Entre 1997 et 2007, le niveau de vie annuel des 5 % les plus aisés (1) a progressé de 4 800 euros- une fois l’inflation prise en compte -, celui des 10 % les moins aisés de 1 360 euros. L’écart s’est creusé de 3 500 euros. Il était de 29 400 € en 1997, il est passé à 32 900 € en 2007, deux ans et huit mois de Smic... Pour la première fois en France, nous sommes en mesure de livrer des données comparables sur la période pour toutes les années (voir tableau) et de dresser un bilan détaillé (voir encadré méthodologique). Ces données établies par l’Observatoire des inégalités et Alternatives Economiques à partir des chiffres de l’Insee, font apparaître une nette hausse des inégalités, alors qu’aucun indicateur ne permettait de le mesurer avec précision jusque là.
En revanche, les inégalités diminuent si l’on raisonne en pourcentage : entre 1997 et 2007, les revenus des moins riches ont augmenté de 15 %, contre 12 % pour les plus riches. Le rapport entre le revenu des 5 % les plus riches et celui des 10 % les plus pauvres a baissé de 4,40 à 4,28.
Quel indicateur choisir ? On ne vit pas avec des pourcentages. C’est bien les euros qui permettent de définir le niveau de richesse, et, partant de là, les conditions de vie (2). La hausse des écarts de niveaux de vie n’est donc pas seulement un « sentiment », mais bel et bien une réalité tangible.
Attention : on raisonne bien ici en terme d’inégalités. Au cours de cette période le niveau de vie des plus pauvres s’est bien nettement amélioré, de l’ordre d’1,4 Smic, ce qui n’est pas négligeable. En tous cas, à ce niveau, on n’assiste pas à une paupérisation croissante, pour cette période. Même s’il est possible que la situation soit différente pour les 1 % ou 5 % les plus démunis. Les travaux des économistes Thomas Piketty et Camille Landais ont par exemple montré que tout en haut de la hiérarchie, au sein des 1 % les plus aisés (invisibles par l’Insee), la croissance des revenus était beaucoup plus forte. Enfin, ces données demeurent des moyennes qui peuvent masquer des évolutions différentes selon les territoires, le sexe, l’âge, la nationalité, et bien d’autres facteurs.
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Gauche contre droite
Ces nouvelles données nous permettent de comparer deux périodes, 1997 à 2002 puis 2002 à 2007, durant lesquelles deux majorités opposées se sont succédées. L’écart s’est creusé davantage en valeur absolue au cours de la première période (+ 2 800 euros) que la seconde (+ 689 euros). A la fin des années 1990, la croissance des revenus a été vive, autour de + 10 %, alors qu’entre 2002 et 2007 la croissance a été deux fois plus faible. Du coup, en valeur absolue, les 10 % les plus pauvres ont gagné bien plus entre 1997 et 2002 qu’entre 2002 et 2007, mais les plus riches ont alors touché le jackpot... Après tout, peu importe les inégalités, pourrait-on estimer : les conditions de vie des plus défavorisés se sont bien davantage améliorées sous la gauche que sous la droite. Si l’on compare les gains en pourcentages, on remarque que sous la gauche, presque toutes les tranches de revenu augmentent de la même façon, alors que sous la droite, la progression des hauts revenus est plus faible (3 % contre 5 %).
La croissance a fait davantage le jeu des riches que des pauvres si l’on raisonne en terme d’écart de niveau de vie. Les pouvoirs publics, et donc la couleur de la majorité, n’influence guère les inégalités au niveau général, en tous cas bien moins que l’évolution globale de l’économie. Reste qu’au cours de ces deux périodes, aucune politique de redistribution forte n’a été mise en place, hormis la prime pour l’emploi, créée en 2001 et augmentée ensuite. Dans les deux cas, les baisses d’impôt ont bien davantage profité aux plus aisés et accentué le mouvement au lieu de répartir la richesse.
Ce qui s’est passé depuis 2007
Peut-on imaginer ce qui s’est passé depuis 2007 ? Le ralentissement économique frappe lourdement les plus défavorisés, notamment les jeunes les moins qualifiés dont le chômage progresse fortement. Mais le rendement et le cours des actions diminuent aussi très nettement, ainsi que les taux d’intérêt et les prix de l’immobilier : les riches en prennent un sérieux coup... Il est même possible que l’on assiste à une baisse des inégalités ! Pour autant l’écart restera astronomique, de l’ordre de 30 mois de Smic…
Louis Maurin
(1) Par souci de simplicité nous écrivons « le revenu des 5 % les plus aisés », alors qu’il s’agit du niveau de revenu qui sépare les 95 % les moins riches des 5 % les plus riches et non la moyenne des revenus des 5 % les plus aisés. Il en est de même pour l’ensemble des tranches utilisées dans cet article. Il s’agit de revenus après impôts et prestations sociales, pour l’équivalent d’une personne seule.
(2) On notera au passage qu’aucun document issu de la statistique publique ne mesure ce type d’évolution en valeur absolue.
| Comment avons-nous procédé ? En 2002 puis en 2005, l’Insee a changé de méthodologie. Jusqu’à présent les données n’étaient pas comparables. Pour régler ce problème, nous avons recalculé les séries à partir de l’écart entre les évaluations réalisées en 2002 et 2005 avec les différentes méthodes. Il s’agit d’une méthode approximative : les données « reconstituées » ne sont pas obtenues pour chaque année avec les règles employées à partir de 2005, néanmoins le degré d’erreur est sans doute minime. D’ailleurs, l’Insee a pratiqué de cette façon pour calculer les données rétropolées de la pauvreté (voir en ligne). Observatoire des Inégalités |













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