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27/10/2009

"On ne crée pas un sentiment d'appartenance avec des injonctions"

Démographe et enseignante-chercheuse à l'université de Versailles-Saint-Quentin, Olivia Samuel a codirigé l'ouvrage En quête d'appartenances, étude démographique sur la construction des identités. Publié il y a deux mois, ce livre s'appuie sur une enquête quantitative menée en 2003 auprès d'un échantillon représentatif de 10 000 personnes en France métropolitaine.

Comment définissez-vous le terme "d'identité nationale" ?

Pour moi, "l'identité nationale" n'évoque strictement rien. Nous ne nous sommes pas posés la question de savoir ce que recouvrait cette expression, ce n'était pas l'objet de notre travail de recherche. Il y a juste eu un téléscopage médiatique entre notre livre et l'actualité. Notre but était de définir l'identité au sens large et sans a priori, c'est-à-dire que les gens apportent eux-mêmes leur propre définition. Et ce qui ressort de l'enquête, c'est qu'il existe de multiples identités.

Dans le titre du livre, En quête d'appartenances, ce dernier terme est justement au pluriel car l'identité est pluridimensionnelle. Elle se construit en fonction de la famille, du statut social, du territoire, etc. Elle se construit aussi tout au long de la vie : l'identité n'est pas figée, elle évolue selon les expériences personnelles et collectives. Ainsi, le débat politique risque d'appauvrir le questionnement. Si on ne retient que l'aspect national de l'identité, c'est très réducteur.

Mais l'identité nationale peut-elle être une composante de l'identité au sens large ?

Oui, bien sûr. On voit dans un chapitre sur l'appartenance au territoire que certains se reconnaissent dans leur pays. A la question "Vous sentez-vous avant tout : d'une région de France ? Français ? Européen ? D'un autre pays ?", 59 % se sentent avant tout français, 25 % d'une région de France, 10 % européens et 4 % d'un autre pays. L'attachement à un territoire comporte plusieurs échelons, il est lié aux trajectoires de vie. Et d'une manière générale, l'ancrage est plus fort pour le local. Par ailleurs, il faut aussi faire attention aux raccourcis rapides entre identité nationale et parcours migratoires.

Le ministre de l'immigration et de l'identité nationale, Eric Besson, souhaite notamment "que tous les jeunes Français aient une fois dans l'année l'occasion de chanter la Marseillaise". Que pensez-vous de ce genre de mesures ?

D'un point de vue global, dans toutes les politiques, dès qu'il y a des mesures coercitives sans consensus ni adhésion, c'est peu efficace. Il y a même un risque de provoquer des oppositions vives. On ne crée pas un sentiment d'appartenance avec des injonctions.

L'identité est-elle un sujet tabou ?

Je dirais surtout que c'est un sujet qui vient "d'en haut", imposé par les discours politiques et les débats scientifiques. Dans la vie de tous les jours, je ne pense pas que les gens se posent par eux-mêmes des questions d'identité. En dehors de mon activité professionnelle, ça ne m'est jamais arrivé de débattre de mon identité ou de celle des personnes avec qui je parle.

Propos recueillis par Dorian Chotard

Le Monde - 27.10.09

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