts salariaux, marché du travail plus flexible consommation des ménages atone), voient mal pourquoi les autres pays devraient y surseoir. De là, on comprend qu’ils ne soient pas enclins à payer pour l’Irlande, ce qui serait la meilleure des solutions si l’on souhaite conserver la monnaie unique et un projet européen.

A la place de cette solution idéale, des pays comme l’Irlande, la Grèce, le Portugal, mais aussi pourquoi pas l’Espagne, voire l’Italie seront aidés par le Fonds européen de stabilité financière (FESF), la Banque centrale européenne (BCE), ou peut-être même à travers des émissions obligataires communes de la part des pays européens. D’où le risque, important, de ne parvenir à stabiliser ni leur dette ni leur taux de financement.
 
http://www.marianne2.fr/%C2%A0L-Allemagne-devrait-payer-pour-la-dette-irlandaise%C2%A0_a200025.html

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